Environnement
Quand la Bourgogne allège ses bouteilles
C’est dans le cadre de la dernière assemblée générale du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne que s’est tenue, à Beaune, une table ronde consacrée à la réduction du poids des bouteilles. Un aspect à prendre en compte dans une logique plus large de réduction de l’empreinte carbone de la filière viticole.
31 % : voilà ce que représente la part prise par les bouteilles dans le bilan carbone global des vins de Bourgogne. Engagée depuis un an dans un vaste plan destiné à atteindre la neutralité carbone en 2050, la filière viticole bourguignonne dispose là d’un levier à activer. Car, avant même la neutralité, la filière veut réduire son empreinte carbone de 60 % en 2035, dans dix ans. Le poids des bouteilles est, dans ce contexte, un élément très important sur lequel il faut agir. Une table ronde, organisée dans le cadre de la dernière assemblée générale du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), à Beaune, donnait un aperçu très concret, à la fois des efforts accomplis par les domaines viticoles et par les verriers, fabricants des bouteilles. Le mouvement est déjà engagé puisque, sur les 6 dernières années, en moyenne, les bouteilles ont perdu 50 g. Mais ce n’est pas encore suffisant.
Travailler l’argument auprès des clients
Pour en débattre, le BIVB avait donc invité trois domaines viticoles et un verrier. Ainsi, au Domaine Joblot de Givry, en Saône-et-Loire, l’effort sur le poids des bouteilles est conséquent : « Nous sommes passés de 560 à 420 g, précisait Hélène Sarkis, la gérante et régisseuse, mais cela ne concerne pour l’instant qu’une seule de nos cuvées ». Face à la perception qui peut en résulter pour la clientèle, la jeune femme soulignait l’importance d’expliquer cette évolution : « Et quand on leur explique, les clients réagissent bien » . La question de l’association, dans l’imaginaire collectif, d’un vin de qualité avec une bouteille lourde fait débat. Matthieu Mangenot, œnologue et directeur technique de la maison Albert Bichot, à Beaune, le reconnaissait : « Nous travaillons avec trois types de bouteilles : une de plus de 800 g pour les vins iconiques, une de 540 g et une de 410 g. Plus de 75 % de notre commercialisation se fait sur cette dernière et nous menons des actions auprès des clients pour les faire passer d’une bouteille à l’autre, par exemple, avec les compagnies aériennes pour lesquelles la question du poids est importante ». Le viticulteur icaunais Bruno Verret, élu à la commission technique du BIVB et en charge du dossier « Carbone », remarquait pour sa part que « si on a une réticence à mettre des grands crus dans des bouteilles allégées, alors que les clients ne perçoivent pas la différence, on se fixe peut-être des contraintes qui ne reposent pas sur des réalités concrètes ». Le changement d’habitude devrait donc plus être le fait des vignerons que de leur clientèle.
La question du verre recyclé
Certains acteurs se sont d’ailleurs engagés de longue date dans ces démarches d’allègement. C’est le cas pour les caves coopératives Vignerons des Terres secrètes, en Saône-et-Loire, et Nuiton-Beaunoy, en Côte-d’Or. « Pour Vignerons des Terres secrètes, l’engagement remonte à 2012, précisait Charles Lamboley, directeur communication et marketing. 80 % des vins commercialisés le sont en bouteilles allégées (395 g). C’est faisable, mais cela nécessite de la pédagogie ». Cette table ronde permettait aussi de battre en brèche un autre préjugé sur les bouteilles allégées : les acteurs présents ne notent pas une fragilité accrue des contenants, notamment sur les chaînes d’embouteillage. Et les verriers dans tout cela, comment abordent-ils la question ? Aurélie Roche est cheffe de marché « Vins tranquilles » chez Verralia, une entreprise qui vise la neutralité carbone en 2050 et qui a lancé sa première gamme de bouteilles allégées en 2009 : « Aujourd’hui, la moitié de notre gamme « Vins tranquilles » est allégée et, dans le Bordelais, nous fournissons déjà des bouteilles à 300 g ». La question du recyclage du verre est centrale mais pose aussi de nombreux problèmes techniques : « En France actuellement la moyenne c’est 57 % de calcin (le verre recyclé). On peut difficilement aller au-delà de 98 % de calcin pour des raisons techniques et de couleur des bouteilles mais Verralia va développer deux bouteilles (une Bordeaux, une Bourgogne) en réponse à un appel d’offres de Citéo (entreprise spécialisée dans la réduction et le recyclage des emballages), pour des bouteilles réemployables certifiées ». Reste qu’au final, la question de l’allègement des bouteilles ne se résume pas à la sphère vignerons-clients : les équipes qui travaillent dans les domaines viticoles y sont aussi sensibles, parce qu’elles manipulent des bouteilles qui, plus légères, peuvent réduire les risques de Troubles musculosquelettiques (TMS). Et aussi, parce que l’affichage d’une telle démarche peut avoir une influence positive sur les capacités de recrutement d’un secteur à la peine dans ce domaine et pour lequel les candidats peuvent être sensibles à l’impact environnemental de l’entreprise. « Chez nous, concluait Hélène Sarkis, ce sont des critères qui sont mis en avant dans les recrutements, il y a un vrai engagement de nos équipes sur ces démarches. La filière doit être exemplaire en Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et alléger, c’est le levier le plus simple à actionner… »