Agriculture sociétaire
La promotion de l'agriculture de groupe en mal de relais sur le terrain

Berty Robert
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L’association Gaec et Sociétés réunissait ses représentants de Bourgogne-Franche-Comté récemment en Côte-d’Or. Elle cherche à renforcer ses actions en régions et témoigne de l’émergence de nouvelles formes sociétaires en agriculture.

La promotion de l'agriculture de groupe en mal de relais sur le terrain
L'agriculture de groupe que promeut l'association Gaec et Sociétés présente des formes de plus en plus variées.

Gaec et Sociétés est une association qui existe depuis plus de soixante ans mais, paradoxalement, elle souffre d’un certain déficit de notoriété. C’est une des raisons qui a justifié l’organisation d’un « tour de France » qui passait par la Bourgogne-Franche-Comté le 9 mars. Il est vrai que, dans ce domaine aussi, le Covid a fait son œuvre et n’a pas contribué à maintenir les instances régionales de l’association sur un niveau de visibilité très élevé. La réunion organisée à Bretenière, près de Dijon, avait donc pour but, entre autres de redynamiser les liens avec les départements et les régions. Il s’agissait de parler technique, mais aussi politique, et de connaître les attentes du terrain. Une approche d’autant plus nécessaire que, d’une part, le fonctionnement en Gaec et, plus largement, en structures sociétaires, se développe dans l’agriculture, et que d’autre part, ce développement s’effectue dans un contexte juridique et réglementaire de plus en plus complexe. Un juriste jurassien spécialisé dans les formes sociétaires et présent à la réunion du 9 mars le confirmait : « 2023 est vraiment notre année, à nous les juristes, nous sommes mis à rude épreuve… »

Le Gaec, une forme qui doit gagner en souplesse

« Beaucoup de clarifications sont à faire sur des contextes complexes, soulignait Victoria Timmerman, la juriste de Gaec et Sociétés. On doit aussi faire avec le poids croissant des problèmes de relations humaines au sein des formes sociétaires agricoles ». L’association travaille beaucoup sur les nouveaux modèles de société (par exemple les holdings, notamment en viticulture, mais aussi les Scop, les SCIC ou les SCEA…) mais aussi sur le cadre réglementaire lié à l’émergence de l’agriculture urbaine. « On cherche aussi à faire évoluer le Gaec, poursuit la juriste, perçu parfois comme trop rigide ». En fait, Gaec et Sociétés est confrontée à un double défi : la difficulté de mobiliser les agriculteurs travaillant sous forme sociétaire pour défendre ces structures et les promouvoir, et agir sur la prise en compte d’une société de plus en plus en mouvement, où les gens peuvent faire des choix professionnels différents, changeant, ce qui n’est pas sans conséquences pour trouver une stabilité dans les pactes d’associés. « Nous cherchons, poursuit Victoria Timmerman, à faire émerger un statut permettant à un associé de faire un essai. Peut-être qu’il faudrait faire évoluer le dispositif de parrainage Startagri, (pris en charge financièrement par le Conseil régional de BFC). Un contrat de parrainage avec une « brique » spécifique de droit à l’essai serait intéressant. Un tel projet pourrait être présenté dans le cadre de la constitution de la loi d’avenir agricole. Mais il y a aussi la nécessité d’y ajouter un accompagnement relationnel, avec des personnes agréées par Gaec et Sociétés. Il est très important de soutenir le droit à l’essai ». Pour améliorer la mobilisation de terrain, l’une des clés est sans doute de s’appuyer sur les jeunes agriculteurs mais l’un de leurs représentants à la réunion le soulignait : « nous sommes très sollicités, il est difficile d’être présent sur les formations Gaec, nous manquons de temps et souvent, il y a une méconnaissance de ces formations ». C’est d’autant plus problématique que 70 % des installations se font en Gaec.

Dans les départements

La réunion régionale de Bretenière aura permis d’effectuer un tour d’horizon des départements représentés :

-Dans la Nièvre, on dénombre près de 600 Gaec. Il apparaît difficile de mobiliser les jeunes pour le fonctionnement des commissions de Gaec. On constate également qu’un nombre croissant de dossiers de Gaec sont montés par des cabinets d’avocats, mais ils ne maîtrisent pas bien le sujet, ce qui pose parfois des problèmes pour obtenir l’agrément.

-En Côte-d’Or, on insiste sur l’importance des formations spécialisées, car, parfois, dans des montages de Gaec, on trouve des arrangements qui vont dans tous les sens. Ces formations sont également essentielles pour connaître les limites légales et les règles à respecter lorsqu’un associé de Gaec effectue par ailleurs une activité annexe. Il existe une limite de 536 heures par an pour ce type d’activité, qui n’est pas toujours connue des personnes concernées. Comme dans la Nièvre, on note la montée en puissance des cabinets d’avocats dans le montage de certains dossiers et là aussi, on constate un manque de maîtrise du contexte propre à ces formes juridiques.

-Dans le Jura, où l’on compte 450 Gaec, les choses se passent plutôt bien mais on note des difficultés par rapport à la loi Sempastous, qui étend la régulation du foncier au marché des parts sociales des sociétés agricoles, perçue comme trop complexe.

-Dans le Doubs, on dénombre environ un millier de Gaec. Le fonctionnement des Commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA) est jugé assez bon. Dans ce département, on met également en place des formations de conciliateurs, pour gérer d’éventuels conflits entre associés.

-En Saône-et-Loire où sont recensés 850 Gaec, on se félicite des bonnes relations avec la DDT, mais on note des difficultés permettant de régler des problèmes de mésentente. Des difficultés mises sur le compte d’un manque d’outils réglementaires. Enfin, dans ce département, de plus en plus de Gaec unipersonnel peinent à trouver des associés. Le statut de Gaec unipersonnel est valable un an et ne peut être renouvelé qu’une fois.

L'agriculture sociétaire en chiffres

D’après Gaec et Sociétés :

- on dénombre 213 000 agriculteurs en sociétés en France

- ils sont 91 000 en Gaec

- 78 000 en EARL

- le nombre de Gaec a dépassé celui des EARL en 2016