Économie
En Côte-d'Or, la stratégie de montée en gamme s'avère payante

Berty Robert
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Cerfrance Bourgogne-Franche-Comté décline désormais ses Fermoscopie (photographie économique de plusieurs secteurs agricoles) sur la viticulture. Cela donne Vitiscopie et le premier de ces évènements avait lieu le 13 février en Côte-d’Or.

En Côte-d'Or, la stratégie de montée en gamme s'avère payante
Le renouvellement des vignes est une préoccupation à intégrer de plus en plus dans la stratégie de conduite d'une exploitation viticole

Analyser les données économiques de l’élevage ou des grandes cultures, Cerfrance le fait depuis plusieurs années. Les Fermoscopies, qui fournissent une photographie économique de ces secteurs agricoles sont des rendez-vous d’expertise reconnus. L’entreprise livre aujourd’hui un travail sur la viticulture basé sur le même modèle. Le 13 février, le château de Savigny-lès-Beaune, en Côte-d’Or, a servi de cadre au premier Vitiscopie. Cerfrance BFC avait mobilisé deux de ses experts du secteur : Agathe Darbon et Olivier Defert, conseillers spécialisés en viticulture. Les résultats présentés portaient sur l’année 2022. « Il nous semblait important de ne pas être sur des résultats trop récents, soulignait Agathe Darbon. Avoir un peu de distance permet de voir et comprendre des mouvements tendanciels plus profonds et structurants ».

Bonne résistance des domaines bourguignons

En fait, les analystes sont remontés jusqu’à 2015 pour obtenir une vue d’ensemble significative. Ces dernières années, le Covid, la guerre en Ukraine, l’inflation, les taxes Trump et les aléas climatiques n’ont pas épargné la viticulture. Pourtant, il ressort de Fermoscopie que les domaines côte d’oriens ont très bien résisté économiquement, ce qui constitue une exception dans le paysage viticole français. C’est d’autant plus remarquable que cela se fait dans un contexte où la production marque tout de même le pas depuis 2013. « En raison du changement climatique, souligne Agathe Darbon, on note une fragilisation des plants de vigne. Les vins sont plus difficiles à produire ». Il faut aussi compter avec une hausse de 25 % du prix des bouteilles, ces deux dernières années. Globalement, les charges totales en euro/ha ont crû de 60 % depuis 2015, en Côte-d’Or ! En 2022, elles atteignaient 65 300 euros. Les fermages, le coût de la main-d’œuvre et les travaux par tiers sont les postes qui ont le plus augmenté. C’est particulièrement vrai sur les fermages qui, en Côte de Nuits, ont quasiment doublé entre 2015 et 2022. L’analyse du secteur montre par ailleurs la forte progression du poids des travaux en prestation, par tiers, qui représentaient en 2022, 11 % des charges en euro/ha contre seulement 3 % en 2015. Globalement, entre les impacts sur les rendements et l’inflation, Vitiscopie montre qu’entre 2015 et 2022, le coût de la vigne/ha a augmenté de 24 % pour les domaines qui vendent en bouteilles et de 20 % pour ceux qui commercialisent en vrac et mixte. En revanche, si l’on considère le coût de la vigne/hectolitres, celui-ci a baissé de 26 % (vente en bouteilles) et de 27 % (vrac et mixte).

Politique de prix en hausse

Reste que les domaines de Côte-d’Or semblent s’être adaptés à ces conditions pas toujours favorables : en premier lieu, comme le soulignait Olivier Defert, « les vins de Côte-d’Or sont montés en gamme et cela leur a réussi, économiquement ». Sur la période 2015-2022, le prix moyen de la bouteille en Hautes-Côtes est passé de 11 à 16 euros, en Côte de Beaune de 15 à 20 euros, et en Côte de Nuits de 20 à 33 euros. Au passage, cette montée a entraîné une évolution de la clientèle : les vins de chablis, par exemple, ont récupéré une partie de la clientèle qui était sur la Côte-d’Or auparavant. Au bilan, il apparaît que la hausse des prix a largement compensé les pertes de volume. Sur la Côte de Beaune, l’Excédent brut d’exploitation (EBE)/ha a plus que doublé depuis 2015, passant de 20 000 euros à 43 800 euros. Même schéma en Hautes-Côtes ou il est passé de 10 000 à 24 800 euros et en Côte de Nuits (de 25 000 à 50 800 euros). La rentabilité des exploitations ne cesse de se renforcer et « finalement, soulignait Olivier Defert, le gel de 2021 aura laissé peu de séquelles ». Pour 2023, Cerfrance anticipe, au minimum, un maintien de la rentabilité, pour ceux qui vendent en bouteille. Il faut néanmoins garder à l’esprit que les deux très bonnes récoltes de 2022 et 2023, couplées à la hausse des prix et aux tensions géopolitiques, entraînent quelques tensions sur les marchés. La récolte 2024 va être intéressante pour observer le comportement de la commercialisation. Elle contribuera à valider ou non la stratégie de montée en gamme.

Le coût du renouvellement des vignes

Parmi les charges qui s’imposent aux domaines viticoles, celle du remplacement des pieds de vigne prend une importance croissante, en raison des problématiques de dépérissement constatées depuis plusieurs années. Sur la période 2015-2022, le coût de remplacement et de renouvellement en euro/ha est passé de 360 euros à presque 500 euros en Hautes-Côtes. En Côte de Nuits, il est passé de 400 à presque 600 euros, et en Côte de Beaune, de 500 à 650 euros. Pour les conseillers de Cerfrance, il est nécessaire aujourd’hui de repenser la stratégie de renouvellement de sa vigne.