Lait
Ambitions éleveurs : cinq ans pour une transition

Jean-Luc Masson
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Le plan « Ambition éleveurs » présenté début mars près de Nancy, à l’occasion de l’assemblée générale de l’interprofession laitière Grand Est Bourgogne-Franche-Comté, positionne 60 fermes de démonstration. Objectif : faire converger 2 000 exploitations de polyculture-élevage, vers la multiperformance en 5 ans.

Ambitions éleveurs :  cinq ans pour une transition
Pour Béatrice Moreau, agricultrice dans la Marne et vice-présidente du Conseil régional de Grand Est, le plan « Ambitions éleveurs » est un moyen d'aller plus loin « en termes d’approvisionnement en eau, de pâture, de photovoltaïque, d’intrants et d’autonomie protéique ».

L’École nationale supérieure en agronomie et industries laitières (Ensaia) servait de cadre à l’assemblée générale du Centre interprofessionnel laitier (CIL) Grand Est Bourgogne-Franche-Comté, le 7 mars, à Vandœuvre-lès-Nancy. Les élèves ingénieurs constituaient une part importante des participants à cette demi-journée conduite par Sophie Bougel, la présidente du CIL, par ailleurs responsables des ressources laitières chez Savencia. La localisation de l’évènement traduisait la volonté de l’organisme d’intégrer dans ses échanges les futurs acteurs de la filière. Le plat de résistance se situait dans la présentation du plan « Ambitions éleveurs » par la vice-présidente du Conseil régional du Grand Est, Béatrice Moreau. L’agricultrice marnaise a rappelé la feuille de route rédigée en début de mandature : une ligne de conduite « des quatre S : sécurité alimentaire ; santé des sols, de l’air et de l’eau ; souveraineté énergétique ; source de bioproduits ». Avec en prime un cinquième : « la sérénité des acteurs ».

Double objectif

Ce plan concocté avec l’appui technique du réseau des Chambres d’agriculture vise le double objectif de la durabilité et de la compétitivité. Il repose sur « une approche systémique de l’exploitation au service de la sécurité alimentaire » argumente Béatrice Moreau. À cette rentabilité et cette attractivité, auxquelles chaque éleveur aspire, viennent se conjuguer les nécessaires maîtrises de l’énergie, de la ressource en eau et des intrants. La mère des priorités s’inscrit dans « la polyculture-élevage, au cœur des transitions », soit une ferme sur deux, en dehors de la viticulture. Elles reposent sur des systèmes fragiles économiquement, socialement, et vulnérables face au changement climatique. La vice-présidente de la Région Grand Est mettait en parallèle les atouts de ces systèmes : « équilibrés, source de biodiversité, valorisant des terroirs dits pauvres, pourvoyeurs d’emplois, diversifiés et stockeurs de carbone ». Dans le cadre du plan « Ambitions éleveurs » un panel de 60 fermes de démonstration est en train de se déterminer. 48 sont déjà fléchées. Le programme va monter en puissance tout au long de l’année, pour entrer dans sa phase active fin 2024 ou début 2025. « Il s’agit d’entraîner massivement dans une transition vers la multiperformance, en accompagnant 2 000 exploitations en cinq ans, dans un parcours de transformation de leur système. La volonté est d’offrir un accompagnement innovant qui repose sur une approche globale, avec des conseils stratégiques ».

Trois niveaux d’accompagnement

Chaque chef d’exploitation bénéficiera d’une sorte de « bilan 360 » intégrant sa situation, sa prospective et son projet. Béatrice Moreau indiquait que 715 dossiers Investissements pour la performance agricole en Grand Est (Ipage) élevage, comportant de l’investissement bâtiment, ont été déposés depuis le début de l’année 2024. Ce qui démontre une volonté d’aller de l’avant dans les campagnes du Grand Est. « Cela ne vaut-il pas le coup d’aller plus loin, en termes d’approvisionnement en eau, de pâture, de photovoltaïque éventuel, d’intrants et d’autonomie protéique ? » questionnait l’élue. L’accompagnement personnalisé s’enclenchera simultanément à trois niveaux, celui du chef d’exploitation, de l’entreprise et du collectif : territoire et filières. L’exploitant sera conseillé pour prendre du recul sur le changement de pratique et formé pour une montée en compétences. L’exploitation sera guidée pour l’équipement et la réorganisation. Des synergies locales coopératives, la consolidation de l’aval et la massification de l’offre seront recherchées. Le programme se déclinera en deux phases successives. L’agriculteur bénéficiera d’un conseil global de trois jours et d’un accompagnement stratégique de huit jours, avant l’étape de concrétisation de la transformation. « N’oubliez pas les outils déjà en place sur les exploitations, rappelait Sophie Bougel. Il ne faudrait pas venir écraser les plans filières en place ». « C’est justement l’objectif des fermes de démonstration, précisait Béatrice Moreau. Certains vont démarrer de zéro. Il faudra évaluer les points de faiblesse et de réussite, pour les autres ». Ce plan « Ambition éleveurs » doit conduire à une consolidation de la production dans les territoires du Grand Est. « Nous voulons attirer des jeunes dans nos métiers » soulignait Béatrice Moreau, préoccupée par le renouvellement des générations. Enfin, ce dossier comporte un volet expérimentation important consenti entre la Région, le réseau consulaire et les acteurs. Du côté des jeunes justement, l’assemblée générale a pris fin sur un échange entre les élèves et les acteurs de la filière. Les élèves de spécialisation Produits laitiers et qualité (Prolaq) et Développement durable des filières agricoles (Defi) ont participé aux travaux. Des étudiants de ces deux spécialisations ont partagé leur vision quant aux transitions nécessaires actuelles et à venir de la filière laitière et le besoin pour cette filière de porter ces valeurs dans son management interne pour être attractif pour les jeunes diplômés.