En janvier, Gricha Lohmann, alsacien de 33 ans, a repris l'exploitation de Guy Paquier, 61 ans, à Moux-en-Morvan ; une transition effectuée sur une idée commune.

Une vision commune
Guy Paquier et Gricha Lohmann gardent des contacts très réguliers, même si comme le dit affectueusement Guy : « c'est lui le patron maintenant ».

« Nous devons nous poser la question de ce que l’on veut vraiment : installer des jeunes pour que l’agriculture soit pérenne dans le département ou faire des agrandissements » débute Guy Paquier, exploitant agricole à la retraite. Il détaille : « Je voulais, dans la mesure du possible qu’un jeune reprenne. Mais, cela engendre forcément de faire des compromis et de ne pas livrer celle-ci au plus offrant ».

Un recommencement

Si pour Guy Paquier l’exploitation devait se transmettre, cela n’est pas le fruit du hasard : « J’ai longuement réfléchi à ce que je voulais faire. Et, comme les anciens propriétaires m’avaient donné une chance de travailler dans un domaine qui me plaisait, je me suis dit qu’il était presque normal de faire de même ». En effet, ce Saône-et-Loirien d’origine ne pouvait, lorsqu’il s’est installé en 1986, prétendre à une propriété en Saône-et-Loire : « les prix étaient trop importants pour que je puisse avoir un poids quelconque. De plus, à l’époque, il n’était pas envisageable qu’un fils d’ouvrier puisse reprendre une exploitation agricole. Heureusement les choses ont changé depuis à ce niveau-là ». De son côté, son repreneur, Gricha Lohmann, alsacien, ne pouvait pas non plus s’endetter sur ses terres d’origine, et ce pour la même raison. « Nous nous sommes plu car nous avions un peu le même parcours, puisqu’il n’était pas du coin, et qu’il était hors cadre également » se remémore Guy Paquier.

Même valeur

Autre point commun entre les deux hommes : la gestion de l’exploitation. « J’ai toujours voulu une ferme à taille humaine » pointe Guy Paquier avant d’ajouter : « c’est pour cela que je ne me suis jamais vraiment agrandi. De plus, je pense qu’il faut privilégier la multitude d’agriculteurs afin que cela ravive nos campagnes. En effet, qui dit un agriculteur dit potentiellement une famille et donc de la vie ». Pour Gricha Lohmann, cette valeur est identique : « il y a énormément de jeunes qui veulent s’installer mais peu de terres. Il faut donc revoir notre idée de l’agriculture. Pour ma part, je voulais quelque chose de gérable seul, sans sacrifier ma vie personnelle. Et, comme l’exploitation de Guy a des terres d’un seul tenant avec une maison d’habitation sur le site, cela était une aubaine ». Au total, Guy a cédé 70 ha, 30 vêlages et une centaine de brebis.

Le poids du bien

Même si Gricha et Guy se retrouvent sur de nombreux points, ce dernier stipule que : « Cette volonté de ma part de transmettre à un jeune a forcément eu des répercussions sur le prix de vente. Je ne voulais pas que le repreneur ait le couteau à la gorge financièrement. Il faut faire la part des choses entre ce que l’exploitation vaut vraiment et ce qu’on pense qu’elle vaut – et souvent il y a une grande différence ». Pour ce faire, il n’a pas fait appel à un expert financier pour faire évaluer son bien, par choix : « Je ne voulais pas qu’on me donne un chiffre qui serait forcément amené à être réduit et qui aurait engendré une déception de mon côté. Je me suis plutôt demandé combien un jeune pourrait mettre sur la table pour reprendre et s’en sortir financièrement. En somme, je me suis mis dans ses souliers ». Gricha poursuit : « En tant que jeune installé, j’ai conscience qu’une exploitation représente le travail de toute une vie. Mais, il faut trouver un juste prix pour la céder ». Guy Paquier conclu : « je ne cherchais pas la rentabilité en vendant, je cherchais simplement à ne pas perdre d’argent mais surtout à ce que l’activité ne s’arrête pas et, finalement que la vie continue ici tout simplement ».

Prévoir en amont
Les premières démarchent de transmission effectuées par Guy remontent à 2017 avec un premier entretien avec la Chambre d'Agriculture de la Nièvre.

Prévoir en amont

Si la transmission entre Guy Paquier et Gricha Lohmann s’est déroulée assez sereinement, cela n’a pas a été le fruit du hasard comme le raconte Guy : « Je réfléchis à la retraite depuis le début. C’est un élément à prendre en compte dans la gestion de son exploitation. En effet, si on s’agrandit trop (animaux, terres, matériels, bâtiments, etc.) on se retrouve avec des exploitations qui ne sont pas reprenables par des jeunes gens, il faut donc ouvrir une réflexion dès le début. Ensuite, toutes les démarches pour un cédant sont assez longues, notamment pour réaliser un diagnostic technico-économique – permettant d’avoir un profil détaillé de l’exploitation. Il faut donc s’y prendre deux ou trois ans à l’avance avant de poster son annonce. Je suis d’ailleurs passé par le RDI pour trouver un repreneur ». De son côté, Gricha a réalisé une étude de faisabilité : « pour savoir où l’on met les pieds, car c’est un gros investissement qui ne se prend pas à la légère ». Enfin Guy conseille : « de rester ouvert à toutes les propositions que les jeunes font, car on peut trouver une perle rare et il serait dommage de fermer une porte ».

Un projet de longue date
L'exploitation compte environ cent brebis et Gricha ne se ferme pas la porte à de la vente directe sur la ferme pour l'avenir.

Un projet de longue date

Gricha Lohmann s’installe hors cadre familial, mais cela ne veut pas dire qu’il ne connaît pas le milieu. « Mon oncle à une exploitation agricole et j’ai toujours adoré y aller. Je me suis toujours dit que cela serait mon métier ». Après quelques années dans le bâtiment, il finit par se lancer : « à 33 ans, il était temps que cela bouge et nous étions d’accord sur ce point avec ma compagne Léa. Elle savait qu’avoir ma ferme était quelque chose qui me tenait à cœur et elle était partante dans ce projet ». Tous deux ayant une formation agricole, Gricha ne se ferme aucune porte : « je pense qu’un jour elle me rejoindra sur l’exploitation pour travailler. Nous avons plein de projets pour amener de la vie par ici, comme l’accueil d’enfants par exemple. Mais nous nous laissons le temps de prendre nos marques ».