Assemblée générale des JA 58
Ajustements obligatoires

Chloé Monget
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Le 11 avril, lors de l'assemblée des JA 58, une table ronde était proposée pour discuter d'une question : « La France a-t-elle encore besoin de ces paysans ? ». 

Ajustements obligatoires
Les défis de l’avenir sont énormes et nombreux.

Suite aux manifestations agricoles de début d’année, aux annonces gouvernementales et aux accords de libres-échanges ayant pu être signés, l’avenir agricole peut sembler trouble pour certains. Dans ce contexte économique et social particulier, les JA 58 proposaient une table ronde autour d’une question : « La France a-t-elle encore besoin de ces paysans ? », lors de leur assemblée générale du 11 avril à Nevers.

« Cette interrogation émane d’un paradoxe sociétal : le regard de la majorité de la société est favorable à l’agriculture française sans pour autant changer ses habitudes de consommation. En parallèle, le nombre d’exploitants diminue dans l’Hexagone, et dans la Nièvre. Pour celle-ci, environ 15 000 vaches ont été perdues en six ans. En plus de tout cela, se pose la question de l’adaptation aux enjeux climatiques et aussi au manque de main-d’œuvre dans des exploitations toujours plus grandes » introduit Étienne Bourgy, chargé de mission Énergies à la Chambre d’agriculture de la Nièvre, et animant les débats entre : Thomas Lemée, président des JA BFC et exploitant à Saint-Agnan, Ludovic Guyard, exploitant à Saizy et président du Service de remplacement 58, Magalie Bernard, directrice de la FDSEA 58, et Pierre Crouzet, directeur « Risques climatiques émergents » chez Groupama.

Une alliance à trouver

Pour Thomas Lemée : « Les défis de l’avenir sont énormes et nombreux. Et, il est temps de se poser les bonnes questions et de revoir nos systèmes d’exploitation. Aujourd’hui, les jeunes ont de plus en plus de mal à reprendre les fermes, et ne veulent plus se sacrifier pour elles. Ils veulent avoir une vie, et notre système actuel ne colle plus à leurs aspirations notamment face au temps de travail ». Sur ce point, Étienne Bourgy pointe : « Ce qui est vrai pour les jeunes chefs d’exploitants, l’est aussi pour les salariés », et de Ludovic Guyard de rebondir : « Le service de remplacement peut être une solution ponctuelle ou plus régulière pour les exploitants ayant besoin de main-d’œuvre. Cela peut également être un premier emploi pour un jeune, avec des horaires fixes, puisque nous sommes à 35 heures pour les contrats ; offrant aux salariés un certain temps libre pour poursuivre leurs projets personnels. Ce point est désormais une demande récurrente, et non négociable, chez les salariés ». Mais, qui dit salariat, dit rémunération…

Rémunération et communication

Ludovic Guyard stipule : « Pour avoir un bon salarié, il faut des fonds – qui sont compliqués à trouver dans certaines exploitations. Des leviers existent pour en débloquer, mais il y a du travail à faire. Je pense à l’application de la loi Égalim, et la loi climat et résilience. En parallèle, le consommateur a une certaine responsabilité via l’acte d’achat ». Parmi les nouveaux débouchés, le stockage carbone a été évoqué mais : « pour l’instant, nous sommes à 30 euros /t carbone, autant dire rien. Et, pour une question d’image, les grands groupes préfèrent aller dans d’autres pays pour cela… pour l’instant cela n’est pas une option pour avoir une plus-value » pointe Ludovic Guyard. Thomas Lemée développe : « Comment attirer les jeunes dans les exploitations où la rentabilité n’est pas assurée ? Si le chef d’exploitation ne peut pas se dégager de salaire, malgré une charge de travail très importante – notamment en élevage – comment lui donner envie de s’engager dans cette voie ? Il faut donc montrer les débouchés pour les attirer. En plus, les enfants d’exploitants agricoles ne suffisent plus à faire le renouvellement, il faut donc attirer de nouvelles personnes ». Pour ce dossier de la communication, Magalie Bernard rappelle que des interventions sont faites : « dans les collèges, lycées mais aussi maternelles, afin de sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge aux métiers agricoles et para-agricoles. En plus de cela, le site l’agriculture recrute (https://www.lagriculture-recrute.org/) permet de mettre en relation les employeurs et salariés dans ces domaines-là ».

Climat peu clément

Si la rémunération est donc synonyme d’avenir pour l’exploitant et le salarié, elle est également un pan indispensable pour faire évoluer les fermes face au changement climatique, selon Thomas Lemée : « Nous devons investir dans les bâtiments ou nos pratiques afin de pouvoir atténuer et/ou assurer les conséquences des aléas climatiques. Face à ce que nous avons vécu ces dernières années, cela semble non négociable si nous souhaitons continuer à avoir une agriculture française de qualité ». Pour ce sujet du changement climatique, Pierre Crouzet, évoque l’avenir : « Dans la Nièvre, les deux éléments les plus impactant sont la sécheresse (retrait des argiles) ou encore les épisodes forts de grêle… Nous n’avons aucun recul sur ce qui peut arriver ensuite ; complexifiant notre travail d’établissement des probabilités pour la mise à niveau de nos assurances. Pour ce bouleversement, deux options sont possibles pour la tarification : le mutualisme ou la personnalisation du risque. Dans les deux cas, la tarification augmentera puisque les sinistres aussi. À l’avenir, la prévention sera prise en compte, comme le positionnement de bâche anti-grêle par exemple. Nous devons imaginer le monde demain et, pour le moment, cela est compliqué car nous n’avons pas de visibilité sur ce qui nous attend ». Thomas Lemée conclut : « nous devons trouver des solutions à toutes les problématiques évoquées avec en ligne de mire le dénominateur commun : la rémunération ».