FDSEA 58
Du personnel au collectif

Chloé Monget
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Durant l'Assemblée générale de la FDSEA 58, le 15 novembre (1), une table ronde était organisée sur le thème : « Renouer avec l'attractivité et la reconnaissance, donner le goût d'entreprendre en agriculture ».

Du personnel au collectif
La table ronde fut animée par Stéphane Lafranchise, ancien directeur de la FDSEA 58 (à droite), et réunit, ici de gauche à droite, Yannick Fialip, président de la commission économie de la FNSEA, Stéphane Aurousseau, membre du bureau de la FNSEA et président de l'IFOCAP ainsi que Thomas Lemée, président des JA BFC.

Le 15 novembre, se déroulait l'Assemblée générale de la FDSEA 58, à Saint-Benin-d'Azy (1). Comme à l'accoutumée, une table ronde spécifique était organisée ayant pour thème cette année : « Renouer avec l'attractivité et la reconnaissance, donner le goût d'entreprendre en agriculture ». Pour développer le sujet, trois invités étaient conviés à la tribune : Yannick Fialip, président de la commission économie de la FNSEA, Stéphane Aurousseau, membre du bureau de la FNSEA et président de l'IFOCAP ainsi que Thomas Lemée, président des JA BFC.

Stéphane Lafranchise, ancien directeur de la FDSEA 58 et animateur des échanges pour l'occasion, introduit les discussions : « Le goût d'entreprendre c'est avoir l'envie de s'investir mais également disposer de la capacité de se rémunérer afin de porter des projets à titre personnel ou collectif. Aujourd'hui, cela devient de plus en plus compliqué à cause d'une combinaison d'éléments : la crise conjoncturelle sur productions qui sont en tension et en fragilité économique, les crises sectorielles (perte sanitaire, impact sur les marchés), les conflits géopolitiques (impacts sur le prix des produits, les charges complémentaires, l'inflation), l'instabilité politique nationale (dissolution assemblée nationale) voire de l'incapacité politique à gérer les problèmes. Ainsi, afin de développer le thème de la table ronde, nous allons nous concentrer sur trois blocs : 1. la compétitivité (qui donne l'envie de se lever le matin, donc d'améliorer le ressort économique), 2. l'adaptation et la projection (indispensable pour envisager l'avenir) et 3. les aptitudes et compétences (afin de pousser les gens à la performance pour avoir des revenus à la hauteur de leurs efforts) ».

Simplifier, maintenir et former

Afin de répondre, Yannick Fialip explique : « Nos exploitants français n'attendent qu'une chose : produire. Pour y parvenir, il faut retrouver une liberté d'entreprendre (ADN de notre profession), en réduisant les contraintes. Nos difficultés prennent leur fondement dans la surcharge administrative, elle doit être simplifiée d'autant plus dans un contexte où il y a une concurrence déloyale ; certains pays voisins n'ont pas ces contraintes. En plus, il y a une inculture de l'économie, à tous les niveaux, et il faut que cela change, notamment via la formation ». Sur ce point, Stéphane Aurousseau rebondit : « Pour se faire, À mon sens, il faut toujours garder du temps pour se former, avant et pendant l'installation mais aussi après, en ayant toujours à l'esprit de conserver des moments pour soit avec sa famille afin de maintenir un équilibre de vie – trop souvent oublié. C'est s'extrayant du quotidien que l'on prendra du recul pour cibler les solutions, et cela ne peut pas se faire si un temps n'est pas dédié. Pour moi, avoir les ressources pour se projeter et ainsi maintenir le niveau de performance de son entreprise passe par l'accès aux connaissances. Pour cela, l'échange collectif et la recherche d'informations sont indispensables. Ensuite, les compétences et leurs maîtrises feront la différence, il faut donc s'impliquer dans l'univers agricole, notamment dans les formations proposées par la Chambre d'agriculture car elles sont des sources de technicité qu'il ne faut pas négliger ». Cette source de la technicité est d'ailleurs le cœur même de l'avenir selon Thomas Lemée : « Le renouvellement des générations est un des enjeux majeurs de l'avenir. Il faut prendre conscience que pour ce faire il faut aller chercher un nouveau public qui ne sera pas forcément issu du monde agricole, la formation de qualité sera donc indispensable pour pérenniser les exploitations. Ensuite, il faut pouvoir avoir un revenu digne si l'on souhaite attirer de nouvelles personnes dans notre profession – et les conserver. Enfin, pour ne pas les dégoûter, il faut une simplification générale. Déjà que l'installation est un moment complexe, alors si le reste de leur carrière est à cette image, cela n'est pas très engageant ».

Ruralité et fierté

Toujours dans l'optique de rendre l'agriculture attractive, Stéphane Aurousseau, rappelle son importance dans le paysage rural : « Nous devons être fiers de notre profession car économiquement elle a un poids dans la vie du monde rural. Pour réussir à le faire entendre, il faut rassembler tous les acteurs de la ruralité pour avoir un meilleur équilibre entre les politiques urbaines et rurales. La ruralité de demain ne doit pas devenir des cités-dortoirs ou des réserves naturelles. Ce qui est jugé attrayant, par les néoruraux notamment, est le fruit du travail des agriculteurs et donc des activités économiques qu'ils portent. Les agriculteurs sont les gardiens de la nature et sont garants de la qualité de celle-ci sans pour autant laisser tomber en désuétude l'activité commerciale et économique qui y sont attachées ». Yannick Fialip poursuit : « Soyez fier de votre métier, car si vous êtes fiers vous serez respecté. Ce respect passera notamment par une meilleure acceptation de vos pratiques. En parallèle, cela donnera aussi envie aux consommateurs d'acquérir vos produits, d'ailleurs, nous avons un gros travail à faire pour remettre l'alimentation au premier rang des préoccupations budgétaires des Français ». Stéphane Lafranchise résume : « en somme il faut un cadre serein, plus simple et emplit de fierté pour donner l'envie aux gens d'apprendre, d'avancer et de se projeter », et d'Emmanuel Bernard, président de la FDSEA 58, de conclure : « Parfois les échanges collectifs apportent plus de questions que de réponses, mais ce n'est pas plus mal car cela nous fait réfléchir pour trouver des solutions, et donc in fine de préparer l'avenir ». Cette table ronde semble donc raisonner à la fois dans le futur mais également dans le passé, via les mots de Georges Bernanos (écrivain français : 20 février 1888 – 5 juillet 1948) : « On ne subit pas l'avenir on le fait (2) ». Et, au vu de tout ce qui fut présenté lors de la table ronde, il faut peut-être envisager que, finalement, le futur juste et radieux, tant espéré par la profession, tire son avènement dans l'engagement de chacun à le façonner. 

1. Voir notre dernière édition. 

2. Georges Bernanos, « La liberté, pour quoi faire ? », Gallimard, 1953.