Aux Terres de Jim
Emmanuel Macron aux Terres de Jim

L.M.
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À l’occasion de sa visite sur la fête agricole Terres de Jim, organisée par les Jeunes agriculteurs à Outarville, dans le Loiret, les 9, 10 et 11 septembre, le Président de la République a promis des soutiens publics renforcés dans deux dossiers : la gestion des risques et le foncier.

Emmanuel Macron aux Terres de Jim
Emmanuel Macron, ici en discussion avec Arnaud Gaillot, président de JA national et agriculteur du Doubs. (Crédit Actuagri)

Quelques jours avant la fête agricole des Terres de Jim, organisée dans le Loiret par les Jeunes agriculteurs (JA) les 9, 10 et 11 septembre, l’Élysée assurait à la presse qu’il ne fallait pas s’attendre à des annonces du Président sur la gestion des risques climatiques lors de son déplacement le 9 septembre sur cet évènement. Emmanuel Macron a finalement fait mentir son équipe. Le locataire de l’Élysée a annoncé qu’il « confirme » le budget de 600 millions d’euros (M€) prévu pour la réforme de la gestion des risques, mais surtout qu’il serait prêt à aller jusqu’à 680 M€ si nécessaire. Ceci, afin de « permettre y compris aux filières qui étaient à 25 % [de seuil de déclenchement de l’assurance] d’aller aux 20 % pour créer un appel d’air, et une vraie attractivité au système d’assurance ». Pour rappel, le scénario qui semblait jusqu’à présent privilégié par le ministère de l’Agriculture était de placer ce taux à 25 % pour les grandes cultures et la viticulture (contre 20 % en arboriculture et en prairies). De plus, Emmanuel Macron a indiqué que le taux d’indemnisation publique serait de 90 % pour les assurés, ce dont la FNSEA s’est réjouie un peu plus tôt dans un communiqué envoyé à l’issue d’un huis clos du CAF avec le Président de la République. Durant son allocution, Emmanuel Macron a précisé qu’il y aura « une clause de revoyure, car si on dépasse les 680 M€ l’État ne peut pas être un payeur aveugle ». Ce rendez-vous aura lieu en fin d’année 2023, selon le vice-président de la FNSEA Joël Limouzin. Ce dernier a estimé que la rallonge budgétaire est « une vraie victoire » de la profession. Pour autant, une incertitude demeure sur le taux d’indemnisation des non-assurés qui serait très certainement dégressif, a-t-il indiqué.

Un fonds de portage de 400 millions d’euros

L’Élysée avait aussi annoncé que ce déplacement serait consacré au renouvellement des générations en agriculture, pour lequel avait été annoncé un projet de loi durant la campagne présidentielle. Une concertation autour de ce texte sera bien lancée prochainement, en vue d’aboutir « au second semestre 2023 », selon l’Élysée. Objectif : doubler le nombre d’installations. La principale annonce d’Emmanuel Macron dans ce dossier a été la création d’un fonds de « 400 millions d’euros », intitulé Entrepreneurs du vivant. Cette enveloppe, dans laquelle les Chambres agriculture devraient avoir « un rôle clé », sera notamment dédiée au « portage du foncier », et devrait être « différenciée selon les régions ». Le fonds sera mis sur pied, après concertation avec les collectivités et les professionnels, a promis Emmanuel Macron. Promise par Julien Denormandie fin 2021-début 2022, la création d’un fonds de portage abondé par la puissance publique avait été reportée, faute d’avoir réussi à mettre les financeurs d’accord. Le Président a aussi évoqué l’enseignement agricole - qui sera partie intégrante du projet de loi-, promettant d’y « investir 20 millions d’euros […] dans le cadre du fonds compétence France 2030 ». Il a aussi annoncé la création d’un « statut d’expert associé dans l’enseignement agricole ». Et d’expliquer : « on a besoin d’expertise complémentaire aux enseignants ». Enfin Emmanuel Macron a aussi évoqué la création d’un « réseau d’incubateurs d’entrepreneurs, d’entreprises agricoles », appuyé sur « les lycées agricoles, les Chambres d’agriculture, les acteurs du développement durable, les instituts techniques, les régions et les banques ».

En annonçant à Terres de Jim que « la souveraineté agricole et alimentaire est la mère des batailles », le Président de la République a fait écho à une attente forte de la FNSEA : celle de donner un cap, une bannière de ralliement à une agriculture sévèrement mise à mal par les hausses de charges sans précédent et un climat dont les assauts sont aussi fréquents que violents. Affirmer ce cap est important, mais force est de constater que les voiles pour l’atteindre ne sont toujours pas levées ! Il est temps d’enclencher le mode « action » et d’assortir ce discours d’actes concrets ! Certes, la réforme de la gestion des risques sera effective au 1er janvier 2023. Mais bien d’autres mesures cruciales pour la compétitivité de nos activités demeurent en attente. C’est particulièrement vrai sur le sujet des moyens de production qui pâtissent de tergiversations sclérosantes : les projets de réserves d’eau, primordiaux pour toutes les productions, sont au point mort même quand ils sont menés dans le strict cadre de la loi ; le revenu des agriculteurs est toujours sous le joug d’acteurs qui, sous couvert de défense du pouvoir d’achat des Français, ne respectent pas les modalités d’Egalim 2, la mise en œuvre de l’étiquetage de l’origine et des dénominations « viande », pourtant indispensables à l’appel au « manger français » du Président, se heurtent à des freins réglementaires et budgétaires. Sans oublier les interdictions sans solutions qui persistent. Je l’ai martelé maintes fois : il n’y a rien que l’agriculture ne puisse accomplir, quand les objectifs et le calendrier sont alignés sur les moyens ! La planification alimentaire doit aller de pair avec la planification écologique, sans quoi l’objectif de relocalisation des productions sur le territoire pour garantir à tous les Français une alimentation durable à des prix abordables ne sera pas atteint ! Cela constitue un projet de société, qui doit être collectivement porté. Nous entendons l’appel à « aimer » les agriculteurs en refusant les outrances et outrages de certains, médias, activistes et même acteurs économiques, qui fragilisent le lien entre l’agriculture française et les Français. Les agriculteurs travaillent au quotidien pour la souveraineté alimentaire tout en étant acteurs de la transition écologique et énergétique. Portons ensemble la fierté de nos missions et de nos métiers, pour les rendre attractifs et relever le défi démographique. C’est cette exigence d’actes concrets et de résultats positifs, ainsi que cette fierté conquérante, que nous porterons dans les consultations annoncées pour le Pacte d’orientation et d’avenir agricole en 2023. Nous sommes à un point de bascule où le contexte climatique et géopolitique exacerbe les concurrences et impose lucidité dans les orientations des politiques publiques et courage dans leur mise en œuvre.

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA et du Copa.