Défiscalisation du GNR
Une décision « inacceptable » pour la FDSEA de l'Yonne

Christopher Levé
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Suite à l’annonce de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, sur la suppression progressive de la détaxation du GNR d’ici 2030, lors des Assises des finances publiques le 19 juin dernier, la voix du monde agricole s’élève. La FDSEA de l’Yonne qualifie même cette annonce « d’inacceptable car économiquement inenvisageable ».

Une décision « inacceptable » pour la FDSEA de l'Yonne
Selon la FDSEA de l'Yonne, cette détaxation représente aujourd’hui une réduction des charges de 5 500 euros pour l’achat de 100 hl de GNR. (Crédit photo J.-C. Gutner).

Lors des Assises des finances publiques le lundi 19 juin, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a annoncé la suppression progressive de la détaxation du GNR en agriculture (ainsi que dans les autres secteurs), d’ici à 2030. Une annonce qui s’inscrit dans un plan global de réduction des dépenses publiques visant à maintenir la notation de la France (AA) en matière de risque de solvabilité financière.
Car si la note venait à se dégrader, cela viendrait alourdir le poids de la dette française par l’augmentation des taux d’intérêt auxquels la France pourra emprunter.
Afin de répondre à cet objectif budgétaire, tous les ministères doivent présenter un plan de réduction de 5 % de leur budget pour 2024. Pour l’agriculture, le choix du gouvernement s’est porté sur cette défiscalisation du GNR qui prive l’État de 1,36 milliard d’euros de recettes par an.
Selon la FDSEA de l’Yonne, « cette détaxation représente aujourd’hui une réduction des charges de 5 500 euros pour l’achat de 100 hl de GNR. Sa suppression totale serait inacceptable car économiquement inenvisageable ».

Un surcoût pour les exploitations

Pour Sébastien Neveu, agriculteur à Rugny et membre du bureau de la FDSEA de l’Yonne, « cette détaxation pourrait représenter un très gros surcoût pour certaines exploitations. Personnellement, sur mon exploitation, la TIPP (taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers) représente 3 000 euros par an. 3 000 euros, pour comparaison, c’est le coût d’un saisonnier pour un mois pendant la moisson. Mais pour certains, c’est beaucoup plus. Il y a des activités qui consomment énormément de carburant. Moi je n’ai « que » des céréales, donc mon coût reste limité par rapport à certains. En élevage par exemple, la consommation est bien plus importante. Le coût du carburant également ».
Ce dernier aimerait que l’État ait « une vision cohérente de l’agriculture. Aujourd’hui, on a les différents ministères qui font des choses différentes vis-à-vis du monde agricole, parfois avec des démarches contradictoires. Cela manque un peu de concertation », estime-t-il.

Une « aberration économique »

Au niveau national, la FNSEA tient à rappeler qu’elle a « toujours tenu un discours et une attitude responsable vis-à-vis de la transition énergétique de l’agriculture. Depuis plus de quatre ans, nous portons des propositions visant à engager cette trajectoire de sortie du GNR sous réserve de compensations préalables. Quatre ans que nous anticipons l’inévitable, que nous préparons cette transition, par des études, des groupes de travail, la sollicitation de parlementaires, l’exigence de rapports gouvernementaux, pour ne pas subir cette transition, pour ne pas nous imposer une transition à marche forcée, pour ne pas aboutir à une énième interdiction sans solution ».
La FNSEA n’entend « ni accepter cette aberration économique, ni se retrancher derrière une position de défense de principe du GNR, carburant fossile qui doit disparaître à terme. Nous exigeons d’aborder cette transition de la manière la plus rationnelle possible : l’État subventionne à ce jour un carburant carboné indispensable à l’activité agricole, donc à l’alimentation des Français. Si ce soutien financier au GNR doit disparaître sans déséquilibrer cette équation, il doit être réaffecté dans une proportion au moins égale à des actions en faveur de la transition agroénergétique des exploitations ».
Un avis partagé par Sébastien Neveu. « Selon moi, il faudrait que l’on ait un soutien financier pour faire évoluer nos matériels les plus consommateurs en GNR. Si la suppression de cette TIPP peut servir à cela, alors d’accord, mais pas pour d’autres raisons. Si cette loi va au bout, il faudrait que l’argent puisse revenir vers des aides en faveur de la transition écologique et matérielle des exploitations. Mais je n’ai pas l’impression que ce soit l’idée du gouvernement ».