Élevage allaitant
Un secteur marqué par la décapitalisation
On parle beaucoup de décapitalisation dans l’élevage bovin allaitant. C’est le cas, particulièrement en Bourgogne Franche-Comté. Une récente étude d’Agreste permet de mieux cerner les contours des tendances à l’œuvre.
Près de 13 000 en 2000, un peu plus de 7 000 en 2022 : voici l’évolution du nombre d’exploitations élevant des bovins allaitants en Bourgogne Franche-Comté (BFC), telle que révélée par une étude d’Agreste portant sur l’élevage bovin allaitant régional. Une diminution de moitié, forcément, ça interpelle et cela traduit de manière assez spectaculaire la tendance à la décapitalisation, observée de manière globale dans ce type d’élevage. Cette décapitalisation, on en parle beaucoup mais l’approche précise et chiffrée d’Agreste la rend palpable. D’autant plus que l’évolution constatée n’est pas anodine dans une région qui dispose du troisième cheptel allaitant de France, derrière Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine. Toutefois, Agreste note qu’en raison de la taille très hétérogène des régions administratives, la BFC détient la densité de bovins allaitants la plus élevée avec près de 26 animaux au km2.
Hausse de la part des exploitations spécialisées
En 2022, 1 238 000 bovins allaitants étaient présents sur la région, soit 71 % du cheptel bovin total. La population de vaches allaitantes reproductrices représentait 470 000 animaux. En ne prenant en compte que les exploitations de plus de 10 vaches, l’exploitation de bovins allaitants se compose en moyenne de 77 vaches reproductrices en BFC, contre 52 vaches en moyenne en France. Les départements très spécialisés de la Nièvre et de Saône-et-Loire détiennent respectivement 88 et 81 vaches en moyenne par exploitation. La part des exploitations spécialisées augmente régulièrement depuis 2000. En 2022, elle a atteint près des deux tiers des exploitations de bovins allaitants de la région (64 %). Les départements de la Saône-et-Loire, de la Nièvre et de la Côte-d’Or, où l’on retrouve les bassins traditionnels de production de bovins allaitants, regroupent 82 % des effectifs de bovins allaitants de la région. La race Charolaise est toujours très bien représentée avec 79 % des effectifs de bovins allaitants, mais tend à laisser plus de place aux autres races allaitantes. La mise en marché des bovins produits en BFC est assurée par divers opérateurs reconnus, coopératifs ou privés. Quatre Organisations de producteurs commerciales (OPC) interviennent sur le territoire régional : Feder et sa filiale Feder- Éleveurs Bio, Sicarev Coop, Franche-Comté Élevage. À cela s’ajoutent trois organisations de producteurs non-commerciales : Elvea 21-89, Elvea 71-58 et Elvea Franche-Comté. Trois marchés aux cadrans ou de gré à gré viennent compléter l’offre de mise en marché régionale. Il s’agit des marchés de Saint-Christophe-en-Brionnais en Saône-et-Loire, Moulins-Engilbert et Corbigny dans la Nièvre.
Érosion des exportations
Ces marchés ont commercialisé 103 000 animaux en 2022 dont 6 000 bovins destinés à la boucherie et 97 000 animaux maigres. L’export d’animaux vifs concerne les mâles et femelles de 6 à 18 mois destinés à l’engraissement. En 2022, 182 000 animaux de la région sont exportés dont 70 % de mâles et 30 % de femelles. Les effectifs exportés sur l’année 2022 sont en baisse de 8,3 % par rapport à 2021. Aussi bien chez les mâles que chez les femelles, l’érosion du nombre d’animaux exportés s’accélère depuis les dernières années en lien avec la décapitalisation du cheptel allaitant français. Les départements de la Nièvre et de Saône-et-Loire sont les deux plus importants pourvoyeurs d’animaux maigres avec 138 000 animaux soit 75 % de l’export régional. En 2022, le principal pays bénéficiaire à l’export restait l’Italie avec près de 85 % des effectifs. L’Algérie et l’Espagne arrivaient ensuite avec environ 10 % des animaux exportés. Depuis 2020, l’élevage allaitant a pu constater une nette progression des cours de la viande. L’une des raisons de cette situation aura été la crise Covid au cours de laquelle la demande en viande hachée aura été si forte que les approvisionnements en vaches laitières de réforme ne suffisaient plus. Les industriels ont alors eu plus recours aux vaches allaitantes. En parallèle, la décapitalisation du cheptel a aussi eu un impact sur les cours, en faisant diminuer l’offre disponible. En BFC, le résultat courant médian des exploitations spécialisées de bovins viande s’élevait à 21 373 € en 2021 avec la moitié des entreprises se situant entre 11 500 € et 43 000 €. De 2005 à 2021, le résultat médian moyen était de 21 580 €, évoluant selon les années entre 15 000 et 30 000 € avec une tendance cependant à la baisse. Seules 10 % des exploitations de bovins viande affichaient des résultats supérieurs ou égaux à 60 000 € en 2021. D’autre part, on observe que depuis 2005, l’écart se creuse entre les exploitations affichant les meilleurs et les plus faibles résultats courants.
Signes de qualité et bio
Quatre signes officiels de qualité (hors Agriculture biologique) coexistent sur le territoire de BFC. L’AOC Bœuf de Charolles est reconnue depuis 2010 par le ministère de l’Agriculture. L’AOP l’est depuis 2014 par l’Union Européenne. Elle concerne 155 communes couvrant la moitié du département de Saône-et-Loire, une partie du département de la Loire, la partie sud-est du département de la Nièvre ainsi qu’une commune du département du Rhône. En 2023, 165 producteurs sont habilités à produire sous cette AOP pour un volume de 734 tonnes (+ 8 % par rapport à 2021). L’IGP Charolais de Bourgogne, reconnue en 2017 par l’UE, concernait 835 éleveurs en 2021 et 182 tonnes de viande sous cette démarche. Avec 1 505 communes, l’aire géographique s’étend sur tout ou partie des départements de la Bourgogne ainsi que sur une partie de la Loire et du Rhône. L’IGP Bœuf Charolais du Bourbonnais, d’abord Label Rouge dès 1974 et IGP depuis 1996 concerne principalement le département de l’Allier mais permet aussi à quelques producteurs situés dans la Nièvre ou la Saône-et-Loire de produire des animaux avec cette démarche. Enfin, en 2021, 1 800 producteurs étaient habilités sur la région à produire sous deux signes de qualité Label Rouge « Viande bovine de race Charolaise » commercialisés sous deux marques différentes : « Tendre Charolais » en boucherie et « Plaisir Charolais » en GMS pour le premier et sous la marque « Charolais Terroir » pour le deuxième. N’ayant pas d’aire géographique rattachée, ces deux Label Rouge, spécifiques à la race Charolaise, ont commercialisé 7 650 tonnes de viande au niveau national dont 80 % issues d’exploitations des régions BFC et Auvergne-Rhône-Alpes. Pour conclure, l’élevage de bovins allaitants biologique en BFC représente 512 exploitations pour un total de 17 201 vaches nourrices. En 11 ans, le nombre d’exploitations a plus que doublé et le nombre de vaches a été multiplié par presque 2,5. Un pic de conversions a été atteint en 2016 mais le rythme s’est un peu ralenti depuis. La plus faible dynamique de conversion remarquée ces dernières années peut s’expliquer par plusieurs facteurs. La grille de prix des bovins bio qui apporte une stabilité des prix payés aux producteurs apparaît comme un handicap quand les prix conventionnels sont longuement hauts. L’arrêt de l’aide au maintien en agriculture biologique pèse sur le revenu des éleveurs déjà en place. La consommation de viande bio (catégorie boucherie – source Agence bio 2021) a connu une baisse de 6 % par rapport à 2019.
Une valeur de production potentielle bien réduite
Au-delà de la forte chute du nombre d’exploitations de bovins allaitants soulignée en début d’article, l’étude d’Agreste fournit également une autre donnée intéressante : la Production brute standard (PBS). Cette PBS est une production potentielle de chacune des exploitations, calculée selon les prix et rendements d’une année donnée. Les coefficients de PBS représentent la valeur de la production potentielle par hectare ou par tête d’animal présent hors toute aide. Si l’on regarde son évolution entre 2000 et 2022, on constate qu’elle est passée de 10 095 euros à 5 819 euros. La valeur de la production potentielle a donc été divisée par deux alors que, dans le même temps, le nombre moyen de vaches par exploitation a progressé de 39 à 67.