Marchés de la viande
L'Union européenne en décalage avec le marché mondial de la viande bovine
Les échanges commerciaux mondiaux autour de la viande bovine révèlent une répartition déséquilibrée de la production avec une Union européenne qui semble à contretemps du reste du monde.
L’Union européenne (UE) a importé 377 000 tonnes équivalent carcasse (tec) de viande bovine en 2022 (+ 25 % sur un an). Mois après mois, elle renoue avec le rythme des importations qu’elle avait en 2019. La viande bovine, que les Vingt-sept États membres ne produisent plus (cheptel de vaches en repli de 6 % en cinq ans), ils l’importent du Royaume-Uni, du Brésil, d’Argentine et du Paraguay. Toutefois, une partie de la marchandise britannique est seulement dédouanée en France pour être réexportée vers d’autres pays de l’Union. Dans le même temps, les exportations européennes vers les pays tiers ont encore décliné sous le seuil de 600 000 tec. Seules les ventes à destination du Royaume-Uni croissent (350 000 tec environ) mais elles n’atteignent pas pour autant leur niveau d’avant le Brexit. En fait, l’UE évolue à contre-courant du reste du monde. Ses abattages de viande (environ 6,7 millions de tec) ont diminué l’an passé (-2,45 %) pour la quatrième année consécutive et s’apprêtent à baisser de nouveau cette année de 1,6 %. Or, à l’échelle mondiale, la production de viande (70 Mtec) augmente d’1 % par an et les effectifs de bovins et de buffles sont en voie d’atteindre 1,8 milliard de têtes.
Demande mondiale en hausse
La demande mondiale de viande bovine est appelée à augmenter pendant de nombreuses années, au rythme de la croissance économique des pays émergents. Dans le Maghreb, la consommation de viande est inférieure à 7 kg/ha/an ! En attendant, les prix de la viande exportée ont fortement progressé l’an passé (de 1 à 2 €/kg de produit) jusqu’à atteindre plus de 11 €/kg de carcasse en Australie et un peu moins de 10 € aux États-Unis. En fait, la répartition déséquilibrée de la production et des échanges mondiaux de viande traduit cette tension commerciale. Les trois quarts de la production mondiale de viande bovine (50 Mtec) sont assurés par dix pays mais cela n’en fait pas pour autant des pays exportateurs majeurs alors que 18 % de la marchandise produite dans le monde est exportée. Par ailleurs, les onze principaux pays importateurs ont accru leurs achats de 675 000 tec en trois ans alors que les onze pays exportateurs majeurs n’ont pas été en mesure de livrer plus de 543 000 tec. Autrement dit, ces pays importateurs ratissent très large pour pourvoir à leurs besoins. L’exemple de la Chine est un cas d’école. Troisième producteur au monde de viande bovine, le pays est absent à l’export mais il est le premier pays importateur (45 % des parts de marché) suivi par les États-Unis. En huit ans, les importations chinoises de viande en provenance du Mercosur (2,535 Mtec en 2022) ont plus que triplé et ont largement compensé la baisse de moitié des expéditions de viande (551 000 tec en 2022) en provenance d’Inde.
L’UE hors course ?
À la fois 7e exportatrice et importatrice mondiale de viande bovine, l’UE est quasiment hors course. Elle ne parvient pas à préserver sa place dans un marché en pleine expansion. Par ailleurs, sa consommation de viande bovine décroît toujours mais moins vite que la production. Aussi, les importations européennes en provenance de pays tiers vont encore progresser de 5 % cette année. Au sein même de l’Union, ce déficit en viande accroît l’intensité des échanges commerciaux intra-européens. Équivalents à 2,457 Mtec (37 % des volumes abattus ; +2 points en trois ans), les flux de morceaux de viandes fraîches et congelées désossées s’intensifient (respectivement +3 % et +9 % par rapport à 2019) aux dépens des carcasses et des morceaux avec os frais (jusqu’à -5 % par rapport à 2019). Depuis 2010, près de 200 000 tec de viande fraîche désossée en plus sont commercialisées (824 000 tec) aux dépens des morceaux de viandes fraîches avec os (747 000 tec en 2022).
L'Amérique du Nord, marché majeur
Les échanges mondiaux de bovins vivants sont essentiellement des échanges commerciaux « de voisinage ». La majorité des quatre millions d’animaux est commercialisée entre le Canada, les États-Unis et le Mexique d’une part, et entre pays méditerranéens d’autre part. Seule une minorité des bovins vendus est expédiée vers le Moyen Orient depuis l’Amérique du Sud (la Colombie approvisionne l’Égypte) et l’Australie. Par ailleurs, les termes de l’échange entre le Mexique et les États-Unis ont aussi fortement évolué. Le Mexique est devenu un exportateur majeur de bovins finis (332 000téc +50 % en quatre ans) élevés à partir de broutards nés sur place. Ces derniers ne sont plus systématiquement expédiés. L’Union européenne approvisionne essentiellement le bassin méditerranéen (en Israël, 90 % des 280 000 bovins maigres proviennent d’UE). Mais ces ventes fluctuent en fonction de la conjoncture économique des pays acheteurs. En crise, la Turquie a quasiment renoncé à importer des animaux.