Nouveau Premier ministre
Michel Barnier, attendu sur les sujets agricoles
La nomination du nouveau Premier ministre, le 5 septembre, retient toute l'attention des milieux agricoles. Certes, Michel Barnier a lui-même été ministre de l'Agriculture par le passé, mais c'est surtout sur sa capacité à gérer les dossiers qui ont motivé les manifestations du début d'année qu'il est attendu.
Michel Barnier est donc le nouveau Premier ministre nommé par Emmanuel Macron au terme d'une longue période (plus de cinquante jours) ponctuée de consultations diverses, de fausses pistes, de rumeurs, de personnalités sorties d'un chapeau avant d'y retourner très vite… À 73 ans, le nouveau locataire de Matignon fait partie depuis longtemps du paysage politique français. Sa nomination n'est pas passée inaperçue dans les milieux agricoles et pour cause : Michel Barnier fut ministre de l'Agriculture du Président Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2009. Auparavant, il aura été l'un des plus jeunes députés de France, élu en 1978, à 27 ans, en Savoie, et réélu sans discontinuer jusqu’en 1993. Il a décroché son premier poste de ministre, de l'Environnement, lors de la seconde cohabitation (1993-1995) avec François Mitterrand. Ministre délégué aux Affaires étrangères (1995-1997) sous la présidence de Jacques Chirac, il est un temps sénateur avant de devenir Commissaire européen à la Politique régionale (1999-2004).
Un intérêt particulier
Nommé ministre des Affaires étrangères entre 2004 et 2005, il devient ministre de l’Agriculture en 2007. Une période marquée, en 2008, par une augmentation de la valeur de la production agricole (+3,8 %) mais aussi par une chute du revenu net des entreprises agricoles (RNEA : -20 %). L’année 2009 sera identique à la précédente (-34 % pour le RNEA) avec en prime un décrochage du commerce extérieur agricole après trois années de hausse consécutives. Avec un tel « pedigree » sa nomination a forcément suscité l'intérêt particulier d'un milieu agricole français à peine sortie d'une des plus graves crises de son histoire, en début d'année, et inquiet de voir mises sur « pause » par la dissolution de l'Assemblée nationale un certain nombre de réformes jugées favorables (moins de contraintes environnementales, meilleure prise en compte des coûts de production dans la rémunération des agriculteurs, simplifications administratives…) Dès sa nomination, le 5 septembre, les réactions de la profession agricole n'ont pas tardé. Jeunes Agriculteurs et la FNSEA ont appelé Michel Barnier à placer l’agriculture dans les priorités immédiates de son Gouvernement, « pour lever au plus vite les incertitudes qui pèsent sur l’activité agricole », ont réagi les deux organisations syndicales agricoles. La FNSEA et JA suggèrent au nouveau chef du gouvernement de « corriger les dérives structurelles qui grèvent le goût d’entreprendre en agriculture pour redonner toute sa capacité de production à notre pays. » Lui rappelant les fortes attentes nées des mobilisations historiques du début de l’année 2024, les deux syndicats l’invitent à se saisir au plus vite de leur loi « Entreprendre en agriculture » qu’ils ont présentée le 30 août. Ils lui demandent enfin de nommer « dans les plus brefs délais un ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire de plein exercice ».
Dialogue et négociation
De son côté, le 6 septembre la Coopération agricole (LCA) a émis le souhait de « co-construire » avec lui et les membres du gouvernement et les acteurs de la filière, « une stratégie alimentaire conquérante pour notre pays », a-t-elle indiqué dans un communiqué. « La bataille de la compétitivité en termes de coûts et de prix doit être une priorité », ajoute LCA qui compte « sur les capacités de dialogue et de négociation de Michel Barnier pour relancer les travaux législatifs et réinscrire la Loi agricole à l’agenda ». La fédération des coopératives se dit également « attentive au cap qui sera donné à l’agriculture et l’agroalimentaire dans le discours de politique générale » qui pourrait intervenir début octobre, selon Michel Barnier lui-même. Mais le nouveau Premier ministre devra aussi faire avec les tenants d'une accélération sur la protection de l'environnement. Ainsi, selon plusieurs ONG du secteur : sa nomination devra être l'occasion de replacer « l'écologie au cœur de l'action gouvernementale » et de rouvrir des « dossiers urgents » comme le plan d'adaptation au changement climatique ou la stratégie bas carbone. Autant dire que le nouveau Premier ministre devra faire preuve d'une capacité certaine en matière de grand écart, tout en manœuvrant habilement face à une Assemblée nationale sans majorité absolue et qui, à sa gauche comme à sa droite, surveillera la moindre de ses décisions. La question est : qui pour le poste de ministre de l'Agriculture dans le Gouvernement en cours de constitution ? Le départ du Gouvernement actuel d'Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire paraît acté. Quant au, ou à la, remplaçant(e) de Marc Fesneau, il ou elle aura sur les épaules une responsabilité particulière, avec des attentes très fortes, encore aggravées par les mauvais résultats des moissons 2024, la crise sanitaire croissante liée à la FCO et à la MHE, et une récolte viticole qui s'annonce en recul de 18 % par rapport à 2023.
Quel souvenir laissé comme ministre de l'Agriculture ?
Plutôt apprécié de la plupart des acteurs professionnels de l’agriculture, selon un bilan de nos confrères d’Agra Presse réalisé en avril 2009, Michel Barnier a marqué les esprits en imposant un redéploiement des aides de la PAC vers la filière ovine contre l’avis des producteurs de grandes cultures, ce qui lui vaudra une ovation au congrès des producteurs d’ovins en avril 2009. C’est aussi durant ses fonctions au ministère de l'Agriculture, que Michel Barnier lance l’objectif de réduire de 50 % la quantité de pesticides. Après le Grenelle de l’environnement, lancé par Nicolas Sarkozy, Michel Barnier a aussi annoncé un plan de relance du bio, le programme de certification à Haute valeur environnementale (HVE) ou encore le plan de performance énergétique des exploitations. Il lui fut reproché son manque de combativité en tant que ministre de l'Agriculture sur plusieurs sujets agricoles à Bruxelles. Jean-Michel Lemétayer, alors président de la FNSEA, lui reprochera ainsi de ne pas avoir assez défendu les quotas laitiers face à la commissaire agricole Mariann Fischer Boel. Les professionnels de l’agriculture estiment aussi pour certains qu’il n’a pas réussi à imposer les bases d’une Pac forte pour l’après 2013 jetées durant la présidence française de l’Union européenne. Il aura en revanche réussi à imposer à Bruxelles l’idée d’une boîte à outils permettant aux États membres d’adapter la PAC à leur contexte.