Oléoprotéagineux
Construire une nouvelle relation avec les agricultures africaines

Berty Robert
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Fin novembre, Augustin David, producteur en grandes cultures et viticulteur de la Nièvre, a participé à un échange, dans le cadre des Rencontres Oélopro organisées par la Fop, avec le président d’un grand groupe agroalimentaire de Côte d’Ivoire. Le but était de réfléchir aux enjeux respectifs des filières oléoprotéagineuses européenne et africaine dans un contexte international tendu et incertain.

Construire une nouvelle relation avec les agricultures africaines

Alors que, ces derniers mois, la présence française en Afrique a été fortement remise en question à l’occasion de soubresauts géopolitiques au Mali, au Burkina-Faso ou au Niger, comment les collaborations agricoles entre la France et cette zone du monde peuvent-elles perdurer et se développer ? La question était au cœur d’une table ronde organisée dans le cadre des Rencontres Oléopro qui se tenaient fin novembre à Montrouge, près de Paris et à laquelle participait le Nivernais Augustin David. Viticulteur en appellation Pouilly Fumé et producteur en grandes cultures, il est également administrateur de la Fédération des producteurs d’oléoprotéagineux (Fop) et préside depuis juin dernier l’association Agropol, qui œuvre au développement à l’international des filières oléoprotéagineuses. C’est à ce titre qu’il participait à cette table ronde, en compagnie de Jean-Marie Ackah, président du groupe agroalimentaire ivoirien Avos. Tous deux ont débattu des enjeux africains, des enjeux communs entre Europe et Afrique et comment, dans ce cadre, penser des partenariats d’avenir.

Enseignement croisé sur le changement climatique

Ils ont partagé des éléments de contexte : effets du covid, impacts des conflits géopolitiques. « Nous avons aussi insisté, précise Augustin David, sur les défis climatiques, de plus en plus nombreux. L’Europe, sur ce point, a de l’appui technique à apporter au Sud, mais les pays du Sud peuvent aussi nous inspirer et nous apporter des enseignements. Cette prise de conscience est récente mais elle prend de plus en plus d’importance, y compris au sein des instituts techniques. Jean-Marie Ackah a aussi rappelé une donnée importante : la forte croissance démographique du continent africain, aux portes de l’Europe. Cela constitue un enjeu alimentaire et social qui nous concerne tous ». D’où un fort besoin de structuration des agricultures africaines pour fournir nourriture et emplois à ses populations. Autre point important sur lequel Jean-Marie Ackah et Augustin David étaient d’accord : sortir d’une conception humanitaire des rapports avec l’Afrique (vertueuse ou morale mais pas forcément connectée aux réalités économiques) sans pour autant aller vers une vision purement commerciale des rapports, qui, peut, elle aussi, être dévastatrice pour les économies locales et les sociétés africaines, car sans lien avec les besoins véritables des territoires. « Jean-Marie Ackah rappelait que, trop souvent, une forme de libéralisme entraînait des importations à bas coût, ce qui n’aidait pas à structurer et développer les agricultures locales ». L’agriculteur nivernais témoigne du fait qu’au sein d’Agropol, la volonté, dans ce domaine, est de défendre une « troisième voie » qui intégrerait des valeurs d’aide et de solidarité mais inscrites dans les réalités économiques : « une approche dans laquelle on assume qu’il puisse y avoir des intérêts économiques de part et d’autre, que des Européens qui vont en Afrique n’y vont pas uniquement pour aider des populations fragiles et qu’on soit avant tout dans du pragmatisme. Il ne faut pas de misérabilisme ni aborder la relation dans un sens uniquement descendant entre le Nord et le Sud… ».

En finir avec le « pré carré »

Pour appuyer ce propos, Augustin David se réfère au contexte géopolitique récent où la France a été, d’une certaine manière, rejetée : « tout cela montre qu’on doit s’engager dans une autre manière de collaborer. Lors des Rencontres Oléopro, on a pris en compte le fait qu’on doit continuer à travailler ensemble, mais plus en ayant en tête des notions de « pré carré », de domaine réservé, comme ça a trop longtemps été le cas entre la France et ses anciennes colonies africaines. On a besoin d’une posture et d’une manière de travailler différentes… » En revenant sur plusieurs exemples concrets Augustin David avait à cœur de démontrer que cette relation renouvelée est possible et qu’elle est déjà à l’œuvre. L’agriculteur nivernais confirme par ailleurs qu’il est indispensable, pour l’agriculture française, de développer des partenariats internationaux, en particulier avec l’Afrique, tout en travaillant activement au développement de filières locales en France, afin de réduire certaines dépendances à des importations, notamment dans le domaine de l’alimentation animale : « il faut travailler selon ces deux échelles stratégiques et chez nous, l’importance de la reconnexion des producteurs avec des metteurs en marché, des transformateurs, pour valoriser localement, est primordiale ». Travailler en ayant en tête ce « grand écart » entre des marchés mondiaux et la nécessité de structurer des filières plus locales : c’était tout l’intérêt des échanges entre Augustin David et Jean-Marie Ackah parce que dans la Nièvre comme en Côte d’Ivoire, les enjeux sont plus proches qu’on ne le croit. « Même si les échelles et les contextes sont différents, conclut Augustin David, les logiques ne sont pas si éloignées ».