Point de vue
L'intérêt de la paille pour les niveaux de matière organique dans les sols
Vincent Chaplot, agriculteur en Côte-d’Or et directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) aborde la paille comme facteur d’augmentation de la matière organique dans les sols cultivés.
Augmenter les stocks de matière organique des sols améliore leur qualité pour produire durablement des denrées alimentaires. Or les différentes stratégies proposées ces dernières décennies pour les sols cultivés, comme le non-labour, l’implantation de Cultures intermédiaires piège à nitrate (Cipan) et l’agroforesterie ne présentent finalement pas les bénéfices escomptés comme le montrent les dernières discussions sur les essais mondiaux (https://www.afes.fr/2020/11/16/discussion-carbone/). Dans ce contexte, les résidus de récolte dont les tonnages par hectare ont atteint cette année des sommets, présentent une ressource précieuse, à condition qu’une gestion appropriée en soit faite. Depuis 2000, le Réseau de suivi de la qualité des Sols (RMQS) dont s’est dotée la France suit la teneur en matière organique des sols pour 2 240 sites. Or, bien que l’Inrae ait publié les résultats issus de la campagne de 2000, ceux de la campagne de 2015 ne sont toujours pas publics. Nous cache-t-on une baisse des teneurs en matières organique ? Ce ne serait guère étonnant puisque les sols cultivés voient, de par le monde, leurs stocks de matière organique diminuer de façon alarmante, ceci tous systèmes confondus et malgré l’avènement du non-labour, des Cipan et d’autres pratiques agroécologiques.
Taux de transformation
De nombreux scientifiques continuent de penser que la photosynthèse et le travail du sol sont les deux principaux facteurs limitant à la formation et à la conservation de la matière organique dans les sols, ce que de nombreux travaux sérieux et écartés à tort contredisent. Par exemple, les chercheurs Clive Kirkby de l’Institut d’agriculture durable (Canberra, Australie) et Christopher Poeplau du département d’écologie (Uppsala, Suède) ont, dès les années 2010, démontré que la matière organique du sol se forme plus qu’elle ne se détruit lorsque le sol est bien pourvu en nutriments. Parce que les pailles sont bien trop riches en carbone par rapport aux besoins des bactéries qui forment la matière organique des sols, une très faible proportion des résidus de récolte (8 % environ) est transformée en matière organique stable par la faune du sol et l’essentiel du carbone des pailles retourne vers l’atmosphère sous forme de CO2. Ces chercheurs nous révèlent que le taux de transformation des pailles de blé en matière organique du sol peut atteindre 30 % après ajout au sol de 5 kg d’azote, 2 kg de phosphore et 1,4 kg de soufre par tonne de paille. Ainsi, 6 tonnes de paille de blé par hectare laissées au sol pourraient générer 2 tonnes de matière organique stable après apport de 100 kg de 30-15-0-10. Ceci correspond à un niveau de fertilisation relativement faible pour des bénéfices pour le sol considérables. Ne met-on pas ici le doigt sur le principal pilier de l’agriculture durable ?