Innovation
Des innovations numériques pour l'agriculture

Pierrick Bourgault
-

Désormais, l’agriculteur bénéficie d’outils et d’applis pour comparer les prix du matériel et des approvisionnements, pour organiser sa production et mieux vendre. Tour d’horizon des innovations alors que vient de se tenir à Paris l’évènement LFDay, organisé par La Ferme Digitale.

Des innovations numériques pour l'agriculture
Chez Lituus, on propose un collier connecté pour animaux d'élevage.

Paris a accueilli récemment LFDay, un événement qui a rassemblé pour la sixième année une centaine de start-ups qui numérisent l’agriculture. LFDay est une initiative de « La Ferme Digitale », association fondée en 2016 et soutenue par les pouvoirs publics, afin d’encourager « l’innovation et le numérique pour une agriculture performante, durable et citoyenne ». C’était l’occasion de découvrir de nouveaux outils numériques. Les plus généralistes concernent l’achat sur internet. Farmitoo.com vend ainsi « du matériel agricole petit et moyen en ligne » ainsi que des pièces détachées. Selon Juliette Thibieroz, en charge de la stratégie pour cette entreprise : « notre objectif est de donner accès à un large choix à tous les agriculteurs, afin qu’ils puissent être livrés dans leur cour d’exploitation. On est les seuls à travailler sur sept pays d’Europe, en direct avec les fabricants. Nous fournissons plus de 150 000 références de 1 500 marques, avec 80 salariés pour 10 M€ de CA annuel ». Pas encore de phytos, ni d’engrais comme Agriconomie.com, à la gamme plus vaste, au chiffre d’affaires de 65 M€ sur 5 pays d’Europe et qui compte 75 salariés. L’entreprise affirme que de nombreux recrutements sont prévus dès septembre. Certains sites marchands se spécialisent, tels Delivagri.com et Cereapro.com pour les engrais, la paille et les semences.

Veiller sur les cultures et les animaux

Autre rôle joué par les outils numériques : veiller sur les cultures, le cheptel et les bâtiments. Roman Igual, PDG de la start-up Lituus (Lille), vend un collier connecté « qui surveille la reproduction, le bien-être et la santé des animaux. Mouvement, température, humidité, luminosité sont transmis toutes les cinq minutes et, après analyse, on alerte l’éleveur si nécessaire ». L’autonomie annoncée du collier est de cinq ans. Son coût s’établit à 60 € plus un abonnement annuel, « et la fabrication est française ». D’autres capteurs plus simples détectent une présence, l’ouverture de portes ou de fenêtres et préviennent l’agriculteur sur son smartphone, « car il est plus souvent sur son tracteur qu’au bureau. De son smartphone, il pourra ouvrir ou verrouiller une porte, allumer ou éteindre une lumière ». Avec Kropeo, Florian Lafoux lance une application destinée aux entreprises qui récoltent paille et fourrages et emploient des chauffeurs saisonniers sur des centaines de parcelles. « L’échange d’information était compliqué : beaucoup d’appels téléphoniques, des carnets papier, des délais pour obtenir les informations… ». Kropeo fournit un itinéraire qui tient compte des ponts et des tonnages autorisés sur les routes, « mais aussi permet de savoir ce qui a été fait dans telle parcelle, en temps réel, afin qu’un autre saisonnier puisse intervenir immédiatement et poursuivre la mission. C’est simple et rapide : sur son smartphone, chaque chauffeur déclare ce qu’il a fait, le nombre de bottes pressées, ramassées… » L’abonnement annuel est de 150 € HT par chauffeur et par an, dégressif par quantité. Florian Lafoux estime qu’au prix du temps machine, du personnel et du carburant, « on peut facilement économiser 1 000 € par chauffeur et par an ».

Le défi de la conservation

Les céréales récoltées, il faut les conserver dans un état « loyal et marchand », à l’abri des insectes, habituellement grâce à la réfrigération et aux insecticides. Félix Bonduelle propose son système Javelot, « pour diminuer de 30 à 70 % la facture d’énergie et de 90 % les insecticides, voire 100 % pour le bio ». Comment ? Grâce à des capteurs qui mesurent la température des grains, contrôlent la ventilation, vérifient la présence d’insectes et l’efficacité des pièges. Félix Bonduelle n’élude pas la dépendance aux microprocesseurs asiatiques et évoque « un autre sujet de souveraineté numérique : le stock de blé est une information stratégique, un acteur américain ou chinois ne doit pas gérer ces données qui doivent rester sur des serveurs en France ». De nouvelles pistes sont explorées. Ainsi, pour conserver les semences en améliorant leurs propriétés germinatives, les « plasmas froids des aurores boréales » développés par Thierry Dufour, PDG de la société Auxoway. « Notre spécificité est de pouvoir les générer dans des réacteurs à taille humaine dans lesquels on met nos semences. En 30 minutes d’un traitement peu énergivore, les plasmas froids limitent la prolifération des bactéries et des virus. On ne relargue aucune substance nocive dans l’environnement, car c’est de l’air qu’on ionise. » Thierry Dufour évoque des partenariats de recherche et un contrat avec Syngenta. Les mesures fournies par les capteurs aident à mieux connaître le vivant. Ainsi, Farid Magnani, président et fondateur de T4G (Tech For Gaia) présente sa ruche connectée : « En monitorant l’abeille domestique, qui est un marqueur naturel, on étudie aussi les autres insectes pollinisateurs. L’abeille domestique ne représente que 5 % des abeilles, et il y a aussi les bourdons, les papillons… » Les ondes électromagnétiques indisposent-elles le vivant, comme cela a été évoqué par plusieurs éleveurs ? Farid Magnani a la réponse : « Il y a nuisance si les dispositifs fonctionnent en permanence. Le nôtre ne s’allume que toutes les 10 minutes, et envoie brièvement l’information toutes les heures, via une sous-couche du GSM qui n’a pas d’influence sur les abeilles. » La numérisation peut-elle aider l’agriculteur face au réchauffement climatique ? La chaleur modifie la croissance des cultures et stresse les animaux dont la production de viande, de lait et le taux de reproduction diminuent. Selon Serge Zaka, docteur-chercheur en agroclimatologie et conférencier : « La quantification du stress permet d’anticiper des mesures : abreuvement, ventilation, brumisation, ombrage, et de décaler la nuit les heures de ration ». Il souligne l’intérêt de ces outils de connaissance fine afin d’aider les agriculteurs dans leurs décisions.