Sécurité alimentaire
Semences et sécurité alimentaire

Actuagri
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Dans le contexte extrêmement incertain qui accompagne aujourd’hui l’agriculture au plan mondial, la question des semences est centrale. Elle a marqué de nombreux échanges lors d’une rencontre récente.

Semences et sécurité alimentaire
Les acteurs du secteur des semences sont plus que jamais conscients de la nécessité de faire émerger de nouvelles variétés.

« Les semences françaises sont fondamentales pour la sécurité alimentaire mondiale », a déclaré Étienne Regost, directeur général d’Exelience, l’un des principaux producteurs français de semences de céréales à paille, lors de la Rencontre filière Semences céréales à paille et protéagineux organisée par Semae, l’interprofessionnel des semences, le 7 avril à Paris. Face aux incertitudes climatiques qui conditionnent de plus en plus les volumes de production agricole, les agriculteurs et les opérateurs de la filière ont un besoin croissant de variétés susceptibles de résister à la sécheresse et au stress hydrique en particulier. En effet, même si la pluviométrie annuelle n’évolue guère d’une année sur l’autre, le régime des pluies s’est sensiblement modifié. « Il pleut davantage en hiver et moins en été », observe Serge Zaka, docteur en agroclimatologie. Sans parler de l’élévation générale des températures qui pèse sur les rendements.

Faire évoluer les pratiques culturales

Anne-Claire Vial, présidente d’Arvalis Institut du végétal, abonde dans le même sens. Si la gestion de l’eau devient primordiale, comme l’a montré le Varenne de l’eau et du changement climatique, il importe que les filières se mobilisent pour faire évoluer les pratiques culturales et mettre au point de nouvelles variétés plus adaptées au changement climatique. Ce dont a bien conscience Arvalis qui vient de lancer des programmes de recherche en ce sens, en s’associant avec d’autres organismes de recherche européens. Aujourd’hui les incertitudes sur les marchés agricoles viennent renforcer l’importance des semences dans la quête de la souveraineté alimentaire. Les marchés des denrées de base qui étaient déjà orientés à la hausse, ont repris des couleurs avec la crise sanitaire début 2020. Le conflit entre la Russie et l’Ukraine n’a fait qu’exacerber les tensions sur les prix agricoles qui ont atteint des niveaux jusqu’à présent inégalés, entraînant dans le sillage l’inflation des prix alimentaires et des risques de troubles sociaux dans le monde. Depuis les émeutes de la faim en 2008, les marchés agricoles évoluent « au rythme de considérations non agricoles », à savoir les incidents climatiques et de plus en plus la géopolitique, estiment Sébastien Abis le directeur du Club Démeter et Michel Portier, le directeur général d’Agritel.

Une récolte 2022 déjà compromise en Ukraine

Aujourd’hui le conflit russo-ukrainien oppose deux acteurs majeurs sur le marché des céréales et du blé en particulier. Depuis l’éclatement de l’Union soviétique au début des années 1990, la Russie a considérablement développé sa production agricole et « mise désormais sur la Sibérie », pour accroître son potentiel. Idem pour l’Ukraine qui est également devenue un grand pays agricole et qui contrôle 5 % du commerce international, toutes productions agricoles confondues. Si bien que de nombreux pays, notamment sur le pourtour méditerranéen, l’Égypte en particulier, dépendent de la Russie ou de l’Ukraine pour leur approvisionnement en céréales. Aujourd’hui, les exportations ukrainiennes à partir des ports de la Mer noire sont interrompues. « Même si le conflit s’arrêtait rapidement, les expéditions à partir de la Mer noire ne pourront retrouver leur rythme habituel que dans plusieurs mois, voire plusieurs années en raison de la destruction des silos et des infrastructures portuaires », estime Sébastien Abis. Sachant que la récolte céréalière 2022 est elle-même déjà compromise, faute de mise en culture dans les zones ravagées par le conflit. Si la crise sanitaire a permis de prendre conscience des risques de rupture dans l’approvisionnement des denrées agricoles à cause des défaillances dans la chaîne logistique, le conflit russo-ukrainien fait redécouvrir la fragilité de l’équilibre alimentaire mondial et l’importance stratégique de l’agriculture. « Guerre ou pas, Covid ou pas, l’agriculture c’est le futur », estime Sébastien Abis.