Action syndicale
Le ridicule ne paye pas

AG
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Pas besoin de GPS, ils connaissaient parfaitement le chemin : de nombreux agriculteurs FDSEA-JA se sont rendus une énième fois devant les locaux du Conseil régional à Dijon, encore et toujours dans le cadre des dossiers Feader non réglés. La Région, perdue dans ses classeurs et dossiers, a plaidé « coupable » dans les retards de paiements. Quel fiasco administratif !

Le ridicule ne paye pas
Les manifestants, réunis devant le Conseil régional le 18 octobre.

Incroyable mais vrai : le Conseil régional traîne encore dans le traitement des dossiers Feader ! Une nouvelle manifestation FRSEA-JA était donc prévisible pour remettre un coup de pression. Celle-ci s'est tenue vendredi dernier en présence de 300 agriculteurs venus de toute la Bourgogne-Franche-Comté. L'objectif, sur place, était clair : intervenir lors de la session plénière et exiger des explications de la part de la présidente Marie-Guite Dufay.

Entrée compliquée

Oui mais voilà, l'accès à la réunion leur était interdit, la porte d'entrée était bloquée par de nombreux CRS. Qu'importe, des agriculteurs ont réussi à passer... par-dessus ! Des vidéos sur cette escalade ont beaucoup circulé sur internet, y compris sur la page Facebook de Terres de Bourgogne. Une délégation agricole, arrivée « à destination », a pu s'exprimer lors de la session : le ras-le-bol paysan a une nouvelle fois été relayé, le fiasco administratif de la Région a été encore déploré. De cette intervention, on retiendra malheureusement une nouvelle vidéo « choc » : celle d'un élu de Saône-et-Loire (Bertrand Veau, maire de Tournus et conseiller régional), en train de jouer « à un jeu » sur son smartphone pendant le discours de détresse des exploitants. Ces images ont elles aussi beaucoup tourné sur les réseaux sociaux, notamment sur la page Facebook de la FDSEA de Côte-d'Or.

Des aveux

Jérôme Durain (et non Marie-Guite Dufay) est allé à la rencontre des manifestants qui attendaient dehors. Des aveux ont été prononcés par ce sénateur de Saône-et-Loire : « Nous sommes responsables des retards. Il faut reconnaître que les DDT avaient l'habitude de traiter les dossiers de manière plus fluide, nous ne savons pas encore le faire à la Région. Ce n'est pas faute d'avoir recruté beaucoup de gens pour le faire. Parmi les engagements que nous prenons, il nous faut un choc de simplification : il est clair que les dossiers que vous avez à monter relèvent du parcours du combattant. C'est vrai, c'est trop long, il y a trop de pièces justificatives. Nous allons essayer d'alléger les modes d'instruction ». Jérôme Durain a énuméré plusieurs engagements censés améliorer et accélérer le dispositif de paiements. Faute avouée à moitié pardonnée ? Pas si sûr : un jet d'oeufs sur l'intervenant s'en est suivi.

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Les propos du sénateur Jérôme Durain, ici au micro, n'ont visiblement pas convaincu et ont été suivis d'un jet d'œufs :« Nous sommes conscients de vos difficultés, ce n'est pas un sujet politique mais administratif. Il n'y a ni mépris, ni indifférence, ni volonté de faire mal à l’agriculture, c'est tout l'inverse. Sur vos dossiers, on mouille le maillot ».
« Cette situation ne peut plus durer »
(encadré) Thomas Lemée, président de JA BFC
Réaction

« Cette situation ne peut plus durer »

Thomas Lemée, président de JA BFC, à la fin de la manifestation : « Les agriculteurs qui ont fait le déplacement étaient très déterminés, à tel point qu'une poignée d'entre eux a réussi à entrer dans les locaux du Conseil régional pour se faire entendre. Cette situation ne peut plus durer ! Nous attendons de l'argent depuis deux ans. Qui, dans ce pays, vivrait deux ans sans salaire et continuerait d'aller travailler dans ces conditions ? L'argent en question nous est dû, il doit être versé dans les plus brefs délais. Ce qui arrive ici est impensable, tout le monde se retrouve noyé dans l'administratif. Un grand besoin de simplification se fait ressentir, nous l'avons redit aujourd'hui. Imaginez-vous : pour un appel à projet, nous devons déposer une centaine de pièces, c'est du grand n'importe quoi. Nous ne lâcherons rien, cette situation doit très vite se décanter, enfin ! ».

« Tout est fait à l'envers »
Louis Accary, président du Corel avicole de Bourgogne Franche-Comté (encadré aviculture).
Filière avicole

« Tout est fait à l'envers »

Louis Accary, président du Corel avicole de Bourgogne Franche-Comté, a redit une énième fois la problématique des éleveurs de volailles, incapables de prétendre aux nouvelles aides bâtiments : « Cela fait deux ans que nous le déplorons, mais rien ne se passe. Il nous est impossible d'accéder au nouveau plan bâtiments mis en route depuis deux ans, justement. Leur grille de points est beaucoup trop restrictive, elle est tout simplement inaccessible ! Les éleveurs avicoles ne peuvent pas bénéficier des fonds européens… Des jeunes et moins jeunes voudraient pourtant investir dans des bâtiments neufs ou sur de la rénovation pour mettre aux normes leurs outils de travail ». L'ancien éleveur à Versaugues, près de Paray-le-Monial (71) fustige également l'« administratif » : « leurs exigences ne tiennent pas debout, il est demandé de fournir des documents qui ne servent à rien, même les techniciens ne comprennent pas ce qui est demandé ! Autre chose ne convient pas : le nouveau plafond de subventions a été abaissé par rapport à l'ancien plan, alors que le prix des bâtiments a pris 30 % Cette situation est complètement folle, alors que nous sommes déficitaires en fournitures de volailles, en Bourgogne-Franche-Comté ». Louis Accary cite un autre exemple « incompréhensible » : « la présidente de Région et son vice-président veulent, je cite, de l'excellence en matière d'aviculture. Ils demandent donc du label, de l'AOP et du bio, sauf que depuis deux ans, nous avons une chute de vente de 20 % dans ce domaine-là. Leur souhait ne correspond pas du tout à la demande du consommateur ! En revanche, en standard, nous avons une augmentation de la consommation, ces poulets sont plus accessibles niveau prix et là, nous nous retrouvons avec 50 % de volailles étrangères sur le marché, avec des modes de production totalement différents de chez nous, c'est fou, tout est fait à l'envers ».

Quelle issue ?

Une sortie de crise est peut-être envisagée, suite à cette action syndicale, avec une réouverture des prêts avec prise en charge des intérêts par la Région pour tous les dossiers en attente de paiement, mais aussi et surtout une reprise par les services de l'État de l'intégralité des dossiers de l'ancienne programmation (déposés jusqu'à fin 2022), le déploiement des services de la Région sur les appels à projets 2023 et 2024, un plan d'apurement des dossiers par le Conseil régional sous l'égide de l’État, avec points d'étape obligatoires.