Femmes exploitantes
Vivre son rêve

Chloé Monget
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Cyrielle Franchi, sous-préfète de Clamecy, s'est déplacée sur l'exploitation de Blandine Calandre (Surgy), le 8 mars, à l'occasion de la journée internationale du droit des femmes. 

Vivre son rêve
Cyrielle Franchi et Blandine Calandre dans l'exploitation à Surgy. Crédit photo : Rémi Lamas.

Afin de célébrer la journée internationale du droit des femmes, Cyrielle Franchi, sous-préfète de Clamecy a rendu visite à Blandine Calandre (exploitation située à Surgy). Madame la sous-préfète précise : « L’arrondissement est majoritairement agricole, de ce fait, il me paraissait donc normal d’aller voir une exploitante pour cette journée particulière ». De son côté, Blandine Calandre souligne : « Il est important d’expliquer notre métier, dès qu’on en a l’occasion, pour que le public prenne conscience de sa complexité et de ses enjeux ».

Autocensure

Madame la sous-préfète poursuit : « Madame Calandre est très passionnée. Elle nous a expliqué avoir repris la ferme au décès de son père alors qu’elle était ingénieure de formation. Elle s’est installée seule pensant que son compagnon allait la rejoindre rapidement, mais cela ne s’est pas fait et elle est restée indépendante. Elle indique toutefois que si son conjoint était venu s’installer avec elle, elle se serait probablement déportée vers des tâches dites plus féminines (papiers, organisation). Ainsi, comme d’autres, elle se serait censurée dans son ambition de piloter l’exploitation » avant de préciser : « C’est finalement comme si des femmes, même brillantes et ambitieuses, ont intégré dès leur jeunesse que certaines tâches ne leur sont pas dévolues car « masculines ». À l’inverse, les hommes ont probablement le sentiment miroir ». Blandine Calandre, pour sa part, détaille : « J’ai toujours eu des relations d’estime et d’entraide avec mes confrères. Je me sens à l’aise avec eux et sur un pied d’égalité, même si parfois les agriculteurs sont surpris – positivement - par mon engagement technique et mécanique. Ceci dit, je constate avec plaisir que mes compétences agronomiques sont reconnues. D’ailleurs, le GDA Bourgogne Nivernaise est important pour échanger nos savoirs, nos idées ou encore nos ressources ».

Tout de front

Outre cela, Madame la sous-préfète a été touchée de voir que les journées de Madame Calandre étaient minutées quand elle était plus jeune : « elle devait gérer la ferme et s’occuper des enfants. 9 heures à l’école et 9 h 15 dans le tracteur jusqu’à 11 h 30, la cuisine… Là encore, un bel exemple d’engagement afin de conjuguer vie professionnelle et personnelle. Comme beaucoup de femmes aujourd’hui, je suis dans une situation voisine, même si mon conjoint m’aide énormément. Ainsi, malgré tout, l’organisation des familles évolue (les papas s’impliquent plus) et des jeunes filles suivent l’exemple des pionnières vers des emplois connotés plus « masculins ». Blandine Calandre rebondit : « Même s’il est difficile de faire des généralités entre les hommes et les femmes, pour moi, la différence s’est faite sur le temps de travail disponible sur la ferme. Lorsque les enfants étaient présents, mon temps de travail était contraint ; j’ai donc dû compenser par une organisation sans faille et un matériel bien entretenu et récent. Avec les encouragements de mon mari, nous avons aussi accordé plus d’importances aux conditions de travail (hangar bétonné, manutention limitée béquille hydraulique, bâtiment fonctionnel) » et ajoute : « Il faut que dans les fermes, il y ait une vraie réflexion sur les conditions de travail afin que l’aspect physique ne soit pas un frein. Les hommes ont d’ailleurs tout à y gagner ».

On ne s’arrête pas

Cyrielle Franchi rappelle : « D’une manière générale, les femmes ont toujours joué un rôle essentiel dans l’agriculture, mais de façon invisible. Ce n’est que récemment qu’elles ont des nouveaux statuts leur permettant de sécuriser leur position à la fois sur le plan social, juridique et économique. Elles sont désormais « chef d’exploitation », « coexploitant », « salariées ». Aujourd’hui, elles représentent 30 % des actifs permanents de l’agriculture et environ 1/4 des chefs d’exploitants. Et, preuve que ces métiers attirent de plus en plus les jeunes femmes : on compte 49 % de filles dans l’enseignement agricole. Les femmes ne sont donc pas près de disparaître des fermes et c’est tant mieux ! ». Blandine Calandre conclut : « Malheureusement, beaucoup de femmes agricultrices ne sont souvent pas visibles, et je pense, qu’elles ne doivent pas se limiter à des a priori ou des habitudes. Si elles trouvent du plaisir pour une tâche particulière, je voudrais qu’elles osent revendiquer le droit de la faire ! L’éducation doit être une pierre angulaire de l’évolution des mœurs pour expliquer aux jeunes femmes, qu’elles peuvent mener à bien des projets, même s’ils sont parfois difficiles ou qu’ils requièrent un grand engagement. Enfin, messieurs, faites confiance à vos filles et à vos épouses si elles ont envie de se lancer ! »