Colloque OCP
Le désherbage : des pratiques à redécouvrir

Berty Robert
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Le colloque Objectif cultures propres organisé le 11 mai en Côte-d’Or ambitionnait d’explorer de nouvelles voies de désherbage, prenant en compte les contraintes croissantes liées au respect de l’environnement. La manifestation offrait un large panorama des pistes envisageables mais aucune n’est suffisante en elle-même. La clef est dans la combinaison de plusieurs leviers.

Le désherbage : des pratiques à redécouvrir
Le forum au champ permettait le partage d'expériences avec des agriculteurs qui mettent déjà en œuvre certaines des solutions présentées au colloque.

Il aura fallu jongler entre les averses mais le colloque Objectif cultures propres (OCP) aura tenu ses promesses. Organisé le 11 mai à Corcelles-lès-Cîteaux, par Arvalis, la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or, Terres Inovia, Alliance BFC, la Chambre d’agriculture de Bourgogne Franche-Comté, avec le soutien de nombreux partenaires, de la Région BFC et de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, il abordait un enjeu complexe : participer à l’émergence de voies alternatives de désherbage des cultures, en tenant compte de la restriction croissante des possibilités de recours aux herbicides chimiques. C’est possible comme l’a démontré cette manifestation qui a rassemblé plus de 300 participants.

Prolongement d’un groupe de travail

Sur une parcelle du Gaec de la Sans-Fonds, des bandes de démonstration présentaient les résultats de plusieurs expérimentations. Des engins agricoles étaient aussi présents pour des démonstrations de désherbage mécanique. Le colloque prolongeait le travail déjà réalisé par le groupe de travail OCP (1) constitué en 2017 et qui a produit de nombreux documents sur ces problématiques. La notion de « cultures propres » s’entend deux manières : éviter le salissement des parcelles par des adventices afin de répondre aux cahiers des charges exigeants des filières, et assurer cette lutte contre le salissement par des moyens qui, eux-mêmes, permettent de réduire les Indicateurs de fréquence des traitements phytos (IFT). Ce colloque, par la diversité des solutions qu’il présentait, traduisait un message essentiel : la réponse unique n’existe pas, les solutions ne résidant que dans des combinaisons de leviers. D’où l’intérêt du panel présenté le 11 mai. Chacun pouvait y puiser des sources d’inspiration. Jérôme Fabre, directeur régional Grand Est chez Arvalis l’affirmait : « certains agriculteurs se sentent désarmés face aux contraintes de désherbage. Le choix des solutions possibles se réduit. Il faut donc activer d’autres leviers agronomiques, communiquer et former en ouvrant le champ des possibles et il faut s’approprier ces nouvelles contraintes ». Le colloque proposait un parcours pédagogique illustrant plusieurs types de rotations afin d’en démontrer les effets sur le salissement. L’allongement des rotations peut être un levier intéressant à condition d’être dans des conditions de terres relativement profondes.

Une approche d’abord agronomique

Autres leviers envisageables : le recours au labour (voir encadré), et le décalage des dates de semis. « Le ray-grass ou le vulpin, expliquait Mickaël Mimeau, d’Alliance BFC, sont des graminées qui ont des dates de levée préférentielles, jusqu’à début octobre, et nous avons remarqué qu’en semant un peu plus tard, on peut détruire les premières levées de ces adventices. La dynamique de levée des mauvaises herbes est nettement ralentie. Il est alors plus facile d’avoir une bonne efficacité avec les produits herbicides. L’approche aujourd’hui, c’est d’abord de mettre en œuvre les leviers agronomiques et, dans un second temps, de recourir aux produits phytos, si nécessaire ». Les visiteurs pouvaient découvrir différentes innovations avec des solutions déjà opérationnelles : désherbage ciblé, robots, broyeurs inter-rang… Un forum au champ permettait au public présent de bénéficier de retours d’expériences de plusieurs agriculteurs qui ont mis en œuvre certaines des solutions présentées et qui pouvaient, en toute objectivité, dire ce qu’ils en pensaient. Dans le domaine des solutions technologiques très sophistiquées on pouvait notamment découvrir un boîtier électronique équipé d’un système de capteurs, capable de localiser et reconnaître les adventices. Le boîtier produit une carte de la parcelle qui va ensuite servir à piloter de manière intelligente le pulvérisateur, afin qu’il n’envoie le produit que sur des zones bien précises. Une solution qui, sur les tests auxquels elle a été soumise, montre une réduction de l’ordre de 75 à 95 % des quantités de produits phytos, en fonction du taux de salissement présent sur la parcelle. Pour l’instant, cette solution n’est proposée que sur de gros automoteurs, elle est donc encore relativement onéreuse mais, à terme, en fonction des surfaces concernées, l’économie générée sur l’utilisation des produits phytos pourrait la rendre économiquement intéressante. Les progrès des pulvérisateurs en termes de précision associés à la puissance de l’intelligence artificielle qui reconnaît les herbes à éliminer font que ces technologies évoluent très vite.

(1) Le groupe de travail OCP est constitué d’Arvalis BFC, Terres Inovia Nord et Est, Alliance BFC, Chambre d’agriculture de Côte-d’Or, Chambre d’agriculture BFC, Soufflet Agriculture, Axéréal, Bourgogne du Sud, Seineyonne, SAS Bresson, Terre Comtoise, Interval, SAS Ruze, les Chambres d’agriculture de la Nièvre, de Saône-et-Loire, de l’Yonne, du Doubs, du Jura, de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort, d’Agronov et d’Inrae.

Le labour : un levier à utiliser à bon escient

Le labour permet d’enfouir des graines à une profondeur où elles ne seront plus capables de germer. Au-delà de 5 centimètres de profondeur d’enfouissement, il va être compliqué pour un certain nombre d’adventices de germer. Une exception toutefois : la folle-avoine qui est capable de germer à plus de 20 cm de profondeur. Le labour peut néanmoins avoir un effet bénéfique face à un grand nombre de mauvaises herbes. Un second facteur doit être pris en compte : le Taux annuel de décroissance (TAD) ou pourcentage de graines qui vont perdre leur aptitude à germer au bout d’un an. Par exemple, la folle-avoine ou le brome stérile affichent un TAD de 100 % en un an, ce qui signifie que la quasi-totalité du stock de graine a théoriquement disparu au bout de 12 mois. Pour les graminées de type vulpin ou ray-grass, ce niveau de « neutralisation » prendra plus de temps : entre 3 et 5 ans. « C’est la raison pour laquelle, explique Diane Chavassieux, ingénieure chez Arvalis, nous conseillons de ne pas pratiquer de labour tous les ans, sinon, on prend le risque de remonter à la surface des graines encore en capacité de germer. L’idéal, c’est un labour tous les 3 à 4 ans ». Idéalement le labour peut intervenir après un échec de désherbage : toutes les semences produites vont être enfouies dans le sol. Il peut être bon de pratiquer un labour précoce afin de mettre en œuvre ensuite un faux semis permettant de réduire le stock de mauvaises herbes en faisant germer les adventices et les graminées. Cette solution doit intervenir dans une conduite culturale raisonnée car elle n’est pas forcément la solution pertinente dans toutes les configurations.