Économie
Conférence sur les marchés céréaliers

Berty Robert
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La conférence des marchés céréaliers et oléoprotéagineux, organisée par Dijon Céréales, ouvrait des pistes de réflexion pour préserver les intérêts économiques des producteurs dans un contexte mondial très instable.

Conférence sur les marchés céréaliers
La conférence des marchés était organisée en marge de la foire gastronomique de Dijon.

En économie, la maîtrise totale du risque n’existe pas. C’est encore plus vrai dans le contexte actuel où l’instabilité règne, entre redémarrage économique lié à l’après-covid, choc de la guerre en Ukraine, et, plus globalement, conséquences du changement climatique. Dans ce cadre, la conférence des marchés céréaliers et oléoprotéagineux organisée à Dijon, le 4 novembre par Dijon Céréales, ambitionnait de fournir, sinon une boussole, du moins quelques caps à suivre. Pour cela, plusieurs intervenants étaient conviés : Benoît Fayaud et Vincent Braak, analystes grain au sein du cabinet Tallage (fournisseur de prévisions et d’analyses sur les marchés de céréales), mais aussi Xavier Charbonneau, directeur commercial chez Cargill Landea Risk, qui intervenait, pour sa part sur la gestion du risque et des opportunités dans un contexte incertain. Cargill Landea Risk opère sur le blé, l’orge, le maïs, les oléagineux et traite environ 5 millions de tonnes par an sur le marché français. Obtenir quelques lumières dans le contexte, alors que les tensions internationales entraînent une configuration de marché inconnue, était important.

Grande volatilité des prix

« Il y a un an, rappelait Xavier Charbonneau, la tonne de blé était à 250 euros, aujourd’hui elle est à 339 euros. Ce qui est intéressant à observer, c’est la volatilité du prix, c’est-à-dire sa tendance à s’éloigner du prix moyen : il y a un an elle était de 22 %, aujourd’hui c’est 39 %. Il y a un an également, 95 % des variations sur 10 jours étaient de 25 euros la tonne, aujourd’hui, c’est 61 euros la tonne ». Le décor était planté : on est face à une variation des prix rarement vue. Exemple récent des facteurs qui favorisent cette volatilité extrême : la Russie qui annonçait début novembre qu’elle mettait fin à sa participation au corridor d’exportation instauré en Mer Noire, décision sur laquelle elle est finalement revenue. « On est là, poursuit Xavier Charbonneau, devant un risque qui est subi parce qu’il ne peut pas être analysé ». L’intervenant est aussi, logiquement, revenu sur les hausses des coûts de productions qui affectent les grandes cultures : « Il faut savoir que lorsque le prix de l’urée augmente de 10 %, un agriculteur du Nord perd 55 euros/ha ». Ce qui est valable pour ce département pris comme exemple peut malheureusement se décliner ailleurs, dans des proportions variables. Dans un tel contexte, pour cet analyste, « l’important est de trouver le point optimal entre risque et rendement. Il faut réfléchir aux manières de diversifier son portefeuille, en s’appuyant sur des solutions que peut proposer votre coopérative, Dijon Céréales. Une réflexion sur la valorisation du carbone s’impose également ». Victor Moulins, responsable Marchés et risques au sein de la coopérative, rappelait que « Dijon Céréales propose trois grands types de contrats, avec le souci de la diversification du risque ». Parmi les solutions, le put, qui est une option de vente sur un actif financier (blé Euronext par exemple) permet à son détenteur de profiter d’une baisse de l’actif jusqu’à l’échéance et à l’agriculteur de sécuriser un prix de vente.

Risque du retour de l’effet ciseaux

Après Xavier Charbonneau sont intervenus Vincent Braak et Benoît Fayaud, du cabinet Tallage. Ils ont détaillé les configurations de différents marchés : « Cette année, nous avons un record de récolte mondiale de blé (tendre et dur) et une chute du maïs. L’Ukraine a vu sa production de blé chuter de 13 millions de tonnes, en raison de la guerre, mais aussi des conditions météo. Dans l’Union européenne (UE) c’est -4 millions de tonnes, mais -20 millions de tonnes en maïs, du jamais vu ! » Ils notent aussi une très forte baisse du tournesol en Ukraine alors que le colza a présenté de bons rendements en UE (+ 3 millions de tonnes). En parallèle est signalée une baisse de la demande en alimentation animale avec une prévision de -1 % au niveau mondial en 2023. La baisse serait concentrée sur le blé, le maïs et l’orge, alors que le tourteau de soja, plus compétitif pourrait voir sa demande en hausse. Sur la campagne 22/23 en UE en blé tendre, le bilan est très confortable. On note aussi un fort recul du déficit en colza. En France, le bilan est à l’équilibre en blé tendre et le déficit en colza a disparu. Les stocks mondiaux sont prévus à la hausse en blé et en soja. « Pour le blé tendre, précise Benoît Fayaud, il faut s’attendre à une baisse de prix dans les mois qui viennent. Les stocks mondiaux sont élevés, mais beaucoup sont en Russie. La prévision est identique pour le colza. Les facteurs à suivre sont la Russie qui pourrait exporter au moins 41 Mt de blé et l’Ukraine qui pourrait exporter au moins 20 Mt de maïs et 10 Mt de blé… sauf si le conflit en Ukraine s’aggrave, remettant en cause ce potentiel de baisse des prix. Le problème concernant les chiffres de quantités annoncés par la Russie, ou même la Chine, c’est de savoir s’ils reflètent vraiment la réalité. Quoi qu’il en soit, vrais ou faux, ils font le marché… ». Le constat final dans un cadre aussi bouleversé invite à rester conscient du fait que les cours d’aujourd’hui sont liés au conflit mais, un jour ou l’autre, on reviendra à des niveaux de prix plus normaux. Qu’en sera-t-il, alors des coûts de productions ? Permettront-ils d’éviter l’effet ciseaux de prix bas et de coûts élevés ? La question reste entière.