Gestion forestière
Faire face aux enjeux climatiques et sanitaires

Chloé Monget
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Le 17 juin, le Centre National de la Propriété Forestière de Bourgogne Franche-Comté (CNPF) organisait une réunion d'information sur les solutions face aux problèmes climatiques et sanitaires. 

 

Faire face aux enjeux climatiques et sanitaires
Une trentaine de personnes a participé à la réunion d'information du CNPF.

C’est à côté de Tracy-sur-Loire que le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF) avait donné rendez-vous aux participants de la journée. Au programme de cette dernière : les problèmes sanitaires du Douglas suite aux derniers excès climatiques et la gestion en futaie irrégulière des anciens taillis sous futaie des chênaie-charmaie. Pour animer la rencontre, Nicolas Rasse (technicien Nièvre et service Systèmes d’Information Géographique, correspondant observateur du Département de la Santé des Forêts) et Pascal Poubeau (propriétaire, conseiller, gestionnaire et dirigeant du cabinet d’expert forestier « Pascal Poubeau ») étaient présents. Pour Denis Brovadan, 62 ans, propriétaire forestier (9 ha et bientôt 12 ha) à Varennes (89) et venu participer : « Cette journée dédiée au réchauffement climatique permet d’avoir des informations sur les essences à planter, celles à éviter… en somme, les éléments à prendre en compte pour éviter la catastrophe. En effet, avec les années de sécheresse qui s’accumulent, nous sommes obligés de tout remettre en question si nous souhaitons préserver nos forêts et les rendre pérennes et prospères ».

Espoir

Pour débuter la journée, Pascal Poubeau a présenté les deux massifs forestiers qui seraient visités dans la journée. Le but précis est de montrer une approche différente des gestions « traditionnelles » des Forêts, afin, comme il nous l’explique, « de garder espoir en l’avenir. Les excès climatiques actuels (manque d’eau, tempête…) marquent profondément l’aspect de nos forêts, mais il faut intégrer la résilience de la nature, sa capacité à s’adapter, se réinstaller et reprendre vie, il faut juste lui laisser le temps. Ce raisonnement est bien entendu naturel, de bon sens terrien mais le fait de ne pas tout couper, de « jouer » avec la nature et sa capacité à se régénérer est aussi un raisonnement économique pragmatique. Pourquoi vouloir imposer notre volonté là où la nature nous aide généreusement, gratuitement ? ». Nicolas Rasse rebondit : « Même si certains arbres nous paraissent mal en point, ils savent réagir pour survivre. Il ne faut donc pas être trop pessimiste ».

Conseils

Pascal Poubeau poursuit : « pour trouver des solutions aux enjeux qui nous touchent, un raisonnement large est nécessaire à la gestion d’une forêt, il faut savoir prendre du recul, observer… Par exemple, il est impératif de mélanger les feuillus et les résineux. Il faut diversifier les essences pour améliorer les sols, limiter les risques d’adaptation, répartir les risques économiques, permettre une plus grande diversité écologique, sociale… Il faut travailler l’existant, et ne pas se refuser quelques introductions ponctuelles d’essences non autochtones mais surtout faire attention à toutes décisions trop hâtives et définitives. Le couvert préserve des conditions microclimatiques favorables à l’installation et permet l’acquisition d’une régénération naturellement diversifiée (Douglas, chêne, charme, merisier, noyer, bouleau). Ce renouvellement doit être accompagné de travaux sylvicoles réguliers et ciblés qui ne seront entrepris que si la situation l’exige (dosage des essences, taille de formation, élagage d’arbres d’avenir…). Le forestier peut opter pour une récolte progressive du peuplement adulte, donnant ainsi la possibilité à un maximum d’arbres de qualité d’atteindre leur optimum d’exploitabilité. Pour un peuplement de Douglas considéré comme dépérissant, cette approche reste malgré tout financièrement très bénéfique. Ici, en 20 ans, le peuplement a permis de récolter 2,5 fois le volume initial ! Il faut garder en mémoire qu’une bonne exploitation doit être raisonnée. Elle dépend de l’aménagement des accès (chemins pierrés, cloisonnement dans les peuplements) et des lieux de stockage des produits de la forêt. Certes, cela demande du travail mais cela n’est jamais perdu. Améliorer la génétique d’une essence est important mais il faut avant tout se focaliser sur une saine et bonne gestion ».

Replanter, la solution miracle ?

Ceci dit, si le reboisement peut être séduisant, Pascal Poubeau insiste : « C’est une technique qui est très difficile à maîtriser. Énormément de paramètres peuvent interférer et réduire le taux de réussite ou se traduire par un échec in fine. Il cite parmi tous ces points, la qualité des plants et leur mise en place, le risque de dessèchement des racines, l’adaptabilité au sol de l’essence introduite… ».

 

Au préalable

Mais avant de penser aux solutions à mettre en place, l’évaluation de la situation sanitaire des arbres est à quantifier. Dans le cas du Douglas, la méthode DEPERIS « donne une idée de l’état de santé de l’arbre afin de prendre les mesures qui s’imposent en cas de besoin » pointe Nicolas Rasse. Pour rappel, cette note DEPERIS s’obtient par l’évaluation de la mortalité de branches, couplée avec le manque d’aiguilles (dans le cas des résineux – sauf mélèze) ou le manque de ramification (dans le cas des feuillus). Cette note synthétique permet ensuite de savoir si le peuplement est dépérissant ce qui se caractérise par plus de 20 % d’arbres dégradés. Outre cela, il existe la méthode ARCHI, dédiée au Douglas, pour évaluer visuellement son état de santé (résilient, dépérissant, stressé, en descente de cime ou encore mort). Cette clé se focalise sur certains points d’observation comme l’état du houppier (hors concurrence ou sous la flèche), de l’arbre entier, de la face supérieure des branches ou encore du tronc…

Les chênaies

Peuplement très répandu, les chênaies de Bourgogne représentent la moitié des surfaces forestières de notre région. Historiquement gérées en taillis sous futaie, elles sont aujourd’hui converties vers d’autres techniques, futaie régulière (amélioration puis coupe à blanc, régénération naturelle ou artificielle) ou futaie irrégulière (sylviculture à couvert continu, amélioration, régénération, ponctuelle, mélange des essences, etc.). Les forêts privées feuillues requièrent un traitement particulier pour permettre leur pérennité et leur productivité. Le propriétaire et le gestionnaire de la forêt visitée ont choisi la gestion en futaie irrégulière permettant des prélèvements réguliers en accord avec la capacité de production (et pas plus !), l’activation d’une régénération utile et progressive. « La conservation d’arbres imposants de très belle qualité (gros bois de gros diamètre, 80 voire 100 cm !) assure un rôle de stabilisateur, d’éducateur pour les petits » détaille Nicolas Rasse avant d’ajouter « une futaie irrégulière idéale dispose d’un couvert continu correspondant à environ 80 m3/ha à 100 m3/ha et d’une surface terrière comprise entre 12 et 15 m²/ha ». Dans tous les cas, Nicolas Rasse et Pascal Poubeau martèlent « il faut faire un état des lieux complet (étude des sols, inventaire des arbres, équipement, dépôts, intérêt écologique…) avant toute prise de décision, car les conséquences d’une décision sont irréversibles et entraînent des pertes financières qui peuvent être très importantes pour l’exploitation de ladite forêt, sur une échelle de temps qui nous dépasse ».

Les atouts d'une telle journée
Denis Brovadan participe aux réunions du CNPF depuis une dizaine d'années.

Les atouts d'une telle journée

Denis Brovadan, 62 ans, propriétaire forestier (9 ha et bientôt 12 ha) à Varennes (89) et venu participer à la journée souligne : « Cela fait une dizaine d’années que je suis les réunions car pour moi, il faut toujours s’informer et avoir des échanges sur nos gestions pour trouver des idées nouvelles. Par exemple, grâce aux présentations, j’ai décidé de changer mes pratiques en prélevant par petits morceaux afin de ne pas déboiser de grandes surfaces. Enfin, ces journées d’information nous permettent de rencontrer des gens que l’on ne voit pas ailleurs ; c’est aussi très enrichissant ».

Photo supplémentaire
Pascal Poubeau a prodigué certains conseils aux participants.