Enseignement
Point d'étape sur le plan Enseigner à produire autrement

Berty Robert
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L’enseignement agricole public est engagé depuis une dizaine d’années dans un plan national destiné à faire émerger et promouvoir de nouvelles pratiques agricoles. Début avril, l’Institut Agro Dijon a servi de cadre à une journée visant à faire le point sur la seconde phase de ce plan.

Point d'étape sur le plan Enseigner à produire autrement
Cette journée bilan sur EPA 2 se tenait à l'Institut Agro Dijon.

Préserver les ressources, produire et transformer autrement, consommer autrement, former les citoyens et acteurs de demain : voici les quatre axes selon lesquels s’organise le plan national « Enseigner à produire autrement » (EPA). Lancé en 2014, il en est aujourd’hui à sa seconde phase, entamée en 2020 et qui va se conclure cette année. Le 9 avril, l’Institut Agro Dijon accueillait la journée régionale EPA 2 destinée à faire un bilan d’étape sur les traductions et avancées concrètes de ce plan en Bourgogne-Franche-Comté (BFC). Marquant le dixième anniversaire du lancement d’EPA, 2024 est un moment d’évaluation. C’est ce sur quoi insistait Marion Lhote, de la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l’Agriculture : « Nous avons besoin de voir ce qui marche dans les expérimentations, ce qui ne marche pas et ce qui doit évoluer, en prenant en compte la réalité du changement climatique ».

L’exemple CA-SYS

Parmi ces expérimentations, Pascal Marget, directeur de l’unité expérimentale du domaine d’Époisses (Inrae Dijon) était venu détailler plusieurs exemples : le projet Dijon Alimentation Durable dans lequel l’Inrae est impliqué, et par lequel le « mieux manger » doit promouvoir le « mieux produire », mais aussi la plateforme CA-SYS. Elle permet d’évaluer la faisabilité de systèmes agroécologiques très innovants et en rupture. « Depuis sa mise en œuvre, précisait Pascal Marget, des données sont collectées sur les pratiques agricoles, les rendements, la diversité microbienne des sols, le stockage du carbone… » Collaborative, elle mêle des agriculteurs, des techniciens, des enseignants, des chercheurs et, chaque année, elle accueille 150 étudiants en BTSA. Cette journée du 9 avril proposait un programme très dense et diversifié au cours duquel étaient abordées les actions EPA 2 conduites en lycées agricoles, l’implantation des haies et leur rôle, la diminution de l’usage des produits phytopharmaceutiques, les ressources pédagogiques permettant d’aborder les transitions agroécologiques, ou la contribution de lycées agricoles à des Projets alimentaires territoriaux (PAT)… Impossible d’entrer dans le détail de toutes ces thématiques mais arrêtons-nous un instant sur une présentation faite sur la sociologie des transitions, afin de comprendre comment ces dernières sont abordées par un milieu agricole plus hétérogène qu’on ne le pense souvent. Claude Compagnone, Floriane Derbez et Nathalie Joly, enseignants-chercheurs au sein de l’Unité mixte de recherche (UMR) Centre d’économie et de sociologie appliquées à l’agriculture et aux espaces ruraux (Cesaer) de l’Institut Agro Dijon se sont penchés sur la manière dont les collectifs agricoles sont impliqués dans l’agroécologie.

« Pas de définition unique de la transition »

« On doit constater une chose, expliquait Floriane Derbez : il n’y a pas une définition unique de ce qu’est la transition. En revanche, il y a une vraie nécessité de reconnaître et valoriser économiquement les agriculteurs qui s’engagent dans des démarches de réflexion sur leurs pratiques liées à la transition. Il faut aussi comprendre qu’on ne peut pas faire peser cette transition sur les seules épaules des agriculteurs. Elle doit reposer sur l’ensemble de la chaîne, jusqu’au consommateur final ». Nathalie Joly, pour sa part, s’appuyait sur l’exemple d’un Groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) constitué en Côte-d’Or qui illustrait la nécessité de disposer d’outils de gestion pour s’engager dans la voie d’une transition, « faute de quoi, constatait-elle, on prend le risque d’aller vers des contentieux et de fragiliser le collectif ». Enfin, Claude Compagnone pointait la confrontation, dans le cadre de cette transition, entre deux types de rationalité, l’une économique et l’autre sociale. « il y a, par exemple, le risque d’une fragilisation des liens sociaux si la mise en œuvre de certaines pratiques pourtant vertueuses en matière de transition, vous coupe d’autres collègues agriculteurs. La transition n’est pas qu’une construction technique, c’est aussi une construction sociale. Dans ce contexte, il est nécessaire de s’intéresser aux milieux sociaux des agriculteurs… »