Écophyto 2030
Ce qu'il faut retenir de la version finale

Mathieu Robert
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Plusieurs indicateurs suivis mais un seul sur lequel le gouvernement rendra compte, un budget supplémentaire pour accompagner la prise de risque amont-aval, une enveloppe inédite pour les collectivités victimes des pesticides dans l’eau, l’indemnisation des riverains envisagée… Voici ce qu’il faut retenir de la version finale de la stratégie Écophyto 2030 présentée le 6 mai.

Ce qu'il faut retenir de la version finale
Le Plan Ecophyto 2030 est enfin finalisé.

Trois mois après la mise « en pause » de la stratégie Écophyto 2030, annoncée par le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau le 1er février, les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique ont présenté la version finale du plan le 6 mai. « Ces trois mois ont permis de gagner en lisibilité vis-à-vis du monde agricole. Rien n’a été supprimé. Il n’y a eu aucun recul. On garde le cap. On garde les moyens. On ne fait pas de surtransposition mais on est en cohérence avec le cadre européen », a déclaré le cabinet de Christophe Béchu en préambule. Comme annoncé, le gouvernement maintient son objectif de réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici 2030. Comme annoncé aussi, l’indicateur européen HRI 1 sera le nouvel indicateur « de référence » de la stratégie, en lieu et place de l’historique Nodu. De par ce changement, très contesté par les ONG environnementales, la période de référence pour mesurer les progrès effectués sera 2011-2013 et non plus 2015-2017 comme prévu il y a encore quelques mois. « Sur l’indicateur HRI 1, la marche est à peu près autour de 27-30 %, donc il nous reste à peu près 20 à 22 % pour pouvoir atteindre l’objectif du HRI 1 d’ici 2030 », a indiqué le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher.

Suivi d’indicateurs

Le gouvernement a de plus confirmé qu’une mission sera confiée à l’Inrae pour « proposer des voies d’amélioration » de l’indicateur, en lien avec les autres instituts de recherche européens, selon un document de présentation stratégique. En plus du HRI 1, le gouvernement prévoit de publier « régulièrement » une « série d’indicateurs complémentaires de suivi » sur les risques et usages de produits phytopharmaceutiques. « Chaque ministère, dans son domaine de compétence, alimentera le suivi de ces indicateurs de pilotage de la Stratégie », expose le document. Interrogé par la presse afin de savoir si le Nodu agricole continuera d’être calculé comme par le passé, pour mesurer son évolution depuis les débuts d’Écophyto en 2009, la Rue de Varenne a répondu que le Nodu CMR1, le Nodu CMR2, le Nodu glyphosate et la QSA continueront d’être fournis pour « ne pas casser la série statistique ». « Mais le seul et unique indicateur de suivi de la stratégie et sur lequel on rendra compte est bien le HRI 1 », a souligné l’équipe d’Agnès Pannier-Runacher. Le gouvernement prévoit une nouvelle mesure pour accompagner « la prise de risque amont-aval et massification » avec à la clef un budget de 90 millions d’euros en 2024. Cette enveloppe prendra la forme d’un Appel à manifestation d’intérêt (AMI) porté par la Banque des territoires et FranceAgriMer. Le but est de « faire fonctionner ensemble » les agriculteurs et les acteurs économiques (coopératives…) pour « inciter au développement de systèmes de pratiques de protection combinée, qui fonctionnent en synergie (sélection variétale, biocontrôle, agroécologie…) ». « C’est vraiment une initiative supplémentaire pour essayer de créer des dynamiques qui nous permettent de réduire notre dépendance à la chimie et aux produits phytosanitaires », a expliqué le ministère de l’Agriculture. Le financement provient d’une enveloppe de 300 millions d’euros issue de France 2030 - en novembre dernier, cette enveloppe était annoncée autour de 250 millions d’euros.

Lever les freins au bio

Le document de présentation stratégique fait également état d’une « augmentation des aides aux filières à bas niveau d’intrants » (ex. miscanthus) mise en place par les agences de l’eau. « Les agences de l’eau contribuent avec des budgets qui augmentent sur tout ce qui est bas intrants, puisque leur budget en faveur des Maec augmente de 70 millions d’euros par an sur la période de la Pac 2023-2027 », a expliqué le ministère de la Transition écologique. Cette rallonge de 70 millions d’euros avait déjà été évoquée par Marc Fesneau en novembre. En outre, le gouvernement propose de financer des « études et campagnes de tests » pour lever les freins à l’agriculture biologique, « par exemple sur les modes de fertilisation qui pourraient être acceptés […] pour réduire la différence de rendements avec l’agriculture conventionnelle ». Le budget envisagé n’est pas précisé. Concernant les captages d’eau potable, l’exécutif a annoncé 20 millions d’euros en 2024 pour aider les collectivités à potabiliser leurs eaux polluées par des pesticides et leurs métabolites. « C’est la première fois […] qu’on a un budget qui est dédié, sur le curatif, au soutien aux collectivités locales », a indiqué le cabinet du ministre de la Transition écologique. Cette enveloppe provient des crédits issus de la planification écologique (250 millions d’euros). Elle pourrait être reconduite dans le prochain projet de loi de finances. « L’idée, c’est quand même de faire perdurer cette mesure dans le temps et évidemment d’en ajuster le montant au regard de son efficacité et des besoins qui remontent du territoire », a étayé l’équipe de Christophe Béchu. Le gouvernement a confirmé qu’un arrêté interministériel sera pris courant 2024 pour définir les « points de prélèvement sensibles » - une nouvelle catégorie de captage introduite par la réglementation européenne. Il a aussi confirmé qu’un « guide de gestion des risques » destiné aux préfets sera publié d’ici la fin d’année pour établir les lignes directrices concernant l’intervention des collectivités et de l’État : Plan de gestion de sécurité sanitaire de l’eau (PGSSE), droit de préemption sur le foncier agricole, contrats de type Obligation réelle environnementale (ORE), Zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE). Concernant les PGSSE, le gouvernement rappelle que l’échéance de réalisation pour « tous les captages de France (sensibles ou non) » est fixée au 12 juillet 2027.

Programmation pluriannuelle

Enfin, le gouvernement envisage la mise en place d’un « dispositif d’indemnisation des riverains » victimes des pesticides, éventuellement ouvert à « d’autres catégories de personnes ayant contracté une maladie d’origine non-professionnelle, en lien avec l’exposition prolongée et répétée aux produits phytopharmaceutiques ». Cette idée est soumise au préalable à une étude de faisabilité du ministère de la Santé. L’Exécutif évoque un dispositif différent du Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP), car ce dernier repose sur la présomption d’imputabilité de la maladie au contexte professionnel. Cet hiver, le cabinet du ministre avait rappelé qu’Écophyto serait comme habituellement financé par la Redevance pour pollution diffuse (RPD), à hauteur de 71 millions d’euros par an ; le pilotage des fonds nationaux « sera amélioré dès 2024 », promet désormais le gouvernement, qui veut en passer par « une programmation pluriannuelle du financement des actions structurantes, reconduites d’une année sur l’autre, qui en contrepartie pourraient être assorties d’objectifs de résultat, et des appels à projets thématiques ». La somme de 71 millions d’euros avait été complétée de 250 millions d’euros de crédits issus de la planification écologique, inscrits dans le Projet de loi de finances (PLF) pour 2024, et d’une enveloppe de 250 millions d’euros issue de France 2030 qui est donc passée à 300 millions d’euros.