Brame du cerf
Sur les traces des grands cervidés

Christopher Levé
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Chaque année, entre le 15 septembre et le 10 octobre environ, les cerfs brament et se battent pour conquérir le maximum de biches, dans un processus de reproduction. Une période importante pour le cycle de l’animal. Et spectaculaire, que nous sommes allés observer, au milieu des bois de Treigny.

Cerf
Durant un mois, les cerfs brament et se battent pour constituer leurs hardes.

Si le cerf se fait entendre de loin, il faut être discret pour le voir bramer. C’est dans les bois de Treigny, à la frontière entre l’Yonne et la Nièvre, que nous sommes allés écouter et observer le brame du cerf. Un moment spectaculaire qui revient chaque année, à l’automne.
Pour nous accompagner, nous allons à la rencontrer de Jean-François Cornillon, le monsieur cerf du département. Ancien directeur technique du parc de Boutissaint pendant 42 ans, aujourd’hui à la retraite, il est le guide parfait pour espérer observer au mieux les cerfs en train de bramer.
Mais d’ailleurs, qu’est-ce que le brame ? « C’est la période d’accouplement des cerfs et des biches. Cela se passe entre le 15 septembre et le 10 octobre. Durant cette période, les biches entrent en chaleur, environ toutes les trois semaines », répond Jean-François Cornillon. « Les cerfs se font la voix à partir du 15 août. Certains disent que c’est par la voix que les cerfs s’imposent aux autres. Il est vrai que les cerfs les plus vieux ont une voix plus grave. Mais, ce qui fait qu’ils arrivent à « obtenir » des biches, c’est essentiellement le combat et la force. Ils doivent s’imposer face aux autres. Plus les cerfs sont grands, costauds, vigoureux, plus ils prendront le dessus sur les autres, qui s’effaceront ».

Les yeux dans les yeux

Au loin, dans la clairière, peu avant le coucher du soleil, nous apercevons un cerf, entouré d’une bonne trentaine de biches. Il brame. « Celui-ci a pris le dessus sur les autres. Il continue d’être aux aguets, au cas où d’autres cerfs reviennent à la charge », explique Jean-François Cornillon.
Nous avançons dans les bois de Treigny, en essayant de faire le moins de bruit possible pour ne pas effrayer les cerfs. C’est d’ailleurs eux qui nous guident, au son de leur voix. Un, puis deux, puis trois, et d’autres encore. Les cerfs sont proches, tout autour de nous. Nous les observons, sans bouger. Ils en font de même, entre deux brames. À ce moment-là, le temps s’arrête, la nature prend le dessus sur tout.
Même après toutes ces années à contempler les cerfs, Jean-François Cornillon reste, lui aussi, émerveillé. « Son comportement sauvage, je le trouve passionnant. Il n’y a pas une journée de l’année où je ne suis pas fasciné. C’est une fascination constante. Chaque période de l’année, il y a un élément nouveau », assure-t-il. « Voir les cerfs dans la neige au début de l’année, c’est somptueux. Entre février et avril, les cerfs perdent leurs bois, font la mue. J’aime aller les récupérer, les peser, les analyser. Ensuite il y a les refaits, c’est la partie en velours qui poussent sur les pivots. Arrivent ensuite les naissances, entre le mois de mai et juin (le cycle de gestation est de 240 jours, soit 33 semaines). Les biches font alors partir le daguet (jeune cerf d’un an) ou la bichette afin de s’isoler pour mettre bas. Au 14 juillet, les vieux cerfs perdent leurs velours. Puis arrive déjà la période du brame. Avant que les cerfs ne se regroupent, de même pour les biches qui retrouvent ses daguets et bichettes pour reformer une cellule familiale. Il n’y a pas un mois où il n’y a pas d’évolution. La vie du cerf est toujours en mouvement », détaille Jean-François Cornillon.

D’ami à ennemi

Le spectacle dur pendant plus de deux heures, avant que les cerfs commencent à se réfugier dans la forêt, pour y passer la nuit. La période du brame approchant la fin au moment de ce reportage, nous n’avons pas assisté à des combats, les cerfs étant pour la plupart épuisés. Mais est-ce que tous les cerfs cherchent à conquérir des biches durant cette période ? « Ils peuvent commencer à se reproduire à partir d’un an. Sur un territoire comme le nôtre, on a des cerfs qui vivent jusqu’à 15 voire 16 ans. Alors tous les jeunes n’ont que très peu de chance de pouvoir s’accoupler. Ce sont essentiellement ceux qui sont en pleine force de l’âge, à 8, 9 ou 10 ans, qui vont aller au combat », répond Jean-François Cornillon.
Des cerfs qui se retrouveront ensuite, pour passer le reste de l’année, ensembles. « Ils sont côte à côte de début novembre au 1er septembre. Ils sont ensemble presque 11 mois de l’année. C’est une espèce grégaire (qui vit en troupeau). Les cerfs vivent d’un côté et les biches, avec leurs faons, de l’autre. Mais pendant cette période du brame, ils sont prêts à se battre jusqu’à la mort ».
Il est temps de repartir et de laisser les cerfs se reposer, avant un nouveau jour à bramer.