Lutte contre le gel
Y voir clair dans les solutions possibles (partie 2)

David Bessenay
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Y voir clair dans les solutions possibles (partie 2)
Des voiles sur mesures qui forme une véritable « couverture » pour la vigne

Vinotex : Un voile de protection

Installée en Côte-d’Or près de Beaune, la société Scylla a développé en partenariat avec Boisselet un dispositif de protection des vignes contre le gel (et la grêle) : un voile baptisé Vinotex. « J’ai inventé ce système car j’en avais marre de la fumée », plaisante (à moitié) le concepteur. Un procédé plutôt écologique puisqu’il ne consomme pas d’énergies fossiles, sauf celle du tracteur pour enrouler et dérouler ledit voile. « C’est un enrouleur dérouleur automatisé que l’on monte sur un tracteur, un enjambeur et même un chenillard » précise Arnaud Chéront. « Il n’y a pas de dégâts sur les bourgeons, c’est étudié pour ! » se montre-t-il rassurant. Des cavaliers de lestage sont aussi positionnés automatiquement (mais pour les enlever, l’opération est manuelle). Le voile s’installe pour une à deux semaines, sans incidence sur le développement de la vigne. L’entreprise propose deux voiles : « On gagne 1,5 à 1,7° avec le premier, plus « light » et moins cher, entre 2,5 à 2,7° avec le second ». Le coût de revient est de 3 000 à 3 500 euros/ha. La longueur et la largeur des rouleaux sont calculées sur mesure et peuvent ainsi s’adapter parfaitement à toutes les parcelles. Le voile, de fabrication française, est résistant, il peut durer plus de 10 ans. Il est ensuite réutilisé dans le BTP ou par les paysagistes et ne génère donc pas de déchets. Un bémol : cette solution est moins efficiente en cas de gel radiatif (froid qui remonte du sol). Petite coquetterie : vous pouvez le faire imprimer aux couleurs de votre domaine.

Netafim : Asperger c’est gagner

Le leader mondial de l’irrigation, basé dans les Bouches-du-Rhône, travaille aussi dans la lutte contre le gel à travers l’aspersion. La solution est déjà très utilisée dans les vergers mais s’adapte aussi à la vigne. Le principe est relativement simple : projeter de l’eau en continu, jusqu’à ce qu’un glaçon se forme et isole le bourgeon. Il vaut mieux commencer tôt, quand la température est encore de 1 à 1,5 °C. « Le passage de l’état liquide à solide dégage des calories », précise Damien Vincent, conseiller technique. Attention à l’effet loupe avec le soleil du matin, il est fortement recommandé de continuer à asperger jusqu’à la fonte totale du glaçon. Il faut placer un arroseur tous les 10 m x 10 m soit environ 80 à 100 arroseurs à l’hectare (un investissement de 5 000 à 7 000 €/ha). « Ça peut rester en place toute l’année, insiste le conseiller, c’est du solide, ça absorbe des chocs éventuels ». L’asperseur conseillé dans les vignes à haute densité est le MegaNet (large application). Il existe d’autres techniques d’arrosage, directement sur les rangs, mais « qui sont plutôt adaptées pour les zones à faible densité de vignes », poursuit le conseiller. Il faut alors choisir des asperseurs dédiés (SuperNet ou GyroNet). La consommation d’eau se monte à 40 m3 par heure et par hectare. Il faut donc avoir une source à proximité pour pomper : réseau collectif, retenue d’eau ou rivière (selon la réglementation en vigueur). Choisissez une pompe adaptée à la surface que vous souhaitez asperger. Des programmateurs avec une sonde permettent un déclenchement automatique du système. « Mais dans l’idéal, il vaut mieux avoir un œil dessus car on n’a pas le droit à l’erreur », conclut Damien.

Frolight Systems : La chaleur infrarouge du plat pays

Le système a été inventé par un vigneron belge qui en avait assez de voir ses vignes geler et sa récolte s’envoler. La « guirlande » diffuse une chaleur infrarouge constituée d’ondes électromagnétiques qui transfère l’énergie à 360°. Les premiers essais menés en 2021 ont été probants et le système s’est déjà exporté vers l’Australie et l’Amérique du Nord. Il s’agit du seul système de chaleur par radiation, il permet de gagner six degrés dans un diamètre de 30 cm. Point fort de la méthode : ce système par infrarouge connaît peu de déperdition en cas de vent. L’entreprise peut vous proposer un plan d’installation personnalisé selon la configuration de vos vignes. Ensuite le vigneron s’attelle à la tâche. Les tubes sont attachés aux baguettes, comptez 2 h 30 d’installation à deux personnes pour 1 200 mètres linéaires. Le dispositif est retiré une fois le risque de gel passé. Le tube est relié à un boîtier électrique. Le système est autonome, des sondes déclenchent le démarrage, vous avez donc la certitude de démarrer votre chauffage à l’heure, et contrôlable à distance à l’aide de votre smartphone. L’investissement est de 6 000 €, non compris le générateur et la carte SIM. Cette solution est sans bruit, sans odeur mais pas sans consommation d’énergie.

Pulsfog - Viti-Protect : Fabriquer son « nuage » protecteur

Moyen plutôt original pour lutter contre le gel : fabriquer… du brouillard ! C’est la solution proposée par Puslog avec sa machine Viti-protecteur K30. Cette arme contre le gel projette un brouillard artificiel mais complètement naturel puisqu’il est à base d’eau, de glycérol et d’oligo-éléments. Il agit comme un nuage protecteur et empêche que le sol se refroidisse. Pour être efficace, il faut obtenir une couche dense et relativement opaque. « Il faut débuter au zéro humide », conseille Brice Lanneau. Son atout, c’est sa rapidité de propagation. En deux heures, vous pouvez protéger 8 ha ! En absence de vent, le brouillard se maintient environ deux heures en place. À privilégier donc pour fin de nuit/lever du jour afin de protéger des gelées blanches. Dans une condition optimum, il peut entraîner une différence de température de + 5 °. Au lever du jour, il crée un écran pour empêcher les rayons du soleil de brûler les bourgeons légèrement pris en glace. Le K30 s’attelle facilement sur un interrangs ou un enjambeur, et même à l’arrière d’un pick-up. L’autonomie du carburant (essence) est d’environ 2 heures (7 litres à l’heure) et celle du produit d’environ 5 heures (20 l /heure). L’investissement pour la machine s’élève à 22 000 € et le coût de fonctionnement à l’hectare à environ 200 €. Attention, si la température est déjà trop basse, c’est trop tard ! « C’est compliqué s’il y a du vent, inefficace face aux gelées noires et au gel radiatif », reconnaît également Brice Lanneau.