Conjoncture
Bovins viande : des niveaux de prix inédits, mais gare aux coûts

Alexandre Coronel, Berty Robert
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Cerfrance BFC a présenté les résultats de son étude annuelle Fermoscopie portant sur l’élevage allaitant, l’élevage laitier et les grandes cultures en Bourgogne-Franche-Comté. Voici les résultats économiques pour l’élevage de bovins à viande.

Bovins viande : des niveaux de prix inédits, mais gare  aux coûts
Dans son estimation moyenne, Cerfrance BFC considère que le prix de revient des productions en bovins viande en 2023 pourrait augmenter de 30 %. Même si les prix de vente sont à la hausse, dans ce contexte, les éleveurs vont devoir piloter de manière très fine la maîtrise de leurs coûts.

Pour la cinquième édition de Fermoscopie, Cerfrance BFC a présenté, le 8 novembre, au lycée Granvelle de Dannemarie-sur-Crète, près de Besançon, les résultats économiques de 2022 au monde agricole. S’appuyant sur les données comptables d’un large échantillon d’exploitations agricoles, en production laitière, viande et céréales, les services de statistiques se sont livrés à un exercice de projection plus compliqué que d’habitude… comme l’a expliqué Mathilde Schryve, responsable études et prospectives de l’organisme : « Présenter les chiffres 2022, c’est une gageure, compte tenu du rythme inédit de changement des cours aussi bien des matières premières utilisées en agriculture que des prix de ventes des produits ». Un rythme qui peut désorienter les agriculteurs. « On constate de l’inquiétude, de la confusion sur le terrain, avec l’impression d’être entrés dans un monde chaotique. Les repères techniques, économiques et sociaux bougent très vite, on ne peut plus se reposer sur ses habitudes, sur l’expérience acquise. L’exemple du pâturage est parlant : pendant des décennies c’était d’avril à octobre, cette année c’était de mars à juillet et de septembre à novembre ! »

« Il faut des transformations en profondeur »

Comme l’a relevé Vincent Landrot, le président de Cerfrance BFC, « face aux défis immenses posés par le bouleversement du climat, les ravageurs et maladies plus nombreux, le manque criant de main-d’œuvre… une optimisation technique superficielle ne suffit plus. Il faut des transformations en profondeur. Transformer le système, et non l’optimiser ! Travailler avec le vivant, c’est aussi une responsabilité, car nos actions ont des impacts qui dépassent notre entreprise ». Dans ce contexte de volatilité des prix, la comptabilité gestion peut fournir de nouveaux repères, utiles pour vérifier la bonne adéquation des choix techniques avec la stratégie de fond. « Le prix de revient est un repère économique pertinent. La stratégie permet de tenir le cap dans la tourmente : en sachant pour quel marché, à quelle qualité, et à quel prix de vente je produis, je peux analyser la productivité de mon système en fonction du prix de revient », assure Mathilde Schryve. En comparant les systèmes les plus efficaces économiquement (c’est-à-dire ceux qui dégagent le plus gros résultat courant par unité de main-d’œuvre), tant dans des stratégies de compétitivité que dans des stratégies de débouché valorisant, des points clés ressortent. « La stratégie n’explique pas les écarts de revenus : le secret, c’est d’abaisser le prix de revient, en travaillant sur ses charges, en augmentant l’autonomie ».

Conséquences d’une décapitalisation mondiale

Dans ce contexte, que nous dit ce Fermoscopie 2022 de l’élevage bovin allaitant ? (nous reviendrons sur l’élevage bovin laitier et les grandes cultures dans nos prochaines éditions). Pour Bruno Laurent, de Cerfrance BFC, il se passe, au niveau des prix du secteur « des choses jamais vues depuis 20 ans ». Les prix des animaux sont une conséquence directe d’une décapitalisation massive observée au niveau mondial. Avec un résultat courant par Utaf estimé à 25 500 euros (contre 20 800 euros réalisés en 2021) le travail semble enfin rémunéré. Mais les charges sont elles aussi en hausse. Ainsi, le prix de vente moyen observé en euros par kilo de viande vive (KGVV) se monte pour 2022 à 3,11 euros, mais pour un prix de revient de 3,52 euros. Pour 2023, des inquiétudes se font jour quant au stock de fourrage disponible alors que 2022 aura été une année sèche. Plus que jamais, la quête d’une plus grande autonomie alimentaire est recommandée. « Lorsqu’ils parviennent à réduire leurs coûts, soulignait Bruno Laurent, les systèmes bovins allaitants sont très résilients. Il ne faudra pas hésiter à également réfléchir aux moyens de diversifier les ressources de litières pour les animaux, qui peuvent être source d’économie ». En termes d’optimisation de la valorisation des animaux, en particulier chez les éleveurs naisseurs, faire des vêlages groupés afin d’obtenir des lots homogènes est une piste à privilégier mais dans une période aussi chaotique que celle que nous connaissons aujourd’hui, le mot de la fin sur l’élevage allaitant revenait à Mathilde Schryve : « il est important de regarder ce qui se passe autour de vous, de vous renseigner, de prendre des idées et de les tester… »