Combustible
Faute de disponibilités, le granulé bois flambe

Leïla Piazza
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Tendance, le granulé de bois connaît néanmoins une crise majeure en cet automne. Victime de son succès, il se fait rare et cher. Éléments d’explication.

Faute de disponibilités, le granulé bois flambe
Le prix du granulé a quasiment triplé en un an, atteignant environ 800 € la tonne. (Crédit Artiteer).

Les rayons des grandes enseignes sont parfois vides, des fournisseurs affichent des listes d’attente et lorsque l’on arrive enfin à trouver du combustible, celui-ci est vendu à un prix allant de 10 à 15 € le sac de 15 kg. « Le prix du granulé a quasiment triplé en un an, atteignant environ 800 € la tonne », se désole le délégué général de l’association nationale du chauffage au granulé, Propellet, Éric Vial.

Granulés et bois

Les prix des stères de bois (variables en fonction des régions et des découpes) connaissent certes une augmentation mais sans commune mesure avec celle des granulés, laissant beaucoup d’observateurs pantois quant à cette différence de situation. L’explication est pourtant simple : le marché du bois et celui du pellet sont très différents. Le premier est un produit brut, qui répond à des logiques de marché hyperlocal, fait de multiples petits producteurs aux clients fidèles, et reste ainsi plus éloigné de la loi de l’offre et de la demande. Le granulé de bois, au contraire est un produit transformé. « En France, 90 à 95 % des volumes de granulés sont produits à partir de connexes de scierie : de copeaux, de sciures… Or, aujourd’hui, les mises sur le marché de maisons neuves diminuent. Du coup, les volumes d’activité des scieries chutent », explique Éric Vial. « La conséquence de cette raréfaction est simple : le prix de la matière première a doublé depuis l’année dernière », précise son collègue, Michel Cochet, président de Fibois Auvergne-Rhône-Alpes (interprofession) et lui-même dirigeant d’une entreprise de fabrication de granulés en Isère. De plus, le process de fabrication des granulés nécessite de broyer la matière première, de la sécher puis de la compacter à l’aide de presses industrielles. Autant d’étapes qui nécessitent de l’énergie, dont les prix ont flambé ces derniers mois. S’y ajoutent enfin une augmentation des prix des transports et des emballages. « Et on se retrouve avec un prix du granulé qui double naturellement », conclut Éric Vial. Un phénomène auquel s’ajoute un effet d’affolement, selon les deux spécialistes de ce marché à la croissance exponentielle.

Un effet d’emballement

En effet, le marché des granulés connaît ces dernières années une progression exceptionnelle. D’un côté, l’État a engagé une politique visant à terme la fin des chaudières à fioul et misant sur les énergies renouvelables. Les aides à l’installation, accompagnées jusque-là de tarifs attractifs, ont poussé de nombreux particuliers et collectivités à se tourner vers les pellets. Ainsi, entre 2020 et 2021, les ventes de poêles à granulés ont augmenté de 41 % et les ventes de chaudières à granulé de 120 %, selon Propellet. L’augmentation de la demande avait été néanmoins anticipée, relève Éric Vial : « Cette année, trois nouvelles usines ont ouvert, ce qui représente environ 270 000 tonnes supplémentaires. Et les fabricants ont adapté leurs process pour produire plus. » Dans l’usine de Michel Cochet par exemple (Alpes Énergie bois), « on a augmenté de 25 % notre production en 2022 ». La région Aura compte ainsi dorénavant seize usines, pour une capacité de production de 650 000 tonnes, contre 440 000 tonnes en 2020, estime Fibois Aura. « Finalement, le vrai problème aujourd’hui c’est un mouvement de panique, comme celui que l’on a vu pour le papier toilette ou la moutarde », avance Éric Vial. « Depuis le mois de mars, alors qu’il fait chaud, on fait face à une demande inhabituelle. Un phénomène dont les médias se sont emparés, ce qui a contribué à accélérer le mouvement de panique. » Résultat : un gonflement artificiel de la demande. En effet, en fonction du nombre de nouvelles installations, Propellet estime qu’« entre 2021 et 2022, la croissance du marché aurait dû être de 13 à 14 %. Or, on constate aujourd’hui une hausse des achats deux à six fois plus importante que les besoins réels. Les gens surréagissent et achètent plus que leurs besoins ». C’est pourquoi aujourd’hui, les acteurs de la filière appellent à la raison et contingentent les achats afin de permettre à chacun de se fournir, de laisser le temps aux usines de produire et au marché de se calmer. Michel Cochet reste cependant confiant : « Je pense qu’en 2023, la situation va se stabiliser et retrouver des niveaux de prix certes supérieurs aux années précédentes mais inférieurs au pic actuel. Le granulé restera intéressant économiquement. D’autant qu’il crée des emplois en France et participe à décarboner l’économie ».