Apprentissage
Un fonctionnement intégré à l'exploitation

Berty Robert
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En agriculture, l'apprentissage est une voie de formation exigeante et qui réclame de l'implication. En retour, elle produit des gens motivés, qui se sont confrontés aux réalités concrètes du métier. À Marsannay-le-Bois au nord de Dijon, un Gaec y croit depuis vingt ans.

Un fonctionnement intégré à l'exploitation
Christophe Monot (à gauche) et Valentin Quirot, formé en apprentissage sur la ferme et qui est associé depuis 2015.

Au Gaec MLGG, dont le siège est basé à Marsannay-le Bois, au nord de Dijon, l'apprentissage est plus qu'une voie de formation : « Pour nous, c'est devenu un véritable mode de recrutement » confie Christophe Monot, l'un des cinq agriculteurs associés de cette ferme céréalière qui comprend aussi une méthanisation. Jugez en plutôt : aujourd'hui, l'entreprise compte deux salariés qui y ont d'abord été comme apprentis, et l'un des cinq associés est aussi un ancien apprenti (voir encadré). Ici, pas besoin de chercher à persuader quiconque de l'utilité de cette voie de formation, elle fait partie de la « culture maison ». Christophe Monot est un convaincu de la nécessité de l'apprentissage dans ce métier. Une conviction qui ne vient pas de nulle part : « J'ai été formé par le système traditionnel, explique-t-il, entouré d'a priori négatifs sur l'apprentissage, présenté, à l'époque, comme une « voie de garage ». Pour faire évoluer cette perception de l'apprentissage, il a été à bonne école, au sens propre du terme, en occupant la fonction de formateur, au sein du CFA de Quetigny, près de Dijon, entre 1993 et 2013. « Je me suis d'abord occupé de jeunes en très grandes difficultés, rappelle-t-il. Ensuite, au fil de mes missions, je me suis occupé des BEP et des bac professionnels. J'ai compris que l'apprentissage était une voie de remédiation pour certains jeunes et lorsque j'ai commencé à voir mes anciens élèves devenir agriculteurs ou salariés dans des fermes, parfois dans le cadre de reconversions professionnelles, j'ai constaté que ces jeunes retrouvaient de la confiance, reprenaient pied dans leurs vies. »

Une culture d'entreprise

Sur l'exploitation, Christophe Monot avait aussi un bon exemple de ce que peut donner une formation en lien avec le concret d'un métier : l'un de ses associés n'était autre que Fabrice Genin, non issu du milieu agricole mais désireux de démontrer sa motivation pour intégrer ce métier. Disparu en novembre des suites d'une maladie, Fabrice Genin avait largement contribué à l'instauration, sur l'exploitation, de cette culture consistant à donner leur chance à des jeunes qui ont envie d'apprendre. Sur l'exploitation de Marsannay-le-Bois, le premier apprenti est arrivé en 2005. Il y est toujours aujourd'hui puisque c'est l'un des deux salariés permanents. « Notre tout premier apprenti, souligne Christophe Monot, nous l'avons accueilli pour rendre service mais, dans les faits, nous n'avions pas besoin de main-d’œuvre. Toutefois, le fait d'avoir cet apprenti nous a fait prendre conscience de l'amélioration de la qualité de vie pour tout le monde que cela générait. » En vingt ans, une dizaine d'apprentis sont passés sur l'exploitation. « Nous avons rapidement abandonné la voie « stagiaires » parce qu'avoir une personne avec nous pendant une semaine ou deux, c'était compliqué. Les apprentis sont avec nous sur un cycle de deux ans, ce qui leur permet d'aborder toutes les périodes de l'année, toutes les étapes du cycle cultural. Chez nous, le passionné de mécanique peut se concentrer sur cet aspect, celui qui préfère les conduites culturales peut aussi le faire. On a une structure qui permet à un jeune curieux de plusieurs domaines de toucher à pas mal de choses (commercialisation des grains, suivi technique des cultures, agronomie, achat des produits phytosanitaires, la gestion d'un parc complet de matériel…). Nous disposons de suffisamment d'ateliers sur l'exploitation pour proposer aux apprentis des missions en correspondance avec leurs centres d'intérêt… mais on n’a encore pas trouvé d'apprenti passionné par le travail administratif… (rires). Je considère que l'apprentissage est, pour nous, une manière de promouvoir l'image de l'agriculture. C'est également un ascenseur social : on fait de la Responsabilité sociétale d'entreprise (RSE), sans le savoir ! »

Professionnalisation croissante

Au fil des années, l'exploitation a cherché à hausser le niveau : aujourd'hui elle prend en apprentissage principalement des BTS. Une évolution en lien avec la professionnalisation croissante de la ferme. L'implication forte dans l'apprentissage s'appuie sur le plaisir de transmettre un savoir mais tout cela est aussi chronophage. Heureusement, la structuration de la ferme, qui a compté jusqu'à six associés, permet une répartition et une organisation du travail qui favorise cette implication. Christophe Monot, par exemple, s'occupe beaucoup de la partie administrative liée au fonctionnement de la ferme. Celle-ci compte actuellement cinq associés, deux salariés permanents, un salarié temporaire et deux apprentis. Pour ces derniers, l'exploitation a établi des liens avec les Maisons familiales rurales (MFR) de Quetigny et Pouilly-en-Auxois, mais aussi avec les CFPPA de La Barotte, dans le nord Côte-d'Or ou de Chateaufarine, près de Besançon. « Parmi les apprentis, constate Christophe Monot, certains ont une culture agricole, d'autres non, mais tout cela apporte beaucoup d'enrichissements. Je me souviens qu'il y a trois ans, un de mes associés était très réticent sur le fait de prendre un apprenti, parce que nous avions des échos plutôt défavorables sur lui. Suivant notre logique de laisser sa chance à toute personne, nous l'avons pris quand même et il s'est révélé être un très bon élément. On essaye de ne jamais juger a priori. En contrat d'apprentissage, il y a une période d'essai de deux mois qu'il faut savoir mettre à profit. Au départ, nous avions une vision utilitariste de l'apprentissage, aujourd'hui, nous utilisons cette voie de formation comme un véritable cabinet de recrutement. Sur deux ans, et parfois sur quatre, si on a un jeune qui veut faire une licence professionnelle, cela nous laisse le temps de bien évaluer la personne, de repérer des compétences, des savoir-être.  » Parmi les deux salariés de l'exploitation qui sont d'anciens apprentis, l'un va d'ailleurs bientôt devenir associé.

Valentin, ex-apprenti, aujourd'hui associé

Valentin Quirot a 33 ans. Il a été apprenti au sein du Gaec MLGG. Au départ, il y avait chez lui l'envie d'apprendre, mais sur le terrain, dans le concret. C'est d'abord ce qui l'a attiré dans l'apprentissage. « J'ai rencontré Christophe qui enseignait au CFA à l'époque. Il m'a proposé de venir sur l'exploitation dans le cadre d'un apprentissage. J'avais 17 ans. » Issu d'une famille d'éleveurs laitiers, il a découvert ici les productions céréalières pour lesquelles il a éprouvé un grand intérêt. Arrivé sur la ferme en 2009, Valentin a fait deux ans de bac pro, il a ensuite enchaîné sur deux ans de BTS. À l'issue, il a travaillé six mois chez un entrepreneur avant de revenir sur la ferme qu'il n'a jamais quitté depuis. En 2015, il est devenu l'un des associés du Gaec. « Dans le cadre de mon apprentissage, j'ai été formé sur l'utilisation du matériel, sur les semis, sur les traitements. Au fur et à mesure, j'ai eu de plus en plus de responsabilités. Aujourd'hui, je gère le parc de matériel et je répartis le travail entre les salariés. » Il s'occupe, au quotidien, d'organiser les plannings… des apprentis. « On m'a donné la chance de faire un métier qui m'intéresse, conclut-il, avec les apprentis aujourd'hui, je suis heureux de pouvoir, à mon tour, participer à donner une telle chance à d'autres. Mon parcours leur prouve que rien ne leur est impossible ».