Gouvernement
Une ministre qui va devoir prendre le train en marche
La profession agricole a désormais un nouveau ministre en la personne d'Annie Genevard. L'élue de Bourgogne Franche-Comté va devoir très vite se confronter aux dossiers qui s'accumulent depuis le début de l'année et qui, pour beaucoup, semblent bloqués au milieu du gué.
De l'urgence, à court et moyen termes, mais de l'urgence quand même : voilà, en résumé, le contexte dans lequel la nouvelle ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire du Gouvernement Barnier, Annie Genevard, va devoir opérer. Dès sa nomination, le 19 septembre, la FNSEA et JA n'ont pas tardé à rappeler l'ampleur des attentes. « Face à la profonde crise que traverse le monde agricole, rappelaient les deux syndicats, Jeunes Agriculteurs et la FNSEA appellent le Gouvernement Barnier à faire de l’agriculture une priorité pour apaiser la colère et l’incompréhension grandissantes des agriculteurs, déçus par les engagements non tenus après les mobilisations de l’hiver dernier. Des mesures financières de première urgence devront être apportées à très court terme en réponse aux pertes sans précédent liées aux mauvaises récoltes et aux crises sanitaires. À moyen terme, il est crucial de relancer les travaux parlementaires suspendus suite à la dissolution afin de mettre en œuvre les actions nécessaires pour sauver l’agriculture française ».
Des dossiers décisifs
JA et FNSEA mettent au crédit de la nouvelle ministre « son expérience politique et sa bonne connaissance de la ruralité », ils y voient « des atouts pour la bonne compréhension des sujets et des réponses urgentes à apporter aux agriculteurs ». La crise sanitaire (MHE, FCO, peste porcine) et les conséquences des mauvaises récoltes sont de toute façon les sujets sur lesquels Annie Genevard est attendue prioritairement. Des capacités de gestion dont elle fera preuve sur ces deux sujets, dépendra sa crédibilité pour l'avenir. Lors du premier rendez-vous qui ne manquera pas de se présenter, FNSEA et JA comptent bien aussi rappeler le projet de loi dont ils sont porteurs « Entreprendre en agriculture ». Cette approche globalement bienveillante n'exclut pas la nécessité de mettre d'emblée une certaine pression : ainsi, dès le 22 septembre, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a donné 15 jours à la nouvelle ministre pour annoncer des mesures sur des prêts bonifiés aux céréaliers, viticulteurs et éleveurs en crise et sur la vaccination des troupeaux face aux épizooties. Annie Genevard va devoir s’atteler à un vaste chantier en perpétuel mouvement et renouvellement.
Le poids des manifestations de l'hiver
Les différentes crises que le secteur agricole et agroalimentaire a connues depuis quelques années ont laissé des traces profondes : Covid, inflation, hausse des coûts de production, crise de l’agriculture biologique, pertes de parts de marché à l’exportation, décapitalisation dans l’élevage, accords de libre-échange (dont le Mercosur), pertes de capacités de production (phytos…). C’est ce qui avait conduit les agriculteurs à manifester tout l’automne 2023 et pendant l’hiver 2024. La nouvelle ministre devra aussi donner les moyens aux agriculteurs de passer le cap de la transition agroécologique alors même que leurs revenus devraient baisser cette année en raison des nombreuses calamités qui semblent n’avoir épargné que peu de secteurs. La récolte de blé tendre accuse une chute de 25,6 %, les vendanges un recul de 18 %, les troupeaux sont touchés par de nombreuses épizooties : FCO-3, FCO-4, FCO-8, MHE, tuberculose… Leurs attentes sont aussi importantes sur les dossiers du « renouvellement des générations, de la compétitivité, de la simplification, des moyens de production, ainsi que des suites d’Égalim », indique un communiqué commun FNSEA-JA. Arnaud Rousseau et son homologue de JA, Pierrick Horel ont félicité la nouvelle ministre et salué l’action de Marc Fesneau à l’égard duquel les deux syndicats « ont toujours été exigeants ». Si l’ancien ministre va retrouver les bancs de l’Assemblée, l’ancienne ministre déléguée à l’Agriculture, Agnès Pannier-Runacher, a pris du galon et devient ministre de la Transition écologique, en lieu et place de Christophe Béchu. À noter également la nomination de la sénatrice d'Ille-et-Vilaine Françoise Gatel au poste de secrétaire d’État chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat, auprès de Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires.
Une élue du Doubs bien implantée
C'est donc la députée Les Républicains du Doubs, Annie Genevard, qui a été nommée, le 19 septembre, ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt, en remplacement de Marc Fesneau. Ancienne professeure de français, la nouvelle ministre bénéficie d'un solide ancrage politique dans le Doubs, département très laitier, où elle est née et où sa mère, Irène Tharin, fut députée UMP (2002-2007). Elle-même a été conseillère régionale (2004-2012) de Franche-Comté et maire (2002-2017) de Morteau. « Je travaille pour les agriculteurs depuis bien longtemps », a-t-elle déclaré à France 3 lors d'un déplacement sur des comices agricoles. Dans son département, les syndicats agricoles confirment. « Je la croise régulièrement, rapporte Christophe Chambon, secrétaire général adjoint de la FNSEA, éleveur dans le Doubs et président de la FRSEA BFC. Elle a toujours travaillé pour la cause agricole, et récemment durant les débats sur la LOA, elle a travaillé sur des amendements proposés par la FNSEA ». Son suppléant, Éric Liégeon, est agriculteur, et ancien vice-président de la FDSEA du Doubs, investi de longue date à la Safer départementale. Annie Genevard est la troisième femme à devenir ministre de l’Agriculture sous la Ve République et depuis la création du ministère, après Édith Cresson (1981-1983) et Christine Lagarde (mai 2007-juin 2007).
Passation de pouvoir
La passation de pouvoir entre Marc Fesneau et Annie Genevard a eu lieu le 23 septembre. Marc Fesneau a rappelé à cette occasion qu'à ses yeux « l'agriculture est un secteur auquel il faut redonner du temps, du sens et du bon sens (…) il faut que la parole claire soit tenue ». Parce qu’il a trouvé en Annie Genevard un soutien exigeant du Pacte et du projet de loi d’orientation agricole (PLOA), il voit en elle « une sorte de continuité républicaine (…) Vous pouvez compter sur moi comme président de groupe », attendant d’elle qu’elle impulse la suite de cette future loi. Faisant part de sa fierté de prendre la responsabilité de ce « grand ministère », Annie Genevard, a d’emblée annoncé son envie de se mettre tout de suite au travail : « Je dois et je veux avancer vite. L’inquiétude domine et les attentes sont immenses, l’impatience est grande depuis des mois (…) Je veux que dans les semaines qui viennent les résultats se voient dans les cours de ferme ». Témoignant son soutien indéfectible « à tous les agriculteurs », elle reprend à son compte quelques idées maîtresses des syndicats majoritaires sur la nécessaire simplification (« Réduire les interdits et la paperasse, je vais m’y atteler »), la lutte contre sur les surtranspositions, ou encore « pas d’interdiction sans solution ». Annie Genevard a annoncé qu’elle recevrait rapidement des syndicats. Elle se rendra au Salon de l’Élevage à Cournon, après la rentrée parlementaire programmée le 1er octobre.