Betteraves
Le refus d'une nouvelle dérogation : « un gros coup derrière la tête »

Christopher Levé
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Le jeudi 19 janvier dernier, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a décidé de refuser toute nouvelle dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes en France. Un coup dur et inattendu pour les betteraviers qui attendaient cette même semaine la validation d’une troisième année de dérogation. Cela semblait alors n’être qu’une formalité…

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Sans les NNI, le risque de jaunisse s'accroît (photo CGB Champagne Bourgogne).

« Personne ne s’attendait à cette décision, personne ne l’avait vu venir », s’insurge Didier Renoux, président de la CGB de l’Yonne.
Le jeudi 19 janvier, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a décidé de refuser toute nouvelle dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes (NNI). Si la France était favorable à une troisième dérogation pour 2023, elle n’ira pas à l’encontre de la décision européenne. Pour la CGB France, cette décision « met toute une filière en danger. Une telle décision risque d’entraîner des conséquences désastreuses et irréversibles dans nos territoires ruraux ».
Un point de vue bien évidemment partagé par Didier Renoux. « On est tous abasourdie car la décision est brutale et inattendue. À la base, on avait obtenu l’accord pour une dérogation pour l’utilisation des NNI pour une durée de trois ans. On l’a eu durant deux ans et on attendait l’accord pour la troisième année la semaine dernière. Ce refus est donc un gros coup derrière la tête pour nous, les betteraviers, car les semis sont déjà prévus, les semences sont commandées ».

« Il faut du temps à la recherche »

Le président icaunais de la CGB l’assure, « il nous manque du temps pour trouver des semences résistantes à la jaunisse. On avait demandé initialement cinq ans, on nous a autorisés trois ans (de dérogation), puis en définitive on nous retire la troisième année. Cela n’était pas prévu, c’est de la folie. On sait ce qu’on fait, si on demande des années supplémentaires d’utilisation des NNI, c’est parce qu’il faut du temps à la recherche pour avoir des semences au point, résistantes à la jaunisse ». Car concrètement, pour l’heure, « on n’a pas de solution technique pour remplacer les NNI ».
Plus encore, les betteraviers ne comprennent pas la décision de la CJUE puisque dans le même temps, les betteraviers allemands (premiers concurrents européens des Français) seraient autorisés à utiliser des NNI en pulvérisation (en France, cela est interdit. Seule l’utilisation des NNI en enrobage de semences était autorisée, ndlr).
Les planteurs, eux, sont déboussolés. « Beaucoup veulent réduire leur production voire l’arrêter. Notre message actuel est de dire qu’il ne faut pas prendre de décision trop hâtive au regard de ce qui sera proposé en termes de base indemnitaire par l’État, mais également des annonces en cours en termes d’objectif de valorisation 2023 par nos groupes sucriers. Ce sont deux points déterminants », confie Didier Renoux.
Le 23 janvier, face aux représentants de la filière betteravière, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, au-delà d’annoncer prolonger le PNRI (plan national de recherche et d’innovation ; mis en place il y a deux ans dans le but de trouver des alternatives aux NNI face à ces problématiques de jaunisse, ndlr), s’est engagé à étudier un dispositif d’indemnisation des pertes dues à la jaunisse. Une « nécessité absolue » pour la CGB France « pour rassurer les planteurs, à condition que ces pertes soient totalement prises en charge et de n’avoir ni franchise, ni plafonnement des aides ».
La décision devrait vite arriver, avec l’impératif des semis qui approchent, « d’ici quatre à six semaines », comme a lui-même indiqué Marc Fesneau le 23 janvier face aux betteraviers.

Une action syndicale à Paris le 8 février

Pour crier haut et fort leur incompréhension et leur mécontentement, la CGB France s’organise pour mener à bien une action syndicale à Paris, qui aura lieu le mercredi 8 février. Celle-ci, aux côtés du syndicalisme général, de la FDSEA et des JA, passera par les Invalides. Un clin d’œil à Napoléon (où se situe son tombeau), qui a eu un rôle décisif dans la production de sucre de betterave en France, au début des années 1800.