Prédation
Propositions de la FRSEA BFC et des JA BFC face au loup

Christophe Chambon, président de la FRSEA BFC et Florent Point, président de JA BFC
-

Christophe Chambon, président de la FRSEA BFC, et Florent Point, président de JA BFC, ont adressé, le 18 août, une lettre au Préfet de Région, Franck Robine. Elle aborde l’idée d’un plan de sauvetage de l’élevage face au prédateur, plutôt qu’un nouveau plan loup, et porte une série de propositions concrètes.

Propositions de la FRSEA BFC et des JA BFC face au loup
La correspondance entre le nombre de loups et celui des animaux prédatés apparaît sur ce document bâti à partir de données fournies par la Dreal Auvergne-Rhône-Alpes.

« Monsieur le Préfet, un nouveau plan national d’actions sur le loup sera proposé début septembre. Compte tenu de la situation, ce futur plan doit absolument sauvegarder l’élevage en plein air aujourd’hui menacé par les conséquences des attaques des loups sur les troupeaux, que ce soit sur les ovins, les bovins ou autres animaux domestiques. Ces attaques de plus en plus nombreuses remettent en question les systèmes de pâturage qui façonnent nos paysages, stockent du carbone, préservent notre biodiversité et assurent notre souveraineté alimentaire dans le cadre d’une agriculture économique et durable. Mais surtout, elles affectent profondément la santé des éleveurs. Le loup produit de l’isolement. Il met en jeu la réputation des éleveurs y compris dans leurs familles. Il y a un sentiment de dépossession vis-à-vis du travail de l’éleveur. Sur la période 2018-2023, le nombre de loups est passé de 430 à près de 1000 individus. Les zones de présence permanente du loup sont passées de 74 à près de 180. Le nombre de départements colonisés par le loup est passé de 22 en 2018 à 53 en 2023 et notamment en Saône-et-Loire, en Côte-d’Or, dans la Nièvre et dans l’Yonne mais aussi le Jura, le Doubs et la Haute-Saône. C’est désormais un fait avéré, le loup n’est plus une espèce en voie de disparition. Son seuil de viabilité, estimé par les scientifiques à 500, est largement dépassé. En revanche, les éleveurs qui pratiquent l’élevage à l’herbe sont menacés d’extinction, si le nouveau plan de régulation du loup ne permet pas aux éleveurs de se prémunir réellement des attaques des prédateurs. Les éleveurs doivent pouvoir agir en écartant préventivement les loups qui menacent les élevages. Dans cet objectif, une simplification des règles actuelles de gestion du loup est une nécessité absolue, avec des mesures efficaces. Par exemple, il est urgent de fusionner les tirs de défense en un seul. Celui-ci doit être mis en place dans tous les territoires de présence du loup, sans restriction, ni priorisation pour assurer réellement la défense des troupeaux. Au-delà des déclarations de bonnes intentions, il devient impératif de tester des solutions plus adaptatives et aussi plus respectueuses des contextes locaux. À l’échelle des territoires, il s’agit de proposer de réelles solutions pour répondre concrètement à la détresse des éleveurs. Nous ne pouvons accepter le plan loup tel qu’il est actuellement. Les pouvoirs publics se doivent d’adopter un plan de sauvegarde de l’élevage et non un énième plan loup, incapable de préserver l’élevage à l’herbe et les éleveurs, ni même d’assurer la gestion du prédateur sur le territoire. Nous devons conserver notre souveraineté alimentaire, notre droit à produire, et la vie de nos territoires, mais pour cela, l’élevage doit être mis au centre des priorités politiques. C’est pourquoi, vous trouverez dans ce courrier, une liste de propositions pour le plan national action 2024-2029, qui permettra de préserver les éleveurs sur nos territoires. En vous remerciant de l’attention que vous porterez à notre demande, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’assurance de notre haute considération ».

Exergue : « Les éleveurs qui pratiquent l’élevage à l’herbe sont menacés d’extinction, si le nouveau plan de régulation du loup ne permet pas aux éleveurs de se prémunir réellement des attaques des prédateurs »

Prendre en compte les particularités de chaque territoire :

-Revoir la gouvernance et laisser plus de possibilités d’actions aux régions et aux massifs pour prendre en compte les spécificités territoriales

-Encourager et favoriser la diversification des mesures de protection en fonction des caractéristiques propres à chaque territoire

Confirmer le statut non protégeable des troupeaux :

-Conserver le statut non-protégeable pour les troupeaux de bovins et dans le cadre d’un tir de défense, il ne doit pas être conditionné à un diagnostic de vulnérabilité

-Expérimenter avec les instituts techniques dans les territoires non protégeables, des moyens opérationnels pour les éleveurs volontaires avec des outils innovants d’aide à la protection des troupeaux

Donner les moyens aux éleveurs pour défendre leurs troupeaux :

-Améliorer les délais de reconnaissance de la responsabilité du loup lors d’une attaque : l’absence de réponse de l’administration à une demande de tirs dans les 48 heures suivant ladite demande, équivaut à une autorisation

-Octroyer les Tirs de défense simple (TDS) et renforcée (TDR) valables sur tous les territoires et durant toute la campagne sans restriction, ni priorisation pour assurer la défense des troupeaux y compris pour les troupeaux voisins d’un troupeau prédaté

-Supprimer le plafond de destruction de 19 %, de sorte que puissent être mis en œuvre des tirs de défense de manière systématique dès lors qu’est constatée une attaque sur troupeaux

-Accorder des tirs de prélèvements toute l’année par le Préfet coordinateur, dès lors qu’est constatée une forte prédation sur les troupeaux, sans autre condition (tir territorialisé).

Faire évoluer le statut juridique des Chiens de protection des troupeaux (CPT) :

-Mettre en place une loi spécifique au statut du chien de protection des troupeaux afin de délivrer aux éleveurs des dérogations concernant les réglementations applicables en matière d’ICPE, d’aboiement, de divagation des CPT et de responsabilité pénale des éleveurs

-Interdire l’élevage, la détention et la commercialisation des hybrides, chiens-loups tchécoslovaques et chiens-loups de Saarloos.

Donner plus de moyens aux éleveurs, aux louvetiers et à la brigade mobile d’intervention :

-Donner la possibilité aux éleveurs et chasseurs ayant suivi une formation, d’avoir des armes dotées de lunettes à vision nocturne, limitées aujourd’hui aux seuls lieutenants de louveterie

-Rémunérer les lieutenants de louveterie pour le temps passé à l’appui aux éleveurs, augmenter les effectifs et financer le matériel nécessaire

-Augmenter l’effectif des brigades mobiles pour intervenir dans les départements dès les premières attaques. Améliorer les financements pour la protection des troupeaux et des éleveurs :

-Financer le coût de la prédation sur des fonds du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et non plus sur le Feader ou les crédits agricoles nationaux

-Permettre aux éleveurs de ne pas avancer la trésorerie sur les charges engagées pour la protection des troupeaux

-Financer la main-d’œuvre nécessaire à la pose et l’entretien des clôtures électrifiées

Proposer une meilleure prise en compte des pertes :

-Actualiser annuellement le barème d’indemnisation des animaux en fonction des cours du marché

-Financer par l’État l’enlèvement des animaux prédatés

-Prendre en compte la valeur génétique de l’animal prédaté

-Indemniser à la valeur réelle des jeunes animaux (veaux, agneaux…) et les avortements qui se produisent dans les jours ou mois après l’attaque et augmenter significativement le forfait pour indemniser le stress, les impacts sanitaires et de productivité

-Indemniser les animaux disparus à leur valeur réelle (et non en forfait de 20 % des pertes directes)

-Indemniser le temps passé à la recherche des cadavres et aux démarches administratives

-Prévoir une indemnisation auprès de l’éleveur pour préjudice moral

Avoir un système de comptage et de suivi précis et neutre de la population lupine :

-Revoir les modalités d’estimation de la population lupine pour un suivi et une évolution précis des populations, avec, en début de saison, des informations retransmises aux représentants agricoles sur l’évolution des populations

-Prévoir les équipements et les financements nécessaires afin de suivre précisément l’évolution de cette population

Revoir le statut de protection du loup dans la Convention de Berne et la directive Habitats :

-Revoir le statut du loup comme « espèce strictement protégée », car il est à l’origine des limites que connaissent les éleveurs pour se défendre contre la prédation et vivre sereinement de leur métier. Nous souhaitons un déclassement du loup au statut d’espèce protégée pour avoir plus de souplesse dans la gestion de la population. À terme, étant donné l’évolution favorable de la population, nous souhaitons l’exclusion du loup des textes internationaux

-Améliorer la surveillance des parcs à loups, exiger a minima un registre d’élevage avec suivi des naissances

-Revoir les modalités d’estimation de la population lupine, notamment par le financement d’outils technologiques tels que les pièges photos et caméras thermiques.