Climat
L’orage super cellulaire, nouvelle réalité climatique

Charlotte Bayon
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Autrefois rares en France, les orages super cellulaires deviennent une préoccupation importante, notamment dans le monde agricole. Ils sont, selon Romain Weber, météorologue à Lyon Météo, la forme orageuse la plus violente. Décryptage.

L’orage super cellulaire, nouvelle réalité climatique
Romain Weber, météorologue à Lyon Météo. (Photo : Romain Weber)

« Les orages super cellulaires représentent la forme orageuse la plus violente », affirme Romain Weber, météorologue à Lyon Météo qui soutient les acteurs du monde agricole à travers ses prévisions et en participant notamment au dispositif de lutte collective Paragrêle 69. « Ils ont la capacité de produire des phénomènes très intenses, tels que de violentes chutes de grêle, de violentes rafales de vent et de fortes pluies. C’est un des seuls orages capables de produire des tornades, contrairement aux orages classiques : il a la particularité d’être en rotation ». Depuis plusieurs années maintenant, les météorologues se penchent sur ces phénomènes, afin d’acquérir assez de recul. Des connaissances indispensables aux agriculteurs, dont la production pâtit régulièrement de ces évènements climatiques. Les orages super cellulaires ont, en effet, des particularités qui leur sont propres et naissent dans des conditions spécifiques. Tout d’abord, « ils peuvent durer plusieurs heures, contrairement à un orage classique, dont la durée de vie se trouve entre trente et soixante minutes et parcourir plusieurs centaines de kilomètres », explique Romain Weber.

Une histoire de vents

Pour la création de ce type d’orages, plusieurs conditions doivent, par ailleurs, être réunies. « Une super cellule se crée dans un contexte de forte instabilité de la masse d’air, en général un fort contraste thermique ou un cisaillement important, qu’il soit directionnel ou de vitesse ». C’est une condition sine qua non, d’après l’expert : entre le vent au sol et le vent en altitude, il faut une différence de vitesse. La supercellule se forme donc avec un rapport d’air chaud et humide au sol, ainsi qu’une arrivée d’air frais. Ce grand contraste va créer une forte instabilité de la masse d’air et un cisaillement des vents. Par ailleurs, plus la masse d’air est chaude, plus elle contient de l’humidité : les orages deviennent alors davantage pluvieux entraînant souvent des inondations. Autre conséquence néfaste de ce type d’orage : l’augmentation de la taille des grêlons. « Nous avons prouvé, de manière scientifique, que la taille de grêlons avait drastiquement augmenté. La grêle se forme au cœur de courants très forts. Lorsque le grêlon est trop gros, il tombe au sol et atteint de plus en plus des tailles importantes, en raison de la puissance des orages super cellulaires », explique Romain Weber.

Itinéraire inconnu

Pour faire face, les agriculteurs s’organisent pour sauver leurs productions, mais il est souvent difficile d’agir, en raison du caractère tout particulier des orages super cellulaires. « Les orages vivent et sont très difficiles à suivre. Il est possible d’estimer l’intensité de l’orage et ce qu’il va potentiellement produire vingt-quatre à quarante-huit heures à l’avance. Mais on ne peut pas savoir où l’orage va passer, on le saura seulement une heure avant, au maximum », assure le météorologue. C’est donc la grande différence entre un orage classique et une super cellule : la super cellule a davantage de mal à se former et crée différents flux. Ses trajectoires sont donc complexes à appréhender.

Orages super cellulaires et réchauffement climatique

Une chose est certaine : ce phénomène se répète de plus en plus comme l’ont prouvé les épisodes qui se sont abattus cet été. Toutefois, « ils ne sont pas nouveaux en France », souligne le météorologue. Les facteurs entraînant cette augmentation ne sont encore que des hypothèses. En effet, les conditions climatiques étant en mutation, l’augmentation de la fréquence de ces tempêtes intenses soulève des questions sur le lien avec le réchauffement climatique. « Nous nous doutons qu’il a un lien avec cette augmentation, mais nous n’avons pas assez de recul pour le prouver ». L’expert soulève, toutefois, l’idée selon laquelle les fortes chaleurs alimenteraient les orages plus facilement en leur octroyant beaucoup d’énergie.