Loi d'orientation agricole
Le texte validé en conseil des ministres... mais renvoyé

Christophe Soulard
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Longtemps repoussé, le projet de loi d’orientation agricole vient enfin d’être présenté. Néanmoins, des groupes parlementaires d’opposition ont décidé de son renvoie devant le Conseil constitutionnel qui a huit jours pour se prononcer.

Le texte validé en conseil des ministres... mais renvoyé
De manière très symbolique, le PLOA reconnaît à l'agriculture un « intérêt général majeur » au même titre que l'environnement.

Repoussé à plusieurs reprises, le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture a enfin été présenté puis adopté en conseil des ministres le 3 avril. Il doit être transmis à l’Assemblée nationale pour un examen prévu le 13 mai puis au Sénat à la mi-juin, mais, entre-temps, le 9 avril, à l’initiative de LFI, une coalition des oppositions à l’Assemblée a décidé de le renvoyer devant le Conseil constitutionnel, estimant l’étude d’impact du gouvernement potentiellement insuffisante et insincère. Les membres du Conseil constitutionnel ont huit jours pour se prononcer. Cette décision a suscité la colère des Jeunes agriculteurs (JA) (voir encadré). Le gouvernement espère qu’il sera adopté définitivement avant l’été, sans préjuger de l’issue d’une possible Commission mixte paritaire qui interviendrait fin juin.

« Intérêt général majeur »

Que dit ce projet de loi que députés et sénateurs ne vont pas manquer d’amender en commission et lors des débats ? Il reconnaît que l’agriculture représente « un intérêt général majeur […] en tant qu’il garantit la souveraineté alimentaire de la nation qui contribue à la défense de ses intérêts vitaux fondamentaux ». L’agriculture se trouve ainsi juridiquement au même niveau que l’environnement. Ce qui constitue un rééquilibrage demandé par la profession, qui a vu, ces dernières années, de nombreux projets tués dans l’œuf par le recours abusif de certaines ONG écologistes. L’environnement a été déclaré d’intérêt général majeur en 1986… Cette nouvelle disposition permettrait de lever certains freins administratifs comme le curage des fossés, la construction de retenues d’eau et de bâtiments d’élevage, la plantation de haies… « Elle permet concrètement d’équilibrer, de pondérer les politiques publiques entre elles », explique-t-on dans l’entourage du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. Le texte qui a été validé par le Conseil d’État comporte plusieurs volets dont un consacré à l’orientation, la formation, la transmission et l’installation. Le renouvellement des générations est en effet le défi majeur de l’agriculture pour les dix prochaines années puisque d’ici 2035, plus de la moitié des agriculteurs partira à la retraite. Le gouvernement entend casser « le mur démographique » qui s’avance. « L’objectif est de former plus et former mieux », explique-t-on au cabinet de Marc Fesneau. Le projet de loi prévoit de lancer un programme national de découverte et d’orientation vers les professions agricoles pour « systématiser un instant de découverte » en école élémentaire. Il prévoit également le développement des offres de stages en agriculture et dans les industries agroalimentaires ainsi que la création d’un bachelor Agro (Bac +3, ndlr).

Gros travail sur l’installation

Concernant l’installation et la transmission, le texte entend rénover la politique actuelle par la création de France Service Agriculture qui constituera le guichet unique d’entrée pour les porteurs de projet et les cédants. Comme le souhaitait Jeunes Agriculteurs, les exploitations feront l’objet d’un diagnostic stress-test, pour confronter leur projet aux conditions climatiques futures de leur territoire, en fonction de la filière qu’ils ont choisie. Pour aider ceux qui ne peuvent pas accéder au foncier, le projet de loi met en place un groupement foncier agricole d’investissement. L’objectif poursuivi par le ministre est d’être sur le rythme d’une installation pour un départ. Autre volet du texte : la simplification. Sur ce point, « le régime des sanctions pour atteinte à l’environnement, parfois disproportionnées, sera revu », précise un proche collaborateur du ministre. L’idée générale est « de repenser l’échelle des peines et d’être plus dans une démarche pédagogique que dans une logique punitive », explique-t-il soulignant que les excès volontaires seront « naturellement condamnés ». Toujours dans ce domaine, le ministère prévoit l’unification de la réglementation des haies « pour sécuriser les agriculteurs dans leurs pratiques », mais également pour « sauvegarder et développer les haies ». Il prévoit aussi un dispositif de « présomption d’urgence pour accélérer les contentieux sur les projets de retenue d’eau et de bâtiments d’élevage en référé. » Ce texte sera complété par d’autres dispositions législatives et réglementaires qui sont « à part, hors champ du PLOA », indique le ministère. Cela concerne notamment le calcul des retraites sur les 25 meilleures années, le plan Écophyto 2030, ou la « mise sous tutelle » de l’Office français de la biodiversité par les préfets. Au moment même où se tenait le conseil des ministres, les Républicains auditionnaient la FNSEA avant de recevoir les autres syndicats agricoles. « Le compte n’y est pas en l’état et nous ne pouvons voter un tel texte sans des réponses fortes sur la fiscalité, le foncier, les non-surtranspositions à la française ! », a indiqué le député Julien Dive sur son compte X.

Réaction de JA face au renvoi au Conseil constitutionnel

Les Jeunes agriculteurs (JA) ont vivement réagi le 9 avril après l’annonce du renvoi au Conseil constitutionnel du projet de loi d’orientation agricole pointant du doigt son étude d’impact. « Jeunes Agriculteurs met en garde contre toute tentative de manœuvres politiques qui n’intéressent pas le monde agricole », indique leur communiqué. Il rappelle que ce texte vise « à faciliter l’installation et la transmission en agriculture […] à réformer en profondeur la politique d’installation en attirant davantage de jeunes […] en leur offrant les moyens de se projeter dans l’avenir et de réussir des transitions vers une agriculture plus résiliente sur les plans économique, social et environnemental ». Pour le syndicat agricole, la manœuvre des oppositions parlementaires menée par les députés LFI risque « de délégitimer et faire tomber cette loi importante pour notre avenir agricole », autrement dit de la rendre inefficace. Surtout de la faire tomber « dans le piège lamentable des jeux politiques et électoraux ». De son côté, le ministère de l’Agriculture a dénoncé une initiative de LFI qui « témoigne en réalité de sa volonté d’empêcher les simplifications attendues par les organisations professionnelles agricoles mais, plus encore, le monde agricole ».