Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne
2024, année « compliquée et transitoire » ?

Cédric Michelin
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Mi-décembre à Beaune, le BIVB tenait son assemblée générale. L’occasion de faire le bilan de l’activité de l’exercice 2022-2023 et de changer de présidence à mi-mandat. Le négociant Laurent Delaunay assume désormais la fonction. 2024 s’annonce riche en événements.

2024, année « compliquée et transitoire » ?
Le nouveau président du BIVB, Laurent Delaunay.

Alors que la crise viticole touche une majorité de vignobles en 2023, surtout le Bordelais, le BIVB commençait par l’activité du Pôle Marché & Développement pour faire un point sur la conjoncture actuelle des vins de Bourgogne. Pas de boule de cristal ici mais un travail de longue haleine pour aider les appellations et domaines à gérer au mieux leur avenir économique. « Beaucoup de nos travaux avancent bien pour apporter des modèles d’analyse : sur les stocks, sur le financement du cycle de l’exploitation viticole, sur la prospective stratégique… », se félicitait l’élu en charge de la commission économie, Manoel Boucher. « Nous avons tous besoin de plus d’intelligence économique et de plus de capacité d’anticipation », ajoutait-il. Sans rien dévoiler de l’avenir économique 2024 pour les vins de Bourgogne, il glissait quelques avertissements : « L’année prochaine s’annonce compliquée et transitoire », prédit-il, après avoir étudié plusieurs études macroéconomiques et récoltés de nombreux témoignages. « On constate déjà un certain ralentissement des flux », alerte-t-il. La Bourgogne viticole étant clairement en train de passer d’une situation de « pénurie » de vins à un « excédent », selon lui. À cela se rajoute une image de cherté de plus en plus préjudiciable. C’est ce que pensent et disent certains gros opérateurs à l’export, en grande distribution et même sur les réseaux sociaux, que le BIVB surveille attentivement. Cette écoute des consommateurs confirme que le sujet « prix » devient sensible, alors qu’au même moment la consommation d’alcool change. « L’évolution des consommateurs s’accélère ». Les jeunes générations se détournant des vins pour boire plus de bières notamment. Une évolution, qui, bien qu’anticipée par l’étude sur les consommateurs de demain réalisée par le BIVB, pose question. Sans réponse toute faite, le BIVB communique de plus en plus sur des critères environnementaux et sociétaux. Ces derniers seront-ils plus porteurs que la qualité, la tradition ou les codes du luxe ? « Tout l’enjeu est de suivre ces évolutions, glissait Philippe Longepierre, le directeur du pôle, il faut chercher à connaître les critères décisifs pour l’achat ».

Mieux piloter les marchés

Alors que toutes les déclarations de récolte n’étaient pas encore enregistrées au moment de l’assemblée générale, le record de récolte semble se confirmer autour de 1,9 voire 2 millions d’hectolitres, certes avec plus de vignes qu’en 2018. Toujours dans l’objectif de gérer au mieux les marchés, tout l’enjeu désormais pour le BIVB est d’essayer de prédire pour chaque appellation, un ratio de stock et d’écoulement sur les marchés sur une période de 3 à 5 ans. Des travaux sur la gestion des volumes devant permettre de viser l’équilibre offre-demande, pour, au final, aboutir à la valorisation recherchée par les professionnels. Et ce, en parallèle, des travaux sur les coûts de production que le pôle continue de mener (sur la vinification et les frais d’élevage des vins en 2023). Toutes ces informations seront enfin à transmettre rapidement aux ODG pour leur permettre de gérer les déclassements, renoncements, replis, VCI… ou encore pour permettre à chaque vigneron de « se comparer par rapport aux moyennes de l’ensemble des vins de Bourgogne ». Pour cela, le site Extranet va faire peau neuve dans les prochains mois. Enfin, la commission Économie travaille sur de nouveaux outils financiers pour gérer les stocks. Des réflexions en lien avec la fiscalité qu’il faudra ensuite pousser auprès des législateurs et de Bercy. Peut-être seront-ils dévoilés au Vinosphère, le grand rendez-vous technico-économique, prévu le 5 mars.

Laurent Delaunay, nouveau président

Élu président délégué il y a 2 ans, Laurent Delaunay – négociant beaunois - prend la présidence selon la règle de l’alternance de mi-mandat définie au BIVB. Il promettait de continuer « de transcender les différents points de vue entre les deux familles » pour faire « perdurer le consensus ». Cela ne signifie pas qu’il souhaite rester immobile. Le négociant sait qu’il faut en permanence « réfléchir, préparer l’avenir, prioriser car on est contraint d’évoluer avec les marchés ». Cela ne sera pas simple avec l’Objectif Climat visant à réduire de 60 % les émissions de la filière bourguignonne. L’objectif de neutralité à 2035 inscrit maintenant la filière « dans un écosystème plus large » que le simple BIVB. « Il va falloir une approche plus inclusive, tisser des ponts avec nos partenaires, les professions connexes - tonneliers, prestataires, logisticiens, distributeurs… » - sans oublier personne. Le spectre est large et le BIVB doit déjà faire une cartographie exhaustive de la filière, où du cycle de vie des produits. Laurent Delaunay annonçait donc des conférences-débats dès ce mois de janvier « pour mobiliser tous les opérateurs à l’échelle locale ». L’autre grand défi qu’il se fixe est en lien direct avec les préoccupations quotidiennes des vignerons : adapter la récolte face au changement climatique. Il se montrait lucide et traduisait cela en une réalité économique : « ces soubresauts sur nos marchés, aux effets délétères sur les prix perçus, nous sont reprochés par les prescripteurs ». Pour contrer ce phénomène, le négociant veut poursuivre les travaux engagés pour « passer d’une commercialisation subie à un pilotage des disponibles que nous maîtrisons », via les outils du pôle Marchés, et ce, « dans l’intérêt des deux familles » viticulture et négoce.

Deux rendez-vous importants en 2024

En 2024, la Bourgogne va être au centre du monde viticole. D’abord, à l’échelle nationale, la CAVB va organiser le congrès de la CNAOC à Beaune. Puis, la Bourgogne va accueillir le 45e congrès de l’Organisation internationale du vin (OIV) en octobre à Dijon. Yann Juban et Christian Vannier, ex-directeur du BIVB et mandaté par le ministre de l’Agriculture, sont venus présenter les premiers éléments de ce qui s’annonce déjà comme un événement historique devant marquer le centenaire de l’OIV née en 1924. Son siège est désormais établi pour 50 ans à Dijon. « Des centaines de délégués vont venir du monde entier » pour ce 45e Congrès mondial de la vigne et du vin, puisque l’OIV est passé de 8 États membres en 1924 à une cinquantaine de pays producteurs qui « s’attellent par consensus sur la gouvernance vitivinicole » mondiale. Pour preuve, une conférence des ministres de l’Agriculture de ces cinquante pays membres devrait ouvrir cette séquence, le 13 octobre, « pour avoir une déclaration commune », espère Christian Vannier qui se montre toutefois prudent au vu des tensions géopolitiques actuelles. Le Congrès suivra du 14 au 18 octobre avec des parties scientifiques et techniques. « C’est la France qui invite, pas la Bourgogne », précise-t-il bien. 1 500 congressistes sont attendus au final.