Simplification administrative
Marc Fesneau précise son plan d'action

Propos recueillis par Mathieu Robert
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Jachères, contrôle unique, droit à l’erreur, échelle des peines, Loi d’orientation agricole… Dans un entretien accordé à Agra presse, le ministre de l’Agriculture fait le point sur l’avancée du chantier de « simplification » lancé par le Gouvernement depuis plusieurs semaines.

Marc Fesneau précise son plan d'action
Le 3 avril 2023, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau était en visite dans une exploitation agricole de la Nièvre : « Nous voulons trouver le moyen d’éviter de multiplier les contrôles, par exemple sur la Pac entre l’animal et le végétal ».

Où en êtes-vous du chantier des « simplifications » lancé en janvier par le Président de la République – bien accéléré par les manifestations de février des agriculteurs ?

Marc Fesneau : «Dans ce dossier, nous avons trois niveaux d’action. Le premier est européen. Le 15 mars nous avons eu des réponses de la Commission européenne à plusieurs de nos demandes, qu’il s’agisse du droit à l’erreur, des prairies, des rotations ou des jachères. Le ministère a été très actif en amont pour faire des propositions à la Commission. Ces choses-là, il y a un an et demi, personne ne voulait en parler. On nous disait qu’il était impossible de modifier l’acte de base de la Pac, dans ces délais. À l’issue du Conseil des ministres de l’Agriculture européens de février, nous étions d’ailleurs inquiets. Avec le ministre espagnol puis 20 de nos collègues (sur 27), nous avons demandé un calendrier, pour une procédure qui modifierait plusieurs aspects de l’acte de base. Une quinzaine de jours seulement après, c’est ce qu’elle s’apprête à faire et c’est une bonne nouvelle».

Si Bruxelles proposait de rendre les jachères optionnelles comme pressenti, supprimeriez-vous l’obligation faite aux exploitations françaises ?

M.F. : «Évidemment. Si nous appliquions l’obligation, nous serions incohérents. Étant ceux qui ont initié cette demande qu’on lève obligation, ce serait absurde de ne pas l’appliquer. C’est la prolongation de la dérogation obtenue en 2024, jusqu’en 2027. Et nous valorisons déjà la présence de jachère dans l’une des voies d’accès aux écorégimes».

L’autre échelon, c’est le national. Avec la Loi d’orientation agricole (LOA) à venir et la loi Pacte 2. Quel est le calendrier ?

M.F. : «Les professions s’impatientent sur cet échelon, je peux l’entendre mais la loi doit être examinée par le Conseil d’État - c’est en cours -, puis présentée en Conseil des ministres, le 29 mars. À l’Assemblée, la commission débutera autour du 30 avril, et en séance le 13 mai. Tout ce qui relève d’une modification législative et s’avère prêt à être adopté sera inclus dans la LOA : je pense à la fusion des régimes applicables aux haies, à l’accélération des recours sur les projets d’eau ou les bâtiments d’élevage, ainsi qu’à la révision du quantum des peines. Au sujet de l’échelle des peines, nous avons mis, dans la loi, ce que nous appelons une accroche. Il s’agit d’inscrire dans un premier temps une ordonnance, puis de l’écrire, le temps de l’examen parlementaire. Nous avons encore besoin des résultats d’une mission d’inspection. Inscrire dans le projet le principe d’une ordonnance ne vise donc pas à court-circuiter le Parlement, avec lequel nous travaillerons sur la future rédaction. Sur le fond, l’objectif est de simplifier. Si vous arrachez 20 mètres de haies aujourd’hui et qu’on vous contrôle, vous risquez cinq ans de prison, vous pouvez passer devant le procureur, parfois après une garde à vue, pour aboutir la plupart du temps sur un classement sans suite ou une amende. Nous essayons d’aboutir plutôt à un régime d’amende et de réparation. On ne va pas mettre un paysan en prison parce qu’il a arraché 10 mètres de haies. C’est disproportionné, cela génère une forme d’impuissance publique, ça manque de pédagogie et tend les relations avec les corps de contrôle, dont l’OFB. Enfin, ça embolise la justice. Le troisième sujet de simplification, ce sont les formulaires, la relation quotidienne avec les usagers agricoles. J’ai demandé à tous les opérateurs de l’État de faire des propositions de simplifications des process et formulaires. Le travail est en cours. Par exemple j’ai demandé une simplification des formulaires Pac de demandes d’indemnisation sur les mesures liées à la prédation du loup».

Vous aviez aussi lancé des réflexions au niveau des préfectures. Où en est-on ?

M.F. : «Le Premier ministre avait demandé à avoir des remontées de la part de nos services préfectoraux, qui ont recueilli plus de 3 000 contributions, émanant à la fois des services et des syndicats. J’ai dit à mes services : sentez-vous libres de dire ce qui ne marche pas. Dites-le ! Sans frein ! Nous avons organisé ce travail en 300 thèmes que nous sommes en train de passer au crible. Il est par exemple question du contact avec l’usager. Vous avez un problème sur votre dossier Pac, la DDT n’est pas forcément en capacité de vous répondre car elle n’a pas les éléments pour le faire. Est-ce lié à la première année de mise en œuvre ? On va regarder. Mais il y a besoin que l’usager ait une réponse à ses questions et que nous soyons rapides dans les réponses. Ce sont des choses qui sont extrêmement pratiques et concrètes».

Où en sont les travaux sur la simplification du conseil stratégique sur les pesticides, dont la suppression « dans sa forme actuelle » a été annoncée par le Premier ministre. Et qu’en est-il de la séparation capitalistique ?

M.F. : «Nous avons suspendu le lien entre Certiphyto et conseil stratégique, le temps de regarder ce que peut être un conseil plus simple, plutôt intégré à Certiphyto, mais qui ne soit pas une usine à gaz. Concernant la séparation capitalistique, il y a des débats. On y travaille, avec les acteurs, pour trouver le point d’atterrissage».

Quel sera le périmètre et en quoi consistera le « contrôle unique » annoncé par Gabriel Attal ?

M.F. : «L’objectif est de faire des propositions aux syndicats agricoles dans les semaines qui viennent. Nous voulons trouver le moyen d’éviter de multiplier les contrôles, par exemple sur la Pac entre l’animal et le végétal. N’oublions pas non plus que les régions ont la main sur certaines aides du second pilier et voudront exercer leur droit de contrôle. Nous sommes dans les périmètres principalement du ministère de l’Agriculture et de la Transition écologique, hors contrôles sur procédure judiciaire. On ne parle pas de quelqu’un qui aurait enfreint sciemment la loi. L’idée est qu’une exploitation ne puisse pas avoir plusieurs contrôles par an. Il faut éviter ce qui parfois est vécu comme une forme de harcèlement».

De même, en quoi consistera le « droit à l’erreur » annoncé par le Président de la République ? On se souvient d’une annonce similaire faite au début de son premier mandat…

M.F. : «Effectivement, le droit à l’erreur a été mis en œuvre pour la première fois en 2023 dans le cadre de la réforme de la Pac. Nous vérifions, après cette première année de mise en œuvre qu’il est bien appliqué, dans toutes les réglementations et dès que possible. Mais nous devrons aller plus loin».

Pourquoi avoir choisi de ne plus intervenir que sur la conformité des arrêtés d’extension des accords interprofessionnels, alors que la jurisprudence a récemment confirmé que vous pouviez intervenir sur le fond ?

M.F. : «C’est une simplification. Tout le monde connaît l’importance des interprofessions, et l’intérêt qu’il y a à les laisser prospérer sans qu’elles ne soient placées sous la vigilance trop lourde de l’État. C’est une philosophie de la confiance faite aux interprofessions et une incitation aux filières à se constituer comme telles».

D’ici l’examen de la LOA, aurez-vous mûri sur certaines mesures que vous pourrez ajouter en séance ?

M.F. : «Nous avons en effet d’autres sujets de simplification qui pourraient naître. Nous verrons aussi s’il y a des ajouts à faire sur la question foncière. Il y a une envie dans tous les groupes parlementaires. On va regarder avec eux. En plus des mesures du projet de loi, il pourra aussi y avoir des initiatives parlementaires via des Propositions de projet de loi (PPL) sur la question des phytosanitaires ; les drones, peut-être la séparation capitalistique».

Faudra-t-il une autre loi foncière dédiée, après la LOA, pour aborder la question du statut du fermage, et du développement de la délégation complète ?

M.F. : «D’abord, je ne souhaite toujours pas ouvrir la porte à une révision du statut du fermage dans la LOA. Ouvrir cette porte, c’est mettre à mal le statut du fermage. C’est un des rares éléments de compétitivité de la ferme France. On remettrait en cause l’un des fondements des lois Pisani. Concernant le foncier, je pense que l’on a plutôt besoin, dans le cadre réglementaire actuel, de regarder s’il faut étoffer certaines choses, autour de la loi Sempastous, pour faire en sorte que l’intention du législateur, qui était d’éviter la délégation et que se constituent des structures qui échappent au contrôle des structures, s’applique – plutôt que de lancer une loi foncière ad hoc. Mais les parlementaires sont libres».