Interview
« Il faut simplifier l'entretien des cours d'eau »
Hervé Lapie, le secrétaire général de la FNSEA, revient sur les raisons qui ont poussé le syndicat à se mobiliser sur la question de l'entretien des cours d'eau et des fossés, alors que notre pays est confronté à une pluviosité exceptionnelle.
Pourquoi avoir lancé un mot d’ordre pour organiser des opérations d’entretien de fossés, cours d’eau et canaux dans les territoires ?
Hervé Lapie : « 2023 et 2024 ont été marquées par de trop nombreux bâtiments agricoles et parcelles en production inondés sur de longues durées. Les crues successives ont causé des dégâts catastrophiques aux populations touchées, aux habitations, aux activités économiques, aux collectivités locales, aux infrastructures, mais aussi à l’environnement. Nous constatons tous qu’avec le changement climatique qui s’accélère, la fréquence et l’intensité des inondations augmentent. Parallèlement, nos fossés, canaux et cours d’eau ne sont plus suffisamment entretenus, notamment par crainte de commettre une infraction à la police de l’eau. Le maquis réglementaire et la longueur des procédures administratives conduisent de nombreux propriétaires riverains des cours d’eau et les élus locaux à l’inaction. Or, comme souligné dans le récent rapport sénatorial sur les inondations, « le bon état d’un cours d’eau est un facteur de réduction de la gravité des crues ». Au niveau de la FNSEA et de JA, par nos opérations d’entretien de fossés, canaux et cours d’eau, nous souhaitions, d’une part, dénoncer la complexité et l’insécurité des cadres législatifs et réglementaires actuels, obtenir des engagements de simplification et favoriser une mobilisation des acteurs publics et privés en faveur d’une relance d’opérations groupées d’entretien des cours d’eau ».
Quelle a été la mobilisation des réseaux FNSEA et JA ?
H.L. : « Malgré les fortes pluies, une bonne quinzaine de départements était en action le 25 septembre. D’autres comme l’Aisne, la Manche ou la Moselle s’étaient déjà mobilisés en août ou début septembre. À chaque fois, l’opération a été l’occasion de réunir, sur le terrain, des parlementaires, le préfet et le Directeur départemental du territoire (DDT) ou leurs représentants, de nombreux maires, l’OFB, la presse, parfois aussi des représentants des DREAL, des Syndicats de rivière, de fédérations de pêche… Les rencontres ont toujours été très riches. Elles ont permis d’aborder de nombreux sujets : la responsabilité de l’entretien, la complexité des réglementations, la longueur des procédures, le besoin d’une gestion concertée des cours d’eau pour éviter d’empirer à l’aval les inondations si seulement un tronçon est entretenu ou encore la problématique du financement. Les administrations présentes et l’OFB ont aussi pris des engagements de meilleure explication des règles, avec l’actualisation des guides d’entretien des cours d’eau, et surtout de simplification des procédures : mise en place d’un guichet unique dans la Manche, raccourcissement des délais dans l’Yonne… »
Quelles perspectives pour FNSEA et JA ?
H.L. : « D’ores et déjà, suite aux crues exceptionnelles dans les Hauts-de-France, nous avons obtenu une déclaration du Président Macron en faveur de la simplification de la réglementation et de la reprise, dans les meilleurs délais, des curages nécessaires pour éviter de revivre les mêmes phénomènes. Des travaux d’urgence ont été menés dans les départements concernés. Un premier décret est paru dès janvier, soumettant à simple déclaration les curages ponctuels réalisés dans le cadre d’opérations groupées d’entretien de cours d’eau. Par ailleurs, trois rapports ont été rendus par les Inspections générales, dont un sur la simplification du cadre législatif et réglementaire applicable à l'entretien des cours d'eau. Et les sénateurs ont adopté, à l’unanimité, 20 recommandations visant à simplifier l’action, renforcer la solidarité et adapter les territoires pour faire face aux inondations. Enfin, le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a annoncé une grande conférence nationale sur l’eau. Les inondations font partie du champ. Il nous faut maintenant des actes : réduire les formalités administratives et les délais de réponses, sans nous faire balader entre la DDT et l’OFB, simplifier les cadres législatifs et réglementaires et mobiliser les collectivités locales pour une relance des opérations groupées sur des bassins-versants. L’entretien des cours d’eau fait partie de la bonne gestion de notre patrimoine. Il est nécessaire et source de développement de la biodiversité. Il permet de lutter contre l’enfrichement, qui referme les milieux ».
Exergue : « Nous souhaitions dénoncer la complexité et l'insécurité des cadres législatifs et réglementaires actuels »