Retraite
Une transition nécessaire

Chloé Monget
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Ancien exploitant agricole, Marcel Cottin, 64 ans, est retraité depuis novembre 2021. Il explique comment il a réussi ce changement. 

Une transition nécessaire
Marcel Cottin, 64 ans, vit pleinement sa retraite.

« J’avais une exploitation à Isenay (58) de 140 ha (dont 30 ha de culture d’autoconsommation), avec une cinquantaine de vaches Charolais non inscrites et 250 brebis ». Installé en hors cadre en novembre 1990, Marcel Cottin a pris sa retraite en novembre 2021. Depuis : « je m’éclate » réagit-il sans détour, avant d’ajouter : « le passage à la retraite n’a pas été dur car j’ai réussi à faire une certaine scission avec ma vie professionnelle, tout en cultivant de nouveaux éléments pour avancer ».

Scission

Si cette transition semble aisée, elle reste tout de même un moment délicat : « J’ai eu un pincement au cœur en partant, je ne vais pas le nier. Mais, comme je louais mes terres, et que mes trois enfants ne souhaitaient pas reprendre la suite, habitants ailleurs, je me suis fait une raison. Nous avons donc décidé, avec mon épouse Catherine, de nous rapprocher d’eux ». Ainsi, Marcel et Catherine déménagent à 80 km pour rejoindre deux de leurs enfants, installés sur le secteur, et aussi pour passer plus de temps avec leurs cinq petits-enfants : « cette décision, même dure à prendre, fut bénéfique que ce soit pour Catherine ou pour moi. Souvent, les exploitants restent dans les parages de leur ancienne ferme, ce qui les empêche de tourner complètement cette page afin de se consacrer à la suite de leur vie : la retraite ». Outre ce changement, d’autres sont survenus en même temps. En effet, Marcel Cottin, porta, durant sa carrière professionnelle, de nombreuses casquettes : administrateur de la Société Coopérative Agricole de la Nièvre (SCAN), administrateur de la caisse locale du Crédit Agricole de Fours, administrateur à Éleveurs Nivernais, membre du comité ovin de la Cyalin et conseiller de terrain Axéréal. « Entre l’exploitation et tous ces engagements, il est difficile – et étrange - de voir que tout cela s’arrête net lors du départ en retraite – même si je continue à être président de la section ovine pour la FDSEA 58 et toujours impliqué dans l’enseignement agricole comme vice-président de l’EPL de Challuy et du lycée agricole de Ressins (42). On peut alors ressentir une forme d’abandon de la profession, voire un isolement humain assez fort. Mais, il faut chercher à se réinventer pour ne pas avoir ces sentiments ».

Ouvertures nouvelles

Pour cette métamorphose, Marcel explique que tous ces engagements, même si très prenants, lui ont beaucoup apporté. «J’ai rencontré de nombreuses personnes d’horizons différents ce qui m’a permis d’acquérir une certaine ouverture d’esprit. Pour donner un exemple j’ai pu suivre la formation « acteur du monde rural » en 2004-2005 à l’Ifocap. Durant ces six semaines, divers thèmes ont été abordés comme la philosophie de l’engagement, les bonnes postures, etc. le tout agrémenté par des visites inédites (locaux de l’Union Européenne ou encore l’assemblée Nationale). Cela m’a donc offert des opportunités pour ma retraite ». Depuis, il est engagé dans de nouvelles associations, comme celle des Agriculteurs français et développement international (Afdi), représentant UDAF pour la MSA ou encore bénévole à l’association d’Aide à domicile en milieu rural (ADMR) de l’antenne de Nevers ainsi que dans le café associatif de Garchy. « Ces nouvelles missions remplissent bien mon agenda, et me permettent de donner un certain sens à ma retraite, car j’apporte de l’aide aux autres ». Cette appétence pour le soutien pour autrui, Marcel le justifie : « Je suis comme ça, c’est assez naturel chez moi car, je suis persuadé que sans les autres nous ne sommes pas grand-chose ». En réfléchissant, il trouve les racines de cette passion durant son service militaire effectué en Allemagne à Fribourg.

Le cœur de l’avenir

« J’ai été instructeur pour le peloton des élèves gradés. Pendant cette période j’ai apprécié pouvoir transmettre un savoir en toute simplicité et avec toujours un respect mutuel ». Après cette année-là, au début des années quatre-vingt, il devient moniteur en Maison familiale. « J’ai été en contact avec des jeunes en situation scolaire, sociale et familiale difficile. Il y avait un contact singulier entre eux et moi via un travail concret pour les aider. J’en garde d’ailleurs un souvenir très particulier. De chez mes parents, j’ai décidé de venir avec un tracteur pour faucher le terrain de football. Cela a permis à certains de découvrir un outil agricole mais surtout, ils ont vu que je n’étais pas un simple formateur mais également un professionnel comme leurs parents. Cela a permis de conforter nos liens.

Au 1er juillet 1984, j’entrais à la coopérative Scan comme magasinier à la Charité-sur-Loire puis, j’ai exercé en tant qu’agent de relation culture dans le Morvan. J’ai quitté la coopérative en 1988 avec un projet d’installation en vue, mais cela n’a pas abouti. De fait, j’ai travaillé comme salarié agricole deux ans à Saint-Hilaire-Fontaine avant de concrétiser mon installation à Isenay en novembre 1990. Durant mes 31 ans d’activité, j’ai largement assouvi ma passion de former et de transmettre. Pas moins d’une centaine de jeunes se sont succédé dans l’exploitation à mes côtés qu’ils aient été stagiaires ou apprentis. D’horizons divers, ils venaient du Morvan ou de l’étranger (Maroc, Roumanie, Chili, etc.), ou de formations différentes (de CAP agricole à ingénieurs). Grâce à eux, j’ai non seulement pu partager mes connaissances mais aussi beaucoup appris à leur contact. C’est un échange mutuel, dont la portée positive a touché toute ma famille. Encore aujourd’hui, je revois certains d’entre eux avec plaisir ». Plus récemment, il participe, en tant que référent agricole, aux réunions « Imagine la jeunesse » lancées par le Conseil départemental de la Nièvre dans le cadre de son action « Imagine la Nièvre » visant par 30 engagements à améliorer ou développer la mobilité, l’accès à la culture ou aux soins.

Marcel Cottin tire une conclusion de tout ce parcours : « le lien avec les autres et la convivialité sont les bases de la vie. Il faut savoir être tolérant afin d’aller l’esprit ouvert à la découverte de ce qui s’offre à nous. En suivant ces quelques principes, la retraite n’est plus un moment d’abandon comme je l’évoquais, mais vraiment un retour aux fondements qui font avancer collectivement la société. Encore une fois : c’est ensemble que l’on avance ».

Image supplémentaire
Marcel avec Léopold ( Agrosup Dijon ) et Johnny ( CFA Château -Chinon ) à l'automne 2012. Marcel précise : « Nous allions faire des diagnostics de gestation ». Crédit photo : Marcel Cottin.