Marché
Étude sur les nouveaux consommateurs de bourgogne

Berty Robert
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Le pôle Marché et Développement du BIVB a présenté à Dijon les résultats d’une étude sur l’évolution des attentes des consommateurs. Ce qui se dessine, c’est une clientèle plus attachée à certaines valeurs telles que l’environnement, plutôt qu’au terroir…

Beaucoup d’étudiants étaient présents, le 12 octobre à l’Institut universitaire de la vigne et du vin (IUVV), à Dijon, pour découvrir une étude commandée par le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), sur l’évolution des attentes des consommateurs. La présence de ces jeunes était symbolique pour Manoel Bouchet, président du pôle Marché et Développement du BIVB : « vous êtes les ambassadeurs des vins de Bourgogne face à ces nouvelles attentes » reconnaissait-il. De fait, la Bourgogne viticole va devoir s’appuyer sur ces nouvelles générations, pour appréhender les manières dont ses vins seront achetés et consommés dans les années qui viennent et pour disposer de relais aptes à les promouvoir, dans un univers où le prestige d’un nom et le poids de l’Histoire ne suffiront plus.

Changer de « logiciel »

Selon Manoel Bouchet, les acteurs de la viticulture bourguignonne vont devoir changer leur « logiciel » d’appréhension des marchés : « Aujourd’hui, on est plus dans une approche de rendement de marchés, que dans celle de rendements viticoles. ça change tout en termes d’investissements ! On est à la limite du système productiviste, d’autant plus que la Bourgogne vise la neutralité carbone en 2035. Il nous faut comprendre les évolutions de marché pour bâtir des transitions ». Dans un tel contexte, cinq points émergent de l’étude présentée le 12 octobre, menée avec le cabinet Kantar sur trois marchés : France, États-Unis et Royaume-Uni et qui a porté sur l’évolution des attentes des consommateurs de vin de Bourgogne de demain (la génération milléniale âgée entre 23 et 45 ans).

Point 1 : les vins de Bourgogne disposent d’un capital d’intérêt auprès de ces jeunes mais il reste fragile… Le vin est déclaré comme la boisson alcoolisée la plus consommée au cours des 6 derniers mois (pour 86 % des Français, 73 % des Britanniques et 50 % des Américains). Cette génération consomme sans réellement connaître le vin mais les « millénials » ont envie d’apprendre, de connaître.

Point 2 : le langage viticole très technique intimide cette génération, ce qui les incite à transférer leur confiance des experts traditionnels (les sommeliers) vers ceux qui leur ressemblent et qui les touchent (influenceurs…) La notion de terroir ne parle pas du tout aux Britanniques et aux Américains. Pour la notion de climat, propre à la Bourgogne, c’est encore pire. Même les Français ne la comprennent pas. Il y a une incompréhension face au langage lié au vin, qui est perçu comme représentatif d’un univers prétentieux et pas moderne.

Point 3 : Le monde viticole doit faire la démarche d’aller vers ces nouvelles générations. 77 % des Français trouvent compliqué de choisir un vin sur le net, 65 % en supermarché. 61 % des personnes interrogées ont peur de goûter le vin au restaurant. C’est, à leurs yeux, une responsabilité écrasante. Il y a un besoin de prescription et de conseil, mais pas de la part des mêmes prescripteurs qu’avant, dans lesquels ils n’ont plus confiance. En termes d’image de marque, la Bourgogne est connue mais ne génère pas autant d’actes d’achat que les Côtes-du-Rhône ou le Saint-Émilion. Au Royaume-Uni, la première boisson alcoolisée connue et la plus consommée est le Prosecco d’Italie. Aux États-Unis, ce sont les vins de la Napa Valley qui occupent ce rang, notamment auprès des plus jeunes. On constate une forme de cassure dans la transmission générationnelle sur le vin qu’on a pu connaître par le passé. Il faut aussi prendre en compte le poids d’une certaine tendance hygiéniste des nouvelles générations, qui ne favorise pas cette consommation. Avec ces générations montantes, on sent bien qu’on est en train de passer d’une économie du label à une économie du résultat (sur des questions liées à la responsabilité environnementale, aux vins « sains », à la compensation carbone…)

Point 4 : Ce public manque de confiance, voire d’intérêt, pour les certifications ou les discours institutionnels entourant le vin. Il attache de l’importance aux vins bio mais cette dimension ne suffit pas, il faut l’associer à d’autres promesses : du local, du sain. Les vins bios occupent la 6e position aux États-Unis, la 11e au Royaume-Uni et la 12e place en France. Ce marché s’est rétracté de 18 % pour les bourgognes sur les huit premiers mois de 2022.

Point 5 : Cette génération délègue la responsabilité environnementale aux marques et aux professionnels. C’est une tendance qui existe et qui accélère. Pour les millénials, une marque est un ensemble de promesses, ils attendent que les marques respectent leurs engagements et en apportent la preuve. « Il faut prendre cela en compte, soulignait Manoel Bouchet, car si on ne fait rien, nous perdrons des parts de marché. Cela nécessitera de faire évoluer le contenu de notre communication, mais dans un tel contexte, la diversité de la Bourgogne, son grand nombre de petits producteurs, sont des arguments qui peuvent fonctionner auprès de cette clientèle ».

Plusieurs voyants sont allumés et alertent les vins de Bourgogne : le Japon, marché important pour les bourgognes, va perdre entre 30 et 35 % de sa population, vieillissante. Ce marché transmet-il le goût du bourgogne aux plus jeunes ? En France, entre 2000 et 2020 la consommation de vin a baissé de 34 % alors que celle de bière augmentait. Des dizaines de mètres linéaires ont été perdus par les vins dans les rayons de la grande distribution. Plus préoccupant : seuls 20 % des moins de 30 ans imaginent boire du vin à l’avenir…