Projet 360° Tonnerrois
S’adapter tout en maîtrisant les charges de mécanisation et de main d’oeuvre

Chambre d'agriculture de l'Yonne
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Les exploitations du Tonnerrois appartiennent à la zone dite « intermédiaire » caractérisée par des sols à faible réserve en eau sans possibilité d’irrigation et à faible potentiel de rendement en blé (inférieur à 60 q/ha en moyenne). Affectées par la réforme de la PAC de 2013, elles sont particulièrement fragiles face aux aléas climatiques récurrents et aux limites de techniques d’utilisation des produits phytosanitaires. Elles cherchent des solutions d’adaptation, encouragées par les politiques de développement de systèmes économes en intrants.

Cuma
Chantier de semis avec le semoir Horsch Avatar 12 m de la Cuma du Val Renard (crédit photo Cuma du Val Renard).

Entre 2007 et 2019, la surface des exploitations du Tonnerrois a augmenté et l’assolement s’est diversifié. Les cultures de printemps se sont développées, tout comme les légumineuses seules ou en association avec des céréales. L’implantation de couverts végétaux parfois associée à une évolution vers des techniques agricoles de conservation des sols progresse. L’extension de l’agriculture biologique s’est accélérée.
Dans le même temps, les charges de mécanisation se sont alourdies de plus de 30 %. Tous les postes sont en progression. Le poste carburant a augmenté de 21 % et les postes traction, travail du sol, semis - fertilisation - traitement ont bondi respectivement de 60 %, 48 % et 80 %. Le ratio « charges de mécanisation/produit brut + aides », pertinent pour juger de l’efficience de la mécanisation s’est dégradé (voir observatoire des charges de mécanisation en Bourgogne Franche-Comté/mise à jour 2020-2021).
Si on ajoute à la mécanisation la main-d’œuvre, le total représente près de 50 % des charges de ces exploitations.

Des explications connues

L’augmentation des prix du matériel (+ 20 % selon l’indice IPAMPA entre 2007 et 2019) liée à des technologies nouvelles imposées par la réglementation (normes antipollution par exemple) ou issues du progrès technique (autoguidage par GPS, pesée en continu sur les distributeurs d’engrais, coupure de tronçons sur les pulvérisateurs…) explique cette réalité. L’acquisition de machines pour la mise en place de nouvelles pratiques y concourt également (semoirs spécialisés pour semis direct à plusieurs trémies et plusieurs distributions, outils de désherbage mécanique…) tout comme les rotations plus diversifiées et plus complexes rendant plus difficile l’optimisation des matériels (semis, récolte…). Enfin la phase transitoire d’acquisition de nouvelles techniques est souvent génératrice de surcoûts car par prudence, les agriculteurs conservent les matériels leur permettant de revenir aux techniques connues.
Enfin, le contexte actuel risque de renforcer cette situation. Les augmentations récentes et fortes du prix du carburant et du matériel en général en seront des facteurs amplificateurs.
Devant ce constat, il n’y a pas d’autre solution que d’exploiter les moindres marges de manœuvre et en particulier d’utiliser tous les leviers susceptibles d’améliorer l’efficacité des investissements en matériel. Des pistes de travail existent autour des quatre axes que sont les matériels et équipements, l’organisation du travail, les nouvelles technologies et les pratiques agricoles.
C’est au cours d’une journée dédiée à la mécanisation et à la main-d’œuvre le 17 janvier à Rugny dans le cadre du projet 360 Tonnerrois qu’un groupe d’agriculteurs a apporté par son témoignage son expérience. Conscients de la vulnérabilité de leurs systèmes et refusant cette fatalité, ils ont choisi d’entrer dans une nouvelle dynamique.
Après avoir défini leurs exigences en matière de qualité de travail au semis, de rapidité d’exécution des chantiers pour profiter des meilleurs créneaux, ils ont opté pour l’achat d’un semoir de semis direct Horsch Avatar. La réalisation d’essais terrain a renforcé leurs idées mais a aussi permis de lever certains doutes. Le débit de chantier constaté en 6 m s’est avéré insuffisant. C’est la solution 12 m qui a été retenue.

S’appuyer sur l’expérience, l’échange et les conseils stratégiques

Forts d’expériences individuelles et d’échanges au sein du groupe, ils ont opté pour une démarche d’investissement collective. L’accès aux subventions via le PCAE (plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles) a également constitué un moteur de leur réflexion. « La Cuma possède le statut juridique adapté », a rappelé Sébastien Neveux. C’est ainsi qu’est née la Cuma du Val Renard. Accompagnés par la fédération des Cuma de Bourgogne Franche-Comté, six mois à peine ont suffi pour rendre concret ce chemin.
Le développement de cette nouvelle stratégie ne s’est pas fait au hasard. Il s’est appuyé sur des conseils stratégiques notamment en matière économique par la réalisation d’études des charges de mécanisation. Les stratégies individuelles ont pu être évaluées ainsi que l’impact de la nouvelle. « C’est important d’avoir des réponses aux risques économiques », a lancé Nicolas Poinsot. Accompagnée par la Chambre d’agriculture sur ces aspects, la question du chantier a également été étudiée. Traction et main-d’œuvre sont venues rappeler l’incidence de l’organisation du travail sur le résultat.
De la voix des agriculteurs, cette première année d’expérience est réussie. La surface semée est supérieure de 30 % à l’objectif initialement fixé. Au-delà, « elle montre le champ du possible et fait bouger les lignes », avance Sébastien Neveux. Les échanges techniques, le partage d’expériences, l’emploi d’un Tesa pour les semis d’automne… sont autant d’étapes formatrices. « Cela donne envie d’aller plus loin », poursuit Sébastien Neveux. Cette dynamique a permis de mettre au jour d’autres projets tels qu’un déchaumeur grande largeur, une herse à paille, un rouleau. C’est avant tout une histoire humaine et d’engagement à faire vivre cette possible voie d’adaptation d’investissement et d’utilisation du matériel en collectif.

Chambre
Témoignage de Sébastien Neveux et Nicolas Poinsot (pour le groupe d’agriculteurs adhérents à la Cuma du Val Renard) lors de la réunion thématique du 17 janvier 2022 organisée dans le cadre du projet 360° Tonnerrois (crédit photo Chambre d’Agriculture de l’Yonne).