FNSEA
Une loi « voisinage » qui ne convainc pas

Christopher Levé
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Suite à la condamnation de Vincent Verschuere, agriculteur dans l’Oise, pour troubles anormaux du voisinage lié à son activité agricole, la FNSEA a alerté le ministère de la Justice pour qu’une loi visant à limiter ce genre de plaintes contre les agriculteurs voie le jour. Une proposition de loi a été adoptée le 4 décembre dernier. Cependant, celle-ci prend uniquement en compte le concept de préexistence de l’exploitation. La FNSEA travaille pour que cette loi englobe aussi les évolutions « raisonnables » des activités des agriculteurs.

FNSEA
La FNSEA travaille pour que la loi « voisinage » englobe aussi les évolutions « raisonnables » des activités des agriculteurs (crédit photo : Réussir SA).

C’est une affaire qui dure depuis 14 ans et qui ne semble pas près de se terminer. Après plus d’une décennie à batailler, Vincent Verschuere, agriculteur à Saint-Aubin-en-Bray (Oise) s’est vu confirmer sa condamnation pour nuisances occasionnées par son exploitation, par la Cour de cassation, le 7 décembre dernier.
Pour tout comprendre, il faut remonter en 2010, lorsque Vincent Verschuere, installé un an plus tôt sur l’exploitation familiale, en place depuis quatre générations, décide d’investir 600 000 euros dans l’extension de sa ferme, en créant deux hangars agricoles, pour lesquelles il obtient toutes les autorisations administratives.
Cependant, six de ses voisins décident d’engager une action judiciaire pour troubles anormaux du voisinage, pointant des nuisances sonores et olfactives de cette exploitation en élevage laitier. Ces derniers obtiennent gain de cause auprès du tribunal administratif d’Amiens, qui décide d’annuler son permis de construire en 2013, jugeant les hangars étant trop proches des habitations.
En mars 2022, Vincent Verschuere est même condamné à payer 106 000 euros de dommages et intérêts à ses voisins, par la Cour d’appel d’Amiens.

Le principe de préexistence seulement ?

Alors, comment cette condamnation a-t-elle été possible ? Car si le principe de préexistence émanant du code de la construction de l’habitation indique clairement que lorsqu’une exploitation est en place et que des voisins s’installent, ces derniers ne peuvent pas se plaindre de troubles occasionnées par l’exploitation, il n’en est en revanche rien si l’activité évolue postérieurement à la venue des voisins.
Suite à cette situation extrême, la FNSEA a alerté le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, lors du salon de l’agriculture en 2023, qui s’est engagé à légiférer. Une proposition de loi, portée par la députée de la 3e circonscription du Morbihan, Nicole Le Peih, (du parti Renaissance), a donc vu le jour.
Mais cette loi, qui a été adoptée à l’Assemblée nationale le 4 décembre 2023, ne convainc totalement la FNSEA. « Elle ne va pas aussi loin que ce que nous pouvions espérer car elle ne permet pas de pouvoir bénéficier de cette exonération de responsabilité si l’activité évolue », indique Laurent Woltz, responsable du service juridique à la FNSEA. « Nous avons donc fait déposer des amendements en ce sens, dans le but d’inclure dans ce principe de préexistence le fait que l’activité de l’agriculteur déjà en place pouvait raisonnablement évoluer. L’idée n’est pas de permettre aux agriculteurs de faire tout et n’importe quoi mais d’éviter un recours, notamment dans le cas où un agriculteur doit mettre son bâtiment aux normes », poursuit-il.

Un risque pour la pérennité de l’exploitation

Désormais, la proposition de loi va prochainement être examinée par le Sénat avec une procédure d’urgence (un seul passage). « Ensuite, elle passera en commission mixte paritaire pour éventuellement obtenir quelques aménagements. Mais pour nous (la FNSEA), le seul aménagement possible est de permettre que l’activité agricole ne soit pas figée dans le temps », assure Laurent Woltz.
Qu’en est-il de Vincent Verschuere ? En plus des dommages et intérêts versés aux plaignants, la condamnation exige également à ce que l’agriculteur mène à bien de gros travaux d’aménagements pour réduire les odeurs et le bruit, que le tribunal judiciaire de Beauvais jugera en juin prochain pertinents ou non. En fonction du verdict, Vincent Verschuere pourrait être contraint de démolir ses hangars, ce qui remettrait en question la pérennité de son activité.

FDSEA
Dans la Nièvre, en Côte-d'Or et comme ici, dans l'Yonne, les FDSEA ont décidé d'apporter leur soutien à l'agriculteur de l'Oise en participant à la cagnotte en ligne.

Les FDSEA montrent leur soutien

Suite à cette décision du 7 décembre 2023, de la Cour de cassation, de confirmer la condamnation de Vincent Verschuere, une cagnotte en ligne a été créée afin de soutenir financièrement l’agriculteur dans la réalisation de ses travaux d’aménagements visant à réduire les odeurs et le bruit émanant de son activité. Une cause que soutiennent les FDSEA de l’Yonne, de la Côte-d’Or et de la Nièvre. Les trois structures ont respectivement fait un don de 1 000, 500 et 500 euros à l’agriculteur. « Les élus syndicaux ont souhaité soutenir, via ce versement, cet exploitant. La situation est inadmissible, nous sommes avec lui », a pointé Magalie Bernard, directrice de la FDSEA de la Nièvre.

La cagnotte en ligne est encore ouverte. Elle est accessible depuis le flash code ci-dessous.
https://www.gofundme.com/f/soutenir-vincent-verschuere-eleveur-dans-loise