Territoire
Intervention par erreur

Chloé Monget
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Le Parc naturel régional du Morvan (PNRM) porte un contrat territorial eau et climat (Cure-Yonne) en intervenant sur l'entretien des mares. Dans ce cadre, un site du canton de Corbigny a été nettoyé, mais par erreur. 

Intervention par erreur
Ici, le lieu après les travaux réalisés dans le cadre du Contrat territorial eau et climat Cure-Yonne porté par le PNRM. Crédit photo : Pierre Labonde.

Le 24 octobre au matin, Pierre Labonde (exploitant à Saint-Révérien) se rend dans une de ses parcelles dans le canton de Corbigny, où se trouve, selon lui, « une source ». « Je me suis demandé ce qui s’était passé, qui était intervenu pour faire les travaux autour du site, car je n’avais pas été prévenu ». Après s’être renseigné auprès d’un voisin, il remonte la piste. « J’ai appris que le Parc naturel régional du Morvan était à l’origine du curage et de la coupe d’une partie de la végétation autour du lieu. Étant intervenu sans mon accord, j’ai donc porté plainte. Et au vu de ce qui a été fait, j’avais une autre idée de ce que le PNRM pouvait faire pour le paysage ». Dans cette affaire, Sylvain Mathieu, président du PNRM insiste : « cette intervention a été faite par erreur » avant d’ajouter : « afin de comprendre les circonstances de cette erreur, il est nécessaire de rappeler pourquoi le PNRM intervient dans le secteur de Corbigny ».

Le PNRM porte depuis 2016 le Contrat territorial eau et climat Cure-Yonne qui est un outil de gestion et de protection de la ressource en eau, sur le bassin-versant de l’Yonne Amont, de la Cure et du Cousin, qui inclut le secteur de Corbigny. Sylvain Mathieu détaille : « dans ce cadre, des travaux de restauration et de préservation des milieux aquatiques sont régulièrement menés dont des travaux de restauration de mares. L’objectif est de maintenir les fonctions écologiques des mares en tant qu’habitat d’espèces mais aussi pour leur rôle dans le fonctionnement hydrologique : lutter contre les inondations en collectant les eaux de pluies, limiter l’érosion des sols en ralentissant les écoulements et épurer les eaux grâce à l’activité biologique des mares. Les mares étudiées (par la Société d’histoire naturelle d’Autun) afin d’être restaurées sont situées à proximité de plusieurs réseaux de mares d’intérêt, car il faut envisager les mares comme un maillage et non comme élément isolé, avec présence de Triton crêté. Pour cette espèce, le Bazois et Bas Morvan occidental se retrouvent au centre d’un secteur majeur pour la Bourgogne et de zones prioritaires pour le programme d’actions « Réseaux Mares de Bourgogne ». Par conséquent, la restauration de ces mares permet de renforcer la population présente et d’agrandir le secteur occupé par l’espèce ».

La procédure type

Une fois les mares ciblées, les chargés de missions du PNRM se rendent sur place afin de repointer les mares avec les propriétaires pouvant bénéficier de ces interventions. « Tout est basé sur le volontariat », stipule Sylvain Mathieu. « Si un propriétaire ou un exploitant ne souhaite pas signer la convention afin de réaliser les travaux, cela s’arrête là. Pour les exploitants intéressés, les travaux sont définis avec eux et ils donnent leur accord pour leur réalisation. Des solutions sont notamment proposées autour des usages agricoles des mares (aménagement d’abreuvoirs, pompe à nez, ou aménagements des berges ). Les exploitants sont prévenus avant le démarrage des travaux par le Parc et par l’entreprise missionnée pour les mener à bien. Nous préconisons toujours que les propriétaires soient présents le jour du début des travaux, afin de repréciser certains points en cas de besoin ». Depuis 2016, plus de 260 mares sur le pourtour du Morvan ont été incluses dans ce programme, et une vingtaine de la Nièvre pour 2023, représentant un budget total de 20 000 euros / an. Si cette mécanique semble bien huilée, le cas de la mare de Pierre Labonde est bien « une erreur » insiste Sylvain Mathieu avant de compléter.

Un cas précis

« Dans ce cas précis, il y a eu un quiproquo. Lors du ciblage d’une mare avec un propriétaire c’est celle de Monsieur Labonde qui a été malencontreusement pointée. En général, si un problème de ce genre arrive, il est vite réglé par une visite de terrain. Or, le personnel ayant changé au niveau du PNRM, et la date des travaux ayant été très rapide, aucune rencontre sur place n’a été fixée. De ce fait, les travaux ont été réalisés, en respectant le cahier des charges habituel, sur la mare ciblée depuis le début. Le Parc reconnaît l’erreur, il s’excuse et est ouvert au dialogue. Il est prêt à réparer le préjudice, si cela est avéré et considéré comme nécessaire par le propriétaire. Nous sommes conscients que les travaux réalisés sur les mares sont des traumatismes à l’instant T. Mais, un suivi sur la faune et la flore est réalisé une année après et trois ans après afin de mesurer les effets de ces actions. Nous étudions si un relevé à N + 6 ou 7 serait pertinent ». Face à cela, Pierre Labonde martèle : « depuis cette intervention malheureuse, j’ai été obligé de retirer mes animaux du pré afin d’éviter tout dégât supplémentaire, avec la crainte d’un éboulement des berges retenues par les margelles désormais endommagées. Cela fait 40 ans que j’entretiens le site, avec les conseils que mon père m’a enseignés. Je suis désolé de voir que tout ce travail a été détruit. J’ai du mal à comprendre la démarche de rénovation au vu de ce qui a été fait car il y a eu une dégradation du pourtour en pierre sans parler de l’impact sur la faune et la flore. Pourquoi ravager un habitat déjà fragile pour espérer voir une « éventuelle » recolonisation des espèces vulnérables déjà présentes auparavant ? Pourquoi chercher à restaurer ce qui n’a pas besoin de l’être avec un cahier des charges, à mon sens, inadapté ? Je suis persuadé que pour maintenir ou améliorer un habitat, il faut procéder par touches – comme ce que je fais depuis les années quatre-vingt avec des résultats visibles 15 jours après mon intervention. La nature est faite d’échanges et de liberté de déplacements, empêcher certaines interactions ou les modifier drastiquement me semble plus néfaste qu’autre chose. Le paysan est nettement plus à même de maintenir son environnement car il le connaît le mieux : il l’observe tous les jours. Face à cette erreur du PNRM, je me pose une question : est-ce que la réglementation en vigueur sur l’eau a été respectée ? En effet, pour ma part, cette « mare » est une source avec un écoulement dans un fossé. Je pense qu’une réunion publique serait la bienvenue entre le parc du Morvan et les agriculteurs afin que l’on puisse mettre tout à plat et s’expliquer ». Pour le moment, la plainte déposée par Monsieur Labonde suit son cours et Sylvain Mathieu conclut : « Nous comprenons le point de vue de Monsieur Labonde et nous nous excusons encore une fois de cette erreur technique. Cela nous servira de leçon et plus jamais nous ne lancerons des travaux sans visite systématique sur le terrain avec le propriétaire ».

Photo à mettre
Le site de Pierre Labonde, dans le canton de Corbigny, en 2020. (Crédit photo : Pierre Labonde).