Légumineuses
Les travaux d'une chercheuse de l'Inrae sur les légumineuses

Berty Robert
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Alors qu’en février avait lieu la Journée mondiale des légumineuses, nous avons rencontré Juliana Melendrez-Ruiz, jeune chercheuse au centre Inrae de Dijon. Son travail vise à comprendre les raisons pour lesquelles, en France, on consomme peu de légumes secs. Elle y a consacré sa thèse de doctorat.

Les légumineuses, et en particulier les légumes secs, sont encore trop rares dans l’assiette des Français. C’est pour tenter de mieux comprendre cette réticence à en consommer que Juliana Melendrez-Ruiz y a consacré sa thèse de doctorat (*), soutenue en octobre 2020, et réalisée sous la direction de Gaëlle Arvisenet (enseignante Institut Agro Dijon) et Stéphanie Chambaron (directrice de recherches Inrae). Un travail porteur de beaucoup d’enseignements, alors même que l’agriculture de notre région s’interroge sur la pertinence de développer les cultures de légumineuses. Des travaux tels que ceux du Groupe opérationnel Proteins (Go Proteins) de Bourgogne-Franche-Comté, ont tenté de comprendre les difficultés agronomiques qui pouvaient se poser sur ce type de culture, mais la question de fond reste celle-ci : existe-t-il un marché pour ces productions, dans le domaine de l’alimentation humaine ? C’est sur ce thème que la jeune chercheuse du centre Inrae de Dijon a choisi de se pencher.

« En France, il y avait peu de choix »

Sur un plan personnel, elle disposait déjà de quelques bases de comparaison : dans son pays d’origine, la Colombie, les légumineuses sont très présentes dans les habitudes culinaires au quotidien. « Lorsque je suis arrivée en France en 2015, explique-t-elle, l’un des premiers produits alimentaires que j’ai cherché dans les supermarchés c’était les lentilles et les haricots. J’ai réalisé qu’ici, il y avait peu de choix dans ce domaine et, en plus, la façon dont ces produits étaient présentés ne donnait pas trop envie de les choisir… J’étais surprise de ce manque relatif de disponibilité, comparé aux pâtes ou au riz ». Aujourd’hui docteure en science du consommateur et ingénieure-chercheuse à l’Inrae de Dijon, Juliana Melendrez-Ruiz souligne que les résultats des travaux qu’elle a menés pour réaliser sa thèse, de 2017 à 2020, révèlent « des éléments de compréhension qui pourraient être utilisés comme leviers auprès des consommateurs pour augmenter la consommation de légumes secs, plébiscités par les scientifiques et les pouvoirs publics pour leurs atouts nutritionnels et environnementaux. Le thème de ma thèse est aussi en lien avec la recherche sociétale d’une alimentation plus saine et durable ».

Pas réservé aux végétariens

La jeune chercheuse a décidé de s’intéresser à la question au moment où l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food and agriculture organization – FAO) a lancé une année internationale des légumineuses. Nous étions en 2016. « Je réalisais alors mon master, rappelle-t-elle. Je savais que je voulais continuer dans la recherche et je suis tombée sur ce sujet de thèse consacré au niveau de consommation de légumes secs par les Français ». Des études sur ce thème avaient déjà été menées au Canada ou en Australie, mais en France, le sujet semblait absent des radars. Raison de plus pour s’engager sur ce terrain « vierge » ! « Dans ma thèse, souligne Juliana, je me suis concentrée sur les consommateurs non-végétariens, afin d’avoir l’approche la plus objective possible ». C’était d’autant plus nécessaire qu’au cours de son travail, la chercheuse a constaté que nombre de personnes qu’elle interrogeait associaient souvent ces légumes secs à des habitudes alimentaires végétariennes. Juliana Melendrez-Ruiz a aussi pu identifier différents freins à la consommation de légumes secs : « Ces produits n’attirent pas beaucoup l’attention visuelle des consommateurs en grandes surfaces. Ils sont souvent difficiles à trouver et à identifier en rayons. Beaucoup de consommateurs expriment aussi une crainte de difficulté de préparation de ces aliments ». Elle a appuyé une partie de son travail de thèse sur une importante recherche bibliographique et à travers la mise en place de cinq études mobilisant un grand nombre de participants. « Chacune d’elles avait pour but d’apporter une réponse à des questions spécifiques. Les groupes de personnes concernées allaient de 80 à 120 personnes ». Elle a aussi conçu un jeu de cartes : l’outil était destiné à comprendre comment les participants aux études préparent un plat principal, quels sont les éléments qu’ils choisissent spontanément d’associer pour ce plat. Ces cartes présentaient des légumes secs, du poisson, des féculents, des œufs, des légumes verts. Le but était d’observer les choix des participants en fonction de différents scénarios préétablis. « Il s’agissait aussi de comprendre le comportement des consommateurs, mais sans les questionner directement. Par exemple, on ne précisait pas que l’étude portait particulièrement sur les légumineuses, ce qui permettait d’obtenir des réponses plus spontanées et pas orientées ou biaisées ».

Le levier de la restauration

Ces études ont permis d’identifier certains leviers : les consommateurs seraient ainsi plus ouverts à la consommation de légumes secs dans le contexte de la restauration collective (cantine ou restaurant). La restauration hors foyer pourrait donc servir de catalyseur afin d’augmenter la consommation de ces produits. L’argument de la préservation de l’environnement paraît aussi porteur auprès de beaucoup de consommateurs. Juliana Melendrez-Ruiz poursuit son travail dans ce domaine. Sa thèse a été remarquée par Terres Univia, organisme avec lequel elle collabore aujourd’hui, en s’intéressant plus précisément aux perceptions sensorielles liées aux légumes secs. « Les choses évoluent néanmoins en France, constate en conclusion Juliana Melendrez-Ruiz : on commence à trouver en rayons des produits à bases de légumineuses plus attirants et innovant tels que des chips ou des pâtes, mais pour ce qui concerne les légumes secs bruts, il est toujours assez difficile de les repérer facilement, même s’il y a plus d’offres… »

 

Note : (*) « Comprendre la faible consommation de légumes secs chez les consommateurs français non végétariens: combinaison d’approches directes et indirectes afin d’identifier les barrières et les opportunités ».