Colloque Écophyto
La force de l'intelligence collective pour réduire l'usage des phyto

Berty Robert
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Destiné aux conseillers agricoles de toutes filières, le colloque Écophyto organisé le 30 novembre à Beaune a mis en évidence une donnée nécessaire dans cette volonté de réduire l’usage des produits phytos : s’appuyer sur l’intelligence collective.

La force de l'intelligence collective pour réduire l'usage des phyto
Ce colloque Ecophyto, organisé au lycée viticole de Beaune, a attiré des conseillers agricoles de toute la Bourgogne Franche-Comté. Le défi de la réduction des intrants phyto les pousse à repenser leurs pratiques professionnelles.

Combiner conseil individuel et action collective pour mieux accompagner les agriculteurs dans la réduction de l’utilisation des produits phytos, c’était le thème central du colloque Écophyto, organisé le 30 novembre à Beaune, par la Chambre régionale d’agriculture BFC, avec le soutien de la Draaf BFC. Il faut, pour les acteurs concernés, aller vers ce but dans le contexte de la stratégie Écophyto 2030. « Il y a une vraie volonté, pour les agriculteurs, rappelait Fabrice Faivre, président du comité d’orientation régional Agronomie et Filières végétales à la Chambre régionale d’agriculture, de faire évoluer les pratiques, mais avec un principe de base : pas d’interdiction sans solution ». Il reconnaissait la nécessité pour les agriculteurs de se former sur ces questions et de renforcer le conseil stratégique. Ce colloque, soulignait Christophe Blanc, directeur-adjoint de la Draaf BFC, résultait d’ailleurs d’attentes exprimées depuis 2019 par de nombreux conseillers techniques conscients de la complexité croissante des situations à gérer à l’avenir, en lien notamment avec le changement climatique.

Allongement de rotations

Il fut l’occasion de découvrir des actions collectives de terrain qui tentent d’avancer dans ce domaine de la réduction du recours aux produits phytos. Une table ronde sur les enjeux, les outils et les freins à la réduction de ces produits permettait de comprendre comment les réflexions des uns et des autres se construisent. Ainsi, Franck Lullier, agriculteur du Jura, soulignait l’importance d’un retour à l’agronomie dans ses pratiques et insistait sur un point : « avant de penser aux produits de traitement, il faut penser aux bonnes conditions du sol. Le taux de matière organique est important : il permet d’atténuer certains problèmes d’adventices ». Cet agriculteur est parvenu, en allongeant ses rotations de trois à cinq ans et en ayant recours à des couverts, à abaisser son Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT) de 4,25 à 2,31. Un résultat qu’il doit aussi à une dynamique de réflexion en groupe : « à plusieurs, il est plus facile de mettre en place des mélanges de variétés de blés ou des couverts permanents dans certaines cultures. Réduire les phytos, c’est prendre un risque que l’on doit mesurer, parce qu’économiquement on n’a pas le droit à l’erreur ». Pour que cette dynamique de groupe se mette en place et perdure dans le temps, il faut un catalyseur : Florian Bailly-Maitre en est un. Ingénieur au sein de la Chambre d’agriculture du Jura, il s’occupe, depuis 2011, d’un groupe Dephy qui fédère 9 exploitants de la plaine du Jura. « La difficulté, expliquait-il, est de faire se connaître des agriculteurs éloignés les uns des autres et très différents. Au départ, le groupe présentait des IFT un peu inférieurs à la moyenne régionale (autour de 5,2). Certains ont beaucoup diminué et d’autres moins ».

Pas de simplisme

Le fonctionnement en groupe, très riche en échanges et partage d’expériences, est aussi une école d’humilité : la diversité des composantes peut se traduire par des résultats eux aussi très disparates. Ce qui prouve qu’en la matière, les visions simplistes ne peuvent avoir cours. « Le groupe doit être conscient qu’il faudra plusieurs années pour obtenir des résultats. On se fixe un objectif de réduction des IFT et on réfléchit à la manière d’y arriver. Je dois parfaitement connaître le groupe pour jouer sur certains des membres et dépasser les a priori. On peut alors parvenir à une co-conception de terrain ». En matière de désherbage, une partie de la réponse se trouve peut-être dans un « mix » entre solution mécanique et chimique. C’est ce que pense Vincent Vaccari, d’Alliance BFC, responsable d’un club Agroéco et de la ferme expérimentale de Fromenteau, en Côte-d’Or : « Le tout désherbage mécanique, c’est compliqué : on est confrontés à des échecs réguliers. On allonge les rotations, mais là aussi, c’est complexe car nous disposons de faibles réserves en eau. Combiner la chimie et la mécanique améliore les choses, en ce qui nous concerne ». Là aussi, on tente de nombreuses pistes : macération des plantes, biostimulants, plantes compagnes face aux insectes ravageurs et même seigle fourrager (pour la méthanisation), qui permet d’avoir une culture porteuse de revenus et d’allonger les rotations. On le voit, la question de l’utilisation des phytos est difficile à trancher et réclame des approches collectives.

Pas qu’un problème d’agriculteurs

C’est ce que confirmait, en conclusion de la table ronde, Floriane Derbez, sociologue à l’Institut Agro Dijon : « La diversité dans les groupes est un vrai moteur. Il faut des bios et des conventionnels pour dépasser des clivages. Il faut la diversité des systèmes. Les occasions de dialogue sont rares, on fonctionne trop en silos. Pour les conseillers, c’est presque un changement de métier, très déstabilisant : il faut accepter ses déficits de connaissance alors qu’on est normalement dans une position de « sachant ». Enfin, la question de la baisse des intrants ne doit pas être supportée que par les agriculteurs, il faut mettre plus de monde dans la boucle : les coopératives, les consommateurs… Les Projets alimentaires territoriaux (PAT) peuvent être les outils de mise en discussion de ces enjeux ».