Paille
De grandes et belles tiges

AG
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La paille est très abondante cette année en Côte-d'Or. Plusieurs agriculteurs témoignent.

De grandes et belles tiges
Florent Guyomard n'avait jamais atteint de tels rendements à Sussey.

C’est peut-être un détail pour vous mais pour eux, ça veut dire beaucoup. Nombre d’éleveurs se félicitent de leur récolte de paille, ce fourrage si précieux pour leurs animaux. Florent Guyomard, du village de Sussey près de Liernais, est le premier agriculteur sondé : « Pour ma part, je n’en ai jamais récolté autant depuis mon installation il y a 15 ans. D’ordinaire, quand tout va à peu près bien, je termine les moissons entre 3,5 et 4 t/ha. Là, je dois être aux alentours de 6 t/ha. Mon cousin a même fait 7,5 q/ha dans du triticale ». Florent Guyomard n’ira pas s’approvisionner à l’extérieur comme il le fait quelques fois : « pas plus tard qu’en 2022, il m’avait fallu une centaine de bottes de 350 kg pour compléter mes stocks. Ce ne sera pas le cas cette année car je vais mettre de la paille à l’extérieur des bâtiments, faute de place. C’est la première fois que cela m’arrive. J’avais pourtant anticipé en faisant faire des bottes rectangulaires, et moins de rondes, afin d’optimiser l’espace. Mais cela n’a pas suffi, mais ce n’est pas grave ». La paille est une chose, les graines en sont une autre : « là, c’est une autre histoire », tempère l’exploitant agricole, « les moissons sont très décevantes sur ce point. Mon blé tourne à 60 q/ha avec des PS très décevants entre 68 et 71. L’orge ne dépasse pas 59 q/ha avec des PS très bas, à 58 ! ».

Mêmes sons de cloche

Plus « haut » dans le département, du côté de Griselles près de Laignes, Alain Terrillon observe lui aussi de la paille en abondance : « Je n’ai pas de céréales sur mon exploitation mais je vais presser plus de 400 tonnes de paille chez des voisins céréaliers chaque année pour mes vaches laitières, par le biais d’échanges paille-fumier. Les champs donnent entre 20 et 50 % de paille en plus, la moyenne que j’observe à mon niveau est d’environ +30 %. Les parcelles où nous faisions 1 t/ha en 2022 ont donné 3,5 t/ha. Les champs qui affichaient des rendements entre 3,5 et 4 t/ha sur les plateaux ont donné jusqu’à 6 t/ha lors de ces moissons ». Encore plus au nord du département, dans le village de Gomméville, Rémy Cornet observe lui aussi une hausse de 30 % de ses volumes de paille. Mais cette bonne récolte ne lui ferait presque « ni chaud ni froid », et pour cause : « En effet, ce pourcentage de 30 % correspond également à la baisse de nos rendements en grains. Et ça, c’est très problématique. Il est toujours bien de disposer de beaucoup de paille pour nos vaches mais nous n’avons pas de problèmes de disponibilité ici, dans notre secteur. Ce qui est le plus impactant, ce sont bien les graines, qui participent grandement au revenu de l’exploitation. Avec 45 q/ha en blé, 60 q/ha en orges d’hiver, 35 q/ha dans les orges de printemps avec 30 de calibrage, et seulement 35 q/ha en avoine, le résultat est bien maigre… Le manque d’eau s’est fait ressentir, nous n’avons pas pris un orage au mois de juin. C’est une nouvelle fois une très mauvaise moisson pour nous après celles de 2016, 2017 et 2020. Il ne fallait pas se rater avec le niveau de charges que nous avons eu. Pour s’en sortir, il fallait atteindre les 1 500 euros de produits à l’hectare, mais là, je ne suis pas sûr de dépasser les 1 000 euros. Les cartons se cumulent au fil du temps ».

Autres échos du département

Nicolas Michaud (Pagny-le-Château) : +10 à +15 %. Lionel Lachot (Villeberny) : +30 à +60 %. Cyrille Minot (Cussey-les-Forges) : + 100 %. Emmanuel Raillard (Montigny-sur-Vingeanne) : + 50 à +60 %. Arnaud Guillien, (Chivres) : +100 %. Alexandre Deroye (Chazilly) : +35 %.

 

« Les prix vont baisser »

Denis Masson, agriculteur à Normier, entre Saint-Thibault et Précy-sous-Thil, gère une société de diversification qui commercialise chaque année de la paille, avec son frère Jean-Pierre : « C’est la première fois en 20 ans que je vois autant de quantité et de qualité. Il est bien dommage de ne pas avoir d’importantes unités pour stocker cette paille exceptionnelle, nous le regretterons peut-être dès l’an prochain. L’offre devient clairement supérieure à la demande, car un certain nombre d’éleveurs ont déjà ce qu'il leur faut : cela va jouer sur les prix, je pense à la paille en andains dont les tarifs devraient redescendre à des niveaux corrects et acceptables. L’export va peut-être limiter cette tendance car l’Espagne et Portugal n’ont pas beaucoup de paille cette année. Les Pays-Bas sont aussi demandeurs et ont également tiré un peu le marché. Une autre conséquence de cette belle production sera inévitablement le développement du broyage : des gens ne vont pas savoir où mettre leur paille, d’autres ne vont pas vouloir prendre le risque de la retrouver en mauvais état cet hier et de ne plus savoir quoi en faire ».

 

 

 

 

Pourquoi une telle production ?

Vincent Maurice, conseiller « productions végétales » à la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or, rappelle que « toutes les conditions ont été réunies pour obtenir de bons rendements » : « Les semis ont été relativement précoces en octobre, avec beaucoup de douceur durant les semaines suivantes. Nous avons observé une croissance très rapide des céréales à l’automne, avec un fort tallage à la clé. Au printemps, les températures ont été relativement fraîches tout le temps, sans le moindre gros coup de sec. Les coups de sec, malheureusement, sont arrivés sur le tard et ont impacté les grains ».