Maraîchage
Comprendre les enjeux de chacun

Chloé Monget
-

Le 7 mars, Bio Bourgogne et la Chambre d'agriculture de la Nièvre organisaient une rencontre entre les maraîchers nivernais et Intermarché sur l'exploitation de Catherine et Pascal Bizouarne (Ferme des Aillots à Varennes-les-Narcy). 

Comprendre les enjeux de chacun
La ferme des Aillots (Catherine et Pascal Bizouarne) accueillait la rencontre.

Dans le cadre d’un projet financé par le plan France Relance, déjà plusieurs réunions ont eu lieu pour cadrer les éventuelles transactions entre les maraîchers locaux et les Intermarché nivernais. Mais, cette fois, c’est sur le terrain que les échanges se sont déroulés. Pour l’occasion, c’est la ferme des Aillots (Varennes-les-Narcy) qui ouvrait ses portes aux maraîchers, directeurs de magasins et chefs de rayons fruits et légumes de la marque des Mousquetaires. Benoît Mathé, exploitant et vice-président et référent productions végétales à la Chambre d’agriculture de la Nièvre, souligne : « Les Intermarché désirent se positionner sur le local, et cela ne peut pas se faire sans parler avec les exploitants nivernais ».

Un besoin

« Nous voudrions proposer des produits qui ont du goût dans nos magasins. Pour ce faire, travailler avec les producteurs locaux était une évidence » pointe Nathalie Dufour, directrice de l’Intermarché de Guérigny. Thierry Thomas, directeur de l’Intermarché de Donzy ajoute : « Nous regardons autour de nous pour trouver des solutions d’approvisionnement qui aient du sens. Et, dans le contexte actuel, il nous paraissait important que cela passe par la proximité en contactant les producteurs locaux ».

De bonnes conditions

Si la demande des directeurs a été entendue par les maraîchers, ces derniers désirent un cadre pour être assurés que les magasins ne se retirent pas en cours de route : « Nous prévoyons nos cultures, ce qui nécessite d’avoir une confirmation bien en amont de la récolte afin de ne pas produire à perte » explique Aurélie Jacquot, maraîchère (Gaec des fourmis à Rouy). Catherine Bizouarne, accueillant la rencontre, se rappelle sans rancune : « il y a quelques années, une trentaine d’agriculteurs avaient créé un GIE du légume afin d’approvisionner les GMS, cela a duré environ 10 ans. Puis, face aux exigences des GMS et à leur volatilité, les agriculteurs se sont retirés au fur et à mesure… si nous nous engageons aujourd’hui, c’est pour du long terme avec des prix justes pour notre production ». Thierry Thomas évoque que : « nous voulons que ce partenariat fonctionne, de ce fait, je pense qu’il est opportun de commencer petit et d’élargir ensuite à d’autres producteurs si notre système fonctionne ».

Le cadre

Afin que la démarche soit bornée, une charte de bonnes intentions a commencé à être établie par Bio Bourgogne et la Chambre d’agriculture de la Nièvre. Résumée des devoirs de chacun, elle demande par exemple à ce que les producteurs s’engagent à alerter les GMS en cas d’aléas dans la production, ou encore à ce que les GMS se concertent pour cibler un jour de livraison unique pour optimiser les transports pour les exploitants. Amenée à évoluer, cette charte a été le sujet de discussions entre les parties présentes notamment sur quels légumes fournir (calibres, variétés, etc.), ou encore l’emplacement dédié dans le magasin pour une bonne visibilité.

Une éducation à refaire

Enfin, les prix de vente ont été abordés : « Nous ne pourrons jamais être moins chers que les légumes premiers prix proposés par les plateformes. Il faut donc expliquer aux clients pourquoi » détaille Catherine Bizouarne. Dans cette optique, la charte évoquée plus haut met en avant l’importance d’inclure les chefs de rayon dans la démarche pour leur exposer le fonctionnement des exploitations et leurs contraintes budgétaires afin de les réexpliquer aux clients. Dans le même ordre d’idée, Marie-Claude Masson, maraîchère à Clamecy (Moulin de la Forêt) et membre du bureau de la Chambre d’agriculture, a évoqué la forme des légumes : « Sur le marché, les clients comprennent que les légumes moches, les tordus ou les gros sont tous au même prix car ils sont tous bons. Je pense qu’il faut rééduquer la clientèle des GMS dans ce sens afin qu’elle entende que la qualité est la même pour n’importe quel légume provenant d’une exploitation de proximité ».

Venir expliquer son métier

Afin de réaliser cela, Thierry Thomas a suggéré que les exploitants viennent partager leurs connaissances : « les maraîchers sont le plus à même à renseigner les clients sur leurs produits et sur leur façon de travailler, qui justifient leurs prix. De ce fait, il pourrait être judicieux d’organiser des jours de présence dans les magasins vendant leurs fruits ou légumes ». Pour clôturer la rencontre, Thierry Thomas a invité les exploitants à venir visiter un des magasins pour « apprendre à se connaître un peu plus, comme nous l’avons fait aujourd’hui ». Pour le moment, aucune date n’a été arrêtée.

 

De cause à effet
Sur son exploitation, Catherine Bizouarne s’est tournée vers des productions pérennes maraichères (asperges et fraises) et fruitières (pommier, poirier, cerisier, cognassiers,etc.).

De cause à effet

Durant les échanges, un autre point a été évoqué : l’emploi. Thierry Thomas insiste : « Si Intermarché s’engage à acheter une certaine quantité à certains producteurs, cela permettra d’embaucher plus de personnel dans les environs et donc de redynamiser un peu la Nièvre. Nous faisons partie d’un tout, et nous voulons tous avancer dans le même sens ». Malgré cette volonté d’embaucher « local », les deux parties s’accordent sur le fait que cela est compliqué, que ce soit par manque d’envie des postulants face à la main-d’œuvre détachée : « ils ont une endurance et une rapidité face au travail manuel qui sont impressionnantes. On ne peut pas trop expliquer pourquoi on ne trouve pas la même chose en France, lorsqu’on arrive à trouver un employé - ce qui n’est jamais aisé. Cela étant, il faut tout de même préciser que les petites exploitations nivernaises préfèrent embaucher localement » souligne Catherine Bizouarne. Jean-Marie Lambert, maraîcher (Potager d’ici à Nevers) rebondit : « que ce soit pour les saisonniers ou les employés en CDI, cela devient un casse-tête de trouver les bonnes personnes. Nous sommes tous en demande de main-d’œuvre et, pour le moment, nous n’avons pas de solution à part les travailleurs détachés ».