Aléas climatiques
Groupama constate un frémissement sur les assurances récolte

Christophe Soulard
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La réforme de l’assurance multirisques climatiques en vigueur depuis le début de l’année se traduit par un nombre d’agriculteurs faisant le choix de s’assurer à la hausse. Néanmoins, pour Groupama, la prise de conscience ne paraît pas encore assez forte.

Groupama constate un frémissement sur les assurances récolte
Même si le niveau d'assurance reste inférieur à ce qu'espérait Groupama, la réforme mise en œuvre depuis le 1er janvier a un impact indéniable. (Crédit photo Sophie Debove)

Avec un brin de déception dans la voix, Pascal Viné, directeur des relations institutionnelles de Groupama, regrette qu’il n’y ait pas eu « de choc assurantiel ». En tout cas pas celui auquel les assureurs pouvaient s’attendre depuis l’application de la réforme de l’assurance récolte au début de l’année. « Ce n’est pas le déploiement massif que nous avions espéré », a-t-il ajouté. Pourtant les résultats sont loin d’être négligeables pour Groupama qui voit ses surfaces brutes assurées augmenter de plus de 550 000 ha dans toutes les filières. Le futur président (lire encadré), François Schmitt, y voit « l’impact des nouvelles règles qui présentent une réelle attractivité pour les agriculteurs », sous l’effet des demandes de la profession agricole, notamment représentée par le Conseil de l’agriculture française : une franchise à 20 %, une subvention à 70 millions d’euros et un Fonds de solidarité national (FSN) qui se déclenche automatiquement à 50 % de perte pour les grandes cultures et la viticulture et à 30 % pour les autres filières.

2 700 contrats souscrits

C’est en partie ce qui explique que le groupe assurantiel enregistre 2 700 contrats souscrits depuis le début de l’année, pour plus de 270 000 ha de prairies et près de 220 millions d’euros de capitaux assurés. Et ce, malgré les réticences de certains éleveurs qui ont fait part de leurs doutes sur l’indice satellitaire qui sert de base à l’indemnisation en cas de sinistre (la sécheresse notamment). Pascal Viné ne nie d’ailleurs pas que « la carte a questionné les éleveurs, car l’indice ne percevrait pas la sécheresse de l’été dans toutes les zones ». Il a cependant rappelé que cet indice a « été doublement validé par les scientifiques et le gouvernement » et que « le satellite voit la sécheresse ». En revanche, « quand on la compare et qu’on la cumule à la moyenne olympique, en relatif, la pousse de l’herbe sur la partie nord de la France a été supérieure, en 2022 », a-t-il souligné. Les dirigeants de Groupama qui auraient espéré plus d’élan dans les souscriptions ont rappelé que le dispositif n’est pas obligatoire et que les agriculteurs font aussi des arbitrages, en fonction de leurs productions mais aussi du coût de l’assurance. La moyenne olympique, impactée par plusieurs mauvaises années successives, « peut être défavorable », a précisé Pascal Viné. Elle peut en effet mécaniquement et mathématiquement réduire le potentiel d’indemnisation.

Des détails restent à régler

Groupama reste toutefois confiant pour l’avenir et a bon espoir d’augmenter de 30 % le nombre d’agriculteurs assurés dans toutes les filières, même s’il reste encore quelques détails à régler comme la mise en place d’un interlocuteur agréé qui sera choisi par l’agriculteur pour qu’il évalue le taux de perte sur son exploitation et la mise en place d’un groupement d’assureurs. Celui-ci doit mettre en commun des données qui permettront à chaque exploitation de trouver une offre attractive. En plus de cette « universalité de l’offre, nous devons partager la sinistralité pour avoir un coût d’assurance supportable », a souligné François Schmitt. Ce groupement devrait être finalisé avant le mois de juillet pour une mise en œuvre en 2024. Groupama souhaite aussi que les agriculteurs s’engagent encore plus dans l’adaptation au changement climatique. « Car l’assurance protège des à-coups. Elle ne protège pas des tendances », a précisé François Schmitt. Que ce soit pour la souscription ou l’adaptation, « il nous faut encore faire de la pédagogie », a conclu Nadia Roignant-Creis, directrice des marchés agricoles.

2022, année très sinistrée

« Coups de chaleurs, grêle, sécheresse, incendies… L’année 2022 a été très sinistrée », a affirmé François Schmitt, président délégué de Groupama. Pas moins de 60 % des assurés multirisques climatiques (MRC) ont déclaré un sinistre sécheresse, soit 700 000 ha. Selon ses données, l’assureur a enregistré l’an passé, plus de 26 500 déclarations de sinistres, 80,4 % sur les grandes cultures, 18,7 % sur les vignes et 0,8 % sur les vergers. Sur ces 700 000 ha déclarés, 412 000 ha concernent la seule production de maïs. « Il porte à lui seul 30 % de la charge totale, tous aléas confondus, avec un rapport sinistre/cotisation de 200 % », indique Nadia Roignant-Creis, directrice du marché agricole. « Pour 100 euros cotisés, 200 euros ont été remboursés », a-t-elle précisé. Groupama a également indemnisé les pertes des 380 000 ha touchés par la grêle. L’assureur a reçu près de 11 000 déclarations de sinistres sur cette intempérie. Les grandes cultures, légumes et horticulture représentent 72 % des sinistres « grêle », la viticulture 26 % et l’arboriculture 2 %.

François Schmitt, prochain président de Groupama

Début juin François Schmitt prendra la succession de Jean-Yves Dagès qui a été élu président du conseil d’administration de Groupama Assurances Mutuelles en 2012. Polyculteur-éleveur en Moselle, François Schmitt est l’actuel président délégué et administrateur de Groupama depuis le 30 juin 2008. Il a vu ses mandats renouvelés en 2009, 2015 et 2021.