Accueillir un nouveau-né
« On ne s’arrête jamais à 100 % »

Léa Rochon avec Margaux Legrat-Maillet
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Pour les chefs d’exploitation, comme pour les salariés agricoles, devenir parents est une véritable étape. Préserver son exploitation et prendre du temps pour son nouveau-né peuvent vite s’avérer difficiles. Il peut être nécessaire de demander de l’aide et indispensable de s’organiser. Témoignages.

« On ne s’arrête jamais à 100 % »
Hugo Danancher, éleveur de vaches charolaises en individuel dans le Val de Saône, a accueilli son fils Isak en septembre 2022. (Crédit photo Hugo Danancher)

Quel que soit le métier exercé, l’arrivée d’un enfant bouleverse forcément le quotidien. Celui d’une exploitation agricole n’échappe pas à la règle. « C’est surtout une fatigue mentale quand il faut se lever la nuit pour un vêlage et pour donner le biberon », confesse Guillaume Joux, éleveur de brebis en Gaec familial à Lompnas, dans le Bugey (Ain). Sa fille est née le 30 août dernier. Un véritable chamboulement pour le secrétaire général des Jeunes agriculteurs de l’Ain, qui a un peu laissé de côté ses fonctions syndicales. Le développement de sa nouvelle activité de maraîchage et la construction de sa maison, couplés à la naissance de sa fille, l’ont forcément obligé à réorganiser sa vie. « Je me suis beaucoup reposé sur la maman et ma grand-mère », admet-il.

L’importance de l’entourage

Vivre une grossesse et accueillir un nouveau-né demandent beaucoup d’énergie et d’organisation. Dès ses premiers mois de grossesse, Manon Durand, associée avec son père et éleveuse de bovins viandes dans la Dombes (Ain), a dû s’adapter. « J’ai été malade les quatre premiers mois, en pleine moisson, relate-t-elle. À ce moment-là avec le travail dans les champs et l’ensilage, j’ai vraiment subi ma grossesse. J’en ai presque perdu du poids. J’ai commencé à avoir peur, mais heureusement, ça s’est calmé ». À partir de septembre, l’agricultrice a décidé d’arrêter de conduire des tracteurs. Par la suite, son père « a fait comme il a pu ». L’embauche de sa sœur en Tesa lui a permis de prendre du temps pour s’occuper de l’administratif. Pour la naissance de l’enfant, cette dernière a été embauchée par le groupement d’employeurs Agri Emploi pour la remplacer sur l’exploitation. L’arrivée de son apprentie, d’une grande autonomie, a également été un soulagement. « Ce n’est pas forcément la place des apprentis, mais c’est la réalité du terrain. J’ai eu une belle grossesse et le soutien de certaines personnes pour lever un peu le pied, mais on n’arrête jamais à 100 %. J’ai déjà prévu une poussette spéciale pour aller à la ferme parce qu’il y a des moments où on n’aura pas le choix. Le papa ne prendra pas ses jours, ce n’est pas possible parce qu’il fait de la prestation de services ».

Un congé paternité « peu adapté au milieu agricole »

Employer un apprenti à la naissance de son enfant est souvent une solution envisagée par les nouveaux parents. Hugo Danancher, éleveur de vaches charolaises en individuel dans le Val de Saône (Ain) a également fait ce choix. Il élève une soixantaine de vaches allaitantes pour 150 ha, tandis que sa compagne est infirmière libérale avec des horaires tout aussi décousus que les siens. « La naissance m’a conforté dans le choix de prendre un apprenti, malgré le coût », explique-t-il. La prise de son congé paternité a forcément été un moment agréable. « Mais il est peu adapté au milieu agricole, tranche-t-il. Ce serait bien de pouvoir le prendre, réparti sur une année complète et non de manière consécutive. Le mieux ce serait que l’on nous octroie des heures, plutôt que des jours ».

Travailler tout en gardant son enfant, un choix impossible ?

Mélanie et Jean Dufour sont apiculteurs à Bren, dans la Drôme. Après avoir eu trois enfants, leur avis sur les congés maternité et paternité est plus que forgé. « Le congé paternité, il faudrait pouvoir le prendre à un autre moment, affirme l’apicultrice. Quant au congé maternité, il faudrait pouvoir l’adapter… Car il ne faut pas se leurrer : moi, je ne peux pas aller sur les ruches à 6 mois de grossesse. » Le dernier de la famille ayant 8 mois et ne pouvant toujours pas aller une journée complète à la crèche, le couple a choisi d’adapter ses horaires pour pouvoir le garder. « Heureusement que je suis agricultrice et que c’est une période creuse », concède Mélanie. César Marze ne travaille pas avec sa femme. Lui est castanéiculteur et éleveur de volailles en Ardèche, à une quinzaine de minutes de Privas. Elle, travaille à l’hôpital d’Aubenas, excepté le mercredi. Le choix de trouver une nounou pour garder leur petite-fille était donc évident. « La nounou se situe sur ma route, à mi-chemin entre la maison et les bâtiments d’élevage, elle garde donc notre fille de 8 heures à 18 heures », raconte-t-il. Mais le père de famille admet avoir eu beaucoup de chance de trouver une personne compétente et disponible pour accueillir sa petite. « Un enfant qu’elle gardait s’en allait à ce moment-là, sinon il aurait fallu aller jusqu’à Privas… » Lorsque les nounous et les crèches viennent à manquer, concilier vie professionnelle et vie de famille devient une nécessité. Dans le Cantal, sur le plateau de l’Aubrac, Émilie Mouliade et son compagnon, tous deux éleveurs de vaches laitières, ont accueilli leur fils il y a huit mois. « Nous n’avons pas de crèche dans le coin, mais toute notre famille est sur place et nous sommes en robot de traite. Quand l’un travaille, l’autre garde le petit », détaille la cheffe d’exploitation. Gardera-t-elle cette organisation lors de l’arrivée de leur deuxième enfant ? La réponse reste encore en suspens.