Orges de printemps
Cahier Arvalis Orges de printemps

Luc Pelcé, ingénieur régional BFC-Arvalis Institut du végétal
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La part des orges de printemps dans la sole progresse ces dernières années afin de compenser l’effritement progressif des orges d’hiver brassicoles soumises à des contraintes agronomiques et économiques. L’orge de printemps reste une belle opportunité, d’autant plus dans le contexte actuel de cours élevés. Mais c’est une espèce qui demande toutes les attentions car rendement et qualité doivent de construire sur un pas de temps court, entre début mars et mi-juillet.

En France, en moyenne sur les 5 dernières années, les surfaces consacrées aux orges de printemps, semées en sortie d’hiver, s’établissent à 580 000 ha. De manière spécifique à cette espèce, les surfaces sont variables d’une année à l’autre en fonction de la quantité de céréales d’hiver implantées à l’automne précédent. Le débouché prioritaire est la malterie – brasserie qui en absorbe 2 à 3 millions de tonnes par an selon les conditions de l’année. La Bourgogne-Franche-Comté (BFC) consacre en moyenne 55 000 ha aux orges de printemps, essentiellement concentrés sur l’Yonne (27 000 ha) et la Côte-d’Or (23 000 ha) (Graphique 1).

Tout se construit à partir d’une implantation réussie

La culture des orges de printemps a pour vocation quasi exclusive la production de malt. Il est donc fortement recommandé de cultiver les variétés pour lesquelles les organismes de collecte locaux ont un marché. Ces variétés sont sélectionnées dans la liste éditée chaque année par les Malteurs et Brasseurs de France. La variété majoritairement cultivée en France et en Bourgogne-Franche-Comté est RGT Planet. Bien qu’inscrite en 2014, elle a déjà été égalée mais rarement dépassée par d’autres variétés. Parmi ces dernières, on peut citer KWS Fantex, Fandaga, Lauréate, Focus et Explorer. Précoce, elle est moyennement sensible à la verse. Elle est tolérante à l’oïdium et assez tolérante à la rhynchosporiose. En revanche, elle est assez sensible à la rouille naine, et sensible à l’helminthosporiose. La date de semis est conditionnée par la date de ressuyage des sols et la possibilité d’exécuter une préparation superficielle en un minimum de passages. Suite à un hiver humide, il est souvent bénéfique d’attendre un ressuyage correct du sol plutôt que de vouloir semer à tout prix. Le créneau de semis idéal pour l’orge de printemps se situe dans une fourchette d’environ un mois, entre le 20 février et le 20 mars. Les semis avant le début de cette période sont souvent exposés à un coup de froid hivernal, alors que les graines sont en train de germer ou que la plante est encore peu vigoureuse. Le bilan d’une telle pratique est trop aléatoire pour être conseillé. Inversement, les semis après la fin de cette période (parfois nécessaires après un hiver humide), risquent de pénaliser la capacité de tallage de l’orge. Il faut donc penser, dans ce cas, à augmenter les densités de semis pour pallier cet inconvénient. (photo 2) De plus, un semis trop tardif peut décaler le cycle dans une séquence de jours échaudants pendant le remplissage des grains. Les hauts rendements sur les orges à deux rangs, comme le sont les orges de printemps, sont souvent atteints avec des peuplements épis élevés. La densité de semis aura pour objectif d’installer un peuplement suffisant, mais sans être excessif, pour éviter la verse assez fréquente sur cette espèce et par conséquent la baisse du calibrage. En BFC les recommandations s’établissent sur des fourchettes de 300 à 350 gr/m² sur les sols de limons et de 350 à 450 gr/m² sur des argilo-calcaires plus ou moins caillouteux. (Photo 3)

Piloter la fertilisation azotée pour ne pas « louper » les situations favorables

Le calcul de la dose totale d’azote prévisionnelle se réalise selon la réglementation du dernier programme d’action de la directive nitrates mis en place dans chaque région. En BFC, le calcul s’appuie sur le bilan de masse en soustrayant un ensemble de fournitures du sol au besoin calculé avec un besoin unitaire par quintal de 2,5 kg d’azote. Le contexte économique actuel caractérisé par un engrais cher mais aussi des prix de vente des grains tendanciellement plutôt favorables ne devrait pas entraîner de modifications significatives de la dose totale calculée. Le débouché des orges de printemps est majoritairement brassicole, ce qui implique de faire attention à la qualité technologique et notamment la teneur en protéines à travers la maîtrise de la dose totale et, dans une moindre mesure, le fractionnement. La gestion du fractionnement doit trouver un compromis entre efficacité acceptable (apports pas trop précoces) et une teneur en protéines compatible avec les exigences brassicoles. Le fractionnement est conseillé pour :

-les semis précoces, les sols superficiels ou avec un reliquat d’azote sorti hiver faible (en particulier dans l’horizon 0-60 cm) et lorsque la dose totale est supérieure à 120 Kg N/ha.

-semis puis végétation (3F à mi-tallage) est la stratégie la plus robuste car elle permet de répartir les risques selon que l’année est sèche ou humide. En cas d’apport au semis de solution azotée ou d’urée, il est préférable d’enfouir l’engrais pour limiter les pertes d’azote par volatilisation.

Pour détecter d’éventuelles situations de carences azotées, il est possible de réaliser un diagnostic plante avec la méthode N-Tester® Extra au stade 1 nœud. Aller sur le site de Yara, partenaire d’Arvalis pour la méthode. Pour en savoir plus : https ://www.at.farm/fr/n-tester/. Surveiller en particulier les variétés les plus productives pour éviter d’avoir une teneur en protéines trop basse (phénomène de dilution). Attention, il faudra prévoir une bande sur-fertilisée en cours de tallage qui servira de référence pour le calcul. Si les plantes sont sous-alimentées à 1 nœud, un apport de 30 kg N/ha est conseillé à positionner dès que possible (8-10 jours) si des prévisions de pluies sont annoncées. (figure 4)

Pour désherber les solutions ne sont pas nombreuses

Les orges de printemps sont beaucoup moins infestées en mauvaises herbes que ne le sont les céréales d’hiver. Ce type de culture de printemps est considérée comme un atout pour réduire le salissement des parcelles dans la rotation. Néanmoins, cet avantage semble se réduire au fur et à mesure que les années passent. En particulier, il convient d’être particulièrement vigilant vis-à-vis du ray-grass. Les solutions dans cette culture sont peu nombreuses. Il faudra profiter de l’interculture longue pour détruire un maximum de ray-grass (avant et après la culture intermédiaire). En cas de ray-grass résistants au groupe HRAC A, l’Avadex seul ne pourra gérer une infestation significative, mais sera indispensable. Le vulpin est plus rare car ses levées se font plutôt à l’automne mais il peut néanmoins envahir aussi cette culture, en lien avec des hivers de moins en moins rigoureux. Dans notre région, de plus en plus de cas sont signalés (Photo 5). La folle avoine est toujours assez répandue mais reste assez facile à gérer avec un produit foliaire (Axial Pratic…). Côté dicotylédones, la flore est souvent mixte entre les adventices traditionnelles et des plantes à germination printanière (renouées). L’orge de printemps est également l’occasion de mettre en œuvre du désherbage mécanique (herse étrille, houe rotative, roto-étrille) avec des niveaux d’efficacité beaucoup plus satisfaisants que sur les céréales d’hiver. Ces outils qui travaillent en plein (à choisir surtout en fonction de son type de sol) doivent être passés soit en prélevée à l’aveugle soit sur une culture très bien implantée. Idéalement, pensez à augmenter la densité de semis de 10-15 % pour compenser les pertes de pied possibles lors des passages. Le stade filament est le stade idéal à rechercher pour les adventices. Au-delà d’une feuille, les efficacités seront fortement réduites. À noter que ces outils sont plus efficaces sur adventices dicotylédones.

Les dégâts dus aux maladies sur les orges de printemps sont en général atténués par la rapidité de croissance et de maturation de cette espèce. Ils sont généralement compris dans une fourchette de 5 à 8 q/ha selon les variétés pour les semis de printemps. Mais, il reste toujours vrai que la lutte contre les maladies contribue à un meilleur remplissage des grains, donc permet d’obtenir de meilleurs calibrages, critère majeur pour les orges brassicoles. Les résultats expérimentaux enregistrés au cours des années passées ont montré l’intérêt d’adapter la protection fongicide à la sensibilité des variétés. Dans la grande majorité des situations, un traitement unique au stade dernière feuille étalée peut être considéré comme la règle. Plus spécifiquement vis-à-vis de la rhynchosporiose sur les variétés sensibles telles que Explorer, Yoda et LG Tosca, il faudra envisager un premier traitement en végétation si la maladie est présente tôt. Le cas a peu de risques de se présenter en BFC. À titre indicatif, avec un prix de vente de l’orge autour de 210 €/t et une nuisibilité attendue d’environ 8 q/ha, la dépense fongicides optimale s’établie à 45 €/ha. Dans les situations, ultra-majoritaires, à un traitement unique au stade dernière feuille étalée, on peut citer, sans être exhaustif, un certain nombre de solutions techniquement équivalentes : CURBATUR 0.5 + COMET 200 0.5, MADISON 0.9, FANDANGO 1.5, KARDIX 1.0, ELATUS ERA 0.8, LIBRAX 1.1, REVISTAR XL 0.8, ZOOM 0.8.
Bien souvent, les orges de printemps reçoivent facilement un régulateur de croissance. Cette pratique sécuritaire est peu adaptée à une espèce qui montre souvent des signes de phytotoxicité suite à un traitement. L’évaluation du risque peut se faire dès le semis selon les classes de sensibilité variétale. Un ajustement est possible à partir du stade épi 1 cm en fonction de l’état de végétation. C’est en particulier vrai pour les variétés moyennement sensibles à la verse, telles que RGT Planet, Fandaga, Focus ou Lauréate. Si le tallage a été contraint par les conditions climatiques, le risque devient alors faible comme généralement observé par exemple sur la variété KWS Fantex ainsi que la nouveauté LG Flamenco. À l’inverse, si le tallage est pléthorique et la montaison des tiges sans contrainte, alors le risque de verse devient élevé pour la majorité des variétés cultivées. Sans être exhaustif, des produits tels que TERPAL 0.8, BOGOTA PLUS 0.8 au stade 1 nœud ou BAIA E 0.5 au stade 2 nœuds feront l’affaire. (photo 6).