Fromages
Le chaource, une filière résiliente

Philippe Schilde
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Le « frémissement » ressenti côté ventes sur la deuxième moitié de 2023 et début 2024 redonne un peu de baume au cœur à une filière qui a traversé des moments compliqués. La qualité de la production et les efforts de communication de l’AOP sont des gages de réussite sur le long terme.

Le chaource, une filière résiliente
Le Chaource, produit notamment grâce à des éleveurs laitiers de l'Yonne, retrouve des couleurs sur le marché.

Deux semestres assez différents l’un de l’autre auront marqué l’année 2023 pour l’AOP Chaource. Le premier s’est inscrit dans la lignée de 2022 qui avait donné quelques sueurs froides aux acteurs de la filière avec une baisse des volumes vendus (4 %) et des charges en nette augmentation dues à une inflation galopante (coûts de l’énergie, achats courants, matériels, emballages, transports…) venant fragiliser tous les maillons sans exception. Les six derniers mois ont été en revanche porteurs de signaux plus rassurants, avec la confirmation d’un « frémissement » également observé au fil du premier trimestre 2024. « Malgré la baisse des volumes enregistrée au final sur 2023 (2 %), nous avons quelques raisons d’être un peu plus optimistes aujourd’hui. D’abord parce que les consommateurs sont attachés à nos productions et ils le prouvent. Leur fréquence d’achat s’est réduite certes, mais ils ne se détournent pas d’un produit dont la qualité est reconnue. Ensuite parce que, en parallèle, une reprise se dessine sur nos marchés export », expliquait Didier Lincet à l’issue de l’assemblée générale du Syndicat de défense du fromage de Chaource tenue dans la localité éponyme le 27 mars. Une AG que l’on pourrait qualifier de mi-figue mi-raisin au bout du compte. Devant une belle assistance, le président de l’AOP assurait que la filière avait « démontré sa résilience ». « Le prix du lait a été revalorisé dans des proportions plus élevées que les années précédentes et le prix des fromages également, comme l’atteste l’observatoire économique établi par KPMG », indiquait-il, en se disant convaincu qu’il faut « garder le cap », tant sur la qualité du lait que du fromage. « Pour l’un comme pour l’autre, nos règles de production constituent un socle sur lequel nous devons nous appuyer collectivement afin de mieux valoriser toute notre filière, et ainsi résister aux crises, et permettre la transmission de ce patrimoine régional aux générations futures ».

La question des successions et transmissions

Lors des questions diverses, sur ce thème spécifique de la transmission, Didier Lincet et le vice-président du syndicat, Pascal Coutord, sont justement montés au créneau devant les représentants des élus politiques présents. « Pascal les a titillés sur le fait que la succession et la transmission des exploitations forment une problématique lourde, tant fiscalement qu’administrativement et qu’il serait temps pour l’État de se pencher sur la question si l’on veut que des jeunes puissent continuer à produire du lait et du Chaource dans nos régions. S’il n’y a plus de lait dans dix ans, il n’y aura plus de fromage non plus ! Or, on n’est pas face à une situation imprévisible, telle la crise Covid ou le déclenchement de la guerre en Ukraine. La pyramide des âges on la connaît, c’est mathématique, et dans la décennie qui vient il va falloir favoriser et réussir le renouvellement de génération ». Au syndicat, le renouvellement, plus aisé à mettre en œuvre, s’est opéré au niveau du poste de salarié permanent. « Anne-Lise Soulignac a quitté ses fonctions fin décembre 2023 et nous la remercions pour tout le travail accompli, parfois dans des conditions difficiles, pour son dévouement et son courage. Marine Schmitt lui succède et nous lui souhaitons la meilleure intégration possible au sein de notre filière », a conclu Didier Lincet dans son rapport moral.

Des efforts de communication utiles

Pour surmonter un « contexte économique pas évident » le travail engagé sur la notoriété du Chaource, via la communication et les partenariats, a été important, voire prépondérant, selon Didier Lincet. « Les tendances plus favorables que nous observons sont la résultante des opérations menées à tous les niveaux, que ce soit sur le plan national avec la CNAOL, à l’échelle de notre appellation Chaource et dans les entreprises elles-mêmes », soutient le président de l’AOP, dont la propre marque a fait sa publicité dernièrement sur les écrans de France3. Sur le terrain, parmi les opérations qui montent en puissance et donnent de la visibilité au produit figure la Chaource-Week. La troisième édition, en octobre 2023 a vu le nombre de restaurateurs passer de 80 à 125 et permis de toucher près de 23 000 personnes en Champagne-Ardenne et en Bourgogne. Une mise en avant du fleuron fromager, bien relayée sur les réseaux sociaux, à étendre encore.

Autonomie fourragère et protéique : élargir la boucle locale

L’étude menée par la filière avec AgroParisTech sur la mobilisation de ressources locales est, pour partie, terminée. « Nous constituons une filière pilote dont les activités autour de l’autonomie fourragère et protéique doivent pouvoir être dupliquée ailleurs. Aujourd’hui, nous voulons aller plus loin qu’avec la luzerne (déshydratée, stockées spécifiquement et remise aux éleveurs) et la betterave (pulpe tracée en lien avec la sucrerie d’Arcis, dans l’Aube) en élargissant la boucle avec d’autres productions locales, par exemple avec les tourteaux de colza, les pois et les féveroles. Et pourquoi pas avec du soja puisque des éleveurs en ont implanté, avec une belle récolte en 2023, même si nous savons que l’adaptation de cette culture à notre région reste fragile. »

Chiffres-clés 2023

- 54 exploitations habilitées fin 2023 (une de moins qu’en 2022)
- 35 735 327 litres de lait collectés (- 3,23 %)
- 15 794 439 litres transformés (- 4,3 %)
- 2 436 tonnes d’AOP chaource produites (- 2,3 %)