Sapins de Noël du Morvan
Une production qui s'adapte

Chloé Monget
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Les fêtes de fin d’année sont là, et avec elle le fameux sapin de Noël naturel. Isabelle Boussard (Aux aiguilles du Morvan) fait le point sur cette production particulière du Morvan.

Une production qui s'adapte
Isabelle Boussard rappelle que le Morvan est la première région productrice de sapin en France avant d'ajouter : « 1,5 million de sapins sont vendus dans l'Hexagone chaque année en provenance du Morvan, sur les 5,9 millions de sapins naturels achetés en France par an».

« Le sapin de Noël naturel est le symbole de la joie » insiste Isabelle Boussard, propriétaire associée avec Sébastien Royer « des Aiguilles du Morvan ». Même si le sapin est dans l’esprit collectif synonyme immuable de fête depuis des années, les attentes sociétales, elles, ont changé, comme l’explique Isabelle Boussard.


Évolutions

« La clientèle s’intéresse de plus en plus à notre manière de travailler, un peu comme ce que l’on peut constater pour les autres productions (viande, légumes). Ainsi, ils se demandent : d’où proviennent les sapins, comment sont-ils produits, etc. Pour ma part, je trouve que cet intérêt se manifeste depuis environ trois ou quatre ans, avec les prises de conscience sur l’écologie ; ce qui est une bonne chose puisque cela concerne tout le monde. En même temps, les producteurs de sapin de Noël du Morvan ont adapté leurs pratiques, et nous essayons tous de trouver de nouveaux leviers, pour que notre empreinte soit la moins néfaste possible sur l’environnement. Dans cette optique, nous avons déposé un dossier d’Indication Géographique Protégée (IGP) afin, d’une part, de protéger notre production (en mettant l’accent sur l’origine d’une aire géographique spécifique, un sol, une altitude et un climat favorable à la pousse de ces spécimens) et, d’autre part, de garantir une certaine qualité aux clients, ce qui passe par l’adoption d’un cahier des charges bien précis ».

À l’épine du progrès

« L’IGP « Sapin de Noël du Morvan » devrait devenir active l’an prochain. Son cahier des charges mettra en lumière des méthodes culturales avancées notamment sur la protection des sols ou encore la biodiversité. En effet, pour être intégré dans l’IGP il faudra avoir soit une certification plante bleue de niveau 2(1) ou un agrément Agriculture biologique. Il y a également tout un volet sur le traitement des déchets ou encore la gestion de l’énergie. En sus, le cahier des charges implique d’abandonner les engrais minéraux pour les remplacer par de la fiente de volailles ou du fumier d’ovin. Il en va de même pour les insecticides et les fongicides de synthèse qui devront laisser leur place aux produits naturels ou Bios Contrôle. Enfin, par les autres exemples de mesures à mettre en place, les producteurs auront l’obligation d’avoir enherbé les tournières, avec une fauche en fin de floraison afin de laisser le temps aux espèces de finir leur cycle de repeuplement ». Même si Isabelle Boussard semble enjouée à l’idée d’intégrer l’IGP, elle nuance : « pour les producteurs, il y aura un coût supplémentaire. Afin de continuer à vivre de notre métier, l’engagement devra donc aussi s’effectuer du côté des distributeurs, en nous laissant une certaine marge. Nous ne pouvons augmenter nos coûts de productions, sans retours. Nous espérons que ces nouvelles contraintes seront prises en compte durant la réunion qui devrait avoir lieu en février 2023 avec les acteurs de la filière ».

La sève de la vie

Pour la suite, Isabelle Boussard espère : « que l’on continue à acheter des sapins naturels, sans culpabiliser. Il faut arrêter de parler d’arbre mort car cela est faux. La production de sapin de Noël est bel et bien vivante car elle contribue, à son échelle, à la diversité d’habitats pour la faune sauvage, et nous avons des espèces dans nos champs que nous ne retrouvons pas ailleurs. De plus, c’est environ 150 familles, dans le Morvan, et 1 000 saisonniers par an qui vivent de cette production. Derrière le sapin, il y a donc énormément de vie ! ». Elle conclut : « je souhaiterais que l’on soit considéré comme des agriculteurs, au même titre que les autres, notamment pour les aides. J’ai une pensée particulière pour mes collègues, touchés par la grêle cette année, qui pour certains ont travaillé toute leur vie et ont presque tout perdu. Enfin, je pense que l’agriculture est une famille qui devrait se serrer un peu plus les coudes en cas de coup dur ».

(1) lien

Aux aiguilles du Morvan
Aux aiguilles du Morvan commercialisent environ 70 000 sapins par an.

Aux aiguilles du Morvan

Isabelle Boussard est associée avec Sébastien Royer. Ils dirigent ensemble l’entreprise située à l’Huis Rapin (21). Si au départ cette activité était un complément à leurs professions, Isabelle et Sébastien en ont fait leur métier depuis quelques années. Créée en 2002, Aux aiguilles du Morvan s’étend sur 80 ha dédiés à la production de sapin de Noël, répartis sur les départements de la Nièvre, de l’Yonne et de la Côte d'Or. Parmi les sapins cultivés se trouvent des Épicéas, des Nordmann et des Pungens. Environ 70 000 sapins sont vendus par l’entreprise tous les ans, en France. Isabelle Boussard insiste : « Le thème de l’enrésinement du Morvan ne nous concerne en rien, pour diverses raisons. La première étant que les sapins de Noël représentent 1 % de la SAU du Morvan, la seconde étant que nous sommes sur des terres agricoles et non forestières, et enfin chaque sapin de Noël coupé est remplacé par un autre. Je pense que nous avons un gros travail de communication à faire sur ces points afin qu’il n’y ait pas d’amalgame ».

 

Le sapin alternatif

Si le sapin naturel est apprécié, des alternatives existent, comme le sapin artificiel. Isabelle Boussard est très sceptique pour ce dernier. « Au vu de la prise de conscience collective en matière d’écologie, je ne suis pas sûre que le sapin de Noël artificiel réponde à ces nouvelles demandes sociétales puisqu’il est souvent fabriqué en plastique et provient d’Asie. À côté de cela, la production de sapin de Noël naturel du Morvan reste plutôt vertueuse d’autant plus que nous faisons tout pour trouver de nouveau levier pour préserver l’environnement – et notre production ». En ce qui concerne la location de sapin en pot (en retrouvant le même sapin d’une année sur l’autre), Isabelle n’est pas emballée : « Cela peut être une solution pour certains, mais il faut, dans la majorité des cas, que les clients les ramènent au professionnel – rajoutant une contrainte pour le particulier. Pour nous, professionnels, cela demande une logistique et une infrastructure que nous n’avons pas tous. Je ne suis pas sûre que le principe, même louable, soit viable à terme ».